PARIS: Le Premier ministre français François Bayrou va recourir lundi à une procédure du vote bloqué pour tenter de faire adopter le budget de l'Etat en l'absence de majorité, ouvrant la porte à une nouvelle motion de censure deux mois après la chute du précédent gouvernement.
M. Bayrou, un centriste, activera l'article 49.3 de la Constitution pour faire passer son projet de loi de finances en bloc. L'Assemblée nationale ne pourra faire échouer le texte qu'avec une motion de censure, synonyme de chute du gouvernement si elle est adoptée.
C'est ce scénario qui s'était produit le 4 décembre: le précédent Premier ministre conservateur Michel Barnier avait essayé d'imposer son budget, avant d'être forcé à démissionner par une large majorité de députés de gauche et d'extrême droite.
Confrontée à une dette publique record, la France navigue en eaux troubles depuis la dissolution de l'Assemblée nationale début juin, décidée par le président Emmanuel Macron dans la foulée de la déroute de son camp aux élections européennes.
Depuis les législatives, aucune majorité ne s'est dégagée au Parlement, divisé en trois blocs (gauche, centre-droit-droite, extrême droite).
Le pays en est depuis à son troisième Premier ministre et toujours sans budget pour l'année en cours.
"Maintenant, il faut passer sans tarder à l'adoption. Un pays comme le nôtre ne peut pas rester sans budget. Le seul moyen, c'est d'engager la responsabilité du gouvernement. Ce sera fait ce lundi", a annoncé M. Bayrou à l'hebdomadaire La Tribune Dimanche.
L'examen doit commencer à 15H00 GMT.
- Deux inconnues -
La France insoumise (LFI), principale force de la gauche, a préparé de longue date une motion de censure pour faire chuter M. Bayrou, que devraient voter mercredi communistes et écologistes.
La position du Rassemblement national et du Parti socialiste (PS), sans les voix desquels cette motion ne peut passer, n'est pas encore connue. Les regards sont plus particulièrement braqués sur les socialistes, avec qui le gouvernement négocie depuis plusieurs semaines.
Si le PS a "arraché des concessions", elles "restent largement insuffisantes pour faire de ce budget un bon budget", a reconnu dimanche le chef du groupe à l'Assemblée, Boris Vallaud, auprès du quotidien régional Ouest-France.
L'ancien Premier ministre socialiste Lionel Jospin est intervenu dans ce débat samedi, en appelant le PS et la gauche de manière générale "à ne pas voter la censure", soulignant que celle-ci laisserait le pays sans gouvernement et sans budget.
Argumentaire vivement contesté par les leaders Insoumis dimanche. Le coordinateur de LFI Manuel Bompard s'est dit "en désaccord radical" avec M. Jospin.
Le président Insoumis de la commission des finances à l'Assemblée, Eric Coquerel, a lui souligné la faiblesse des concessions obtenues par le PS, avec au total un budget "pire" que celui proposé par Michel Barnier, prévoyant 6,2 milliards d'euros de recettes en moins et 6,4 milliards d'économies en plus.
Il a aussi relativisé l'urgence pour le pays de se doter d'un budget, alors qu'une loi spéciale votée fin 2024 permet de gérer les affaires courantes et qu'un projet de loi pourrait permettre de voter rapidement des dispositions urgentes et consensuelles.
Concernant le RN, plus en retrait, François Bayrou négociant en premier lieu avec le PS, il appartiendra à Marine Le Pen, présidente du groupe à l'Assemblée, et à Jordan Bardella, président du parti, de trancher.