L’histoire se répète et, plus d’une décennie plus tard, la sécurité alimentaire est à nouveau au premier rang des priorités des gouvernements du monde entier, rappelant la crise alimentaire de 2007-2008. L’agriculture, les systèmes alimentaires et les chaînes d’approvisionnement font face à de multiples défis: la pandémie de Covid-19, l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les catastrophes naturelles causées par le changement climatique, la perturbation de la chaîne d’approvisionnement et l’inflation ont concouru à exacerber l’insécurité alimentaire au niveau mondial.
De nombreux pays ont été touchés par la crise actuelle de la sécurité alimentaire et la hausse des prix des denrées menace de déstabiliser l’ordre politique et social. L’effondrement du gouvernement sri-lankais en est un bon exemple.
L’Arabie saoudite n’a cependant pas été prise de court par la crise imminente liée à la sécurité alimentaire. Lorsque celle de 2008 est survenue, le pays s’est préparé à renforcer ses réserves en encourageant les agriculteurs locaux à exploiter les techniques de l’agriculture intelligente et en recourant à l’approvisionnement sur le marché international.
Au début de la pandémie, l’abondance des denrées sur les marchés locaux d’Arabie saoudite était telle que les citoyens et les résidents ne ressentaient aucune menace de pénurie alimentaire. Ce phénomène était lié à différentes initiatives et à divers programmes gouvernementaux, comme ceux qui ont trait au développement agricole rural et à l’investissement agricole à l’étranger, en plus des incitations données aux agriculteurs pour planter localement et utiliser les programmes gouvernementaux ainsi que le soutien qui leur étaient offerts. En réalité, l’Arabie saoudite a atteint un niveau d’autosuffisance élevé en œufs, en produits laitiers, en légumes et en fruits.
En 2019, la production totale de dattes s’élevait à 1,5 million de tonnes, un taux d’autosuffisance de 125%, tandis que la production de légumes a atteint environ 1,6 million de tonnes, un taux d’autosuffisance de 60%.
La production de pommes de terre a atteint près de 403 000 tonnes, rendant le Royaume autosuffisant à hauteur de 92% dans ce secteur. Celle de fruits et d’agrumes s’élevait à 650 000 tonnes, soit un taux d’autosuffisance de 35%; cela constitue une augmentation notable par rapport à 2016, lorsqu’elle avait atteint 266 000 tonnes (un taux d’autosuffisance de 15%), selon le ministère de l’Environnement, de l’Eau et de l’Agriculture.
L’Arabie saoudite a atteint un taux élevé de production d’œufs destinés à la consommation en 2019, avec un niveau de production de 315 000 tonnes et un niveau d’autosuffisance de 116%, contre 102% en 2016. La production de lait frais et de ses dérivés s’élevait à 2,4 millions de tonnes, atteignant un taux d’autosuffisance de 109%.
Le secteur de la production de poisson a également enregistré de meilleurs résultats que par le passé: en 2020, il a atteint un niveau de production de près de 155 000 tonnes et un taux d’autosuffisance de 55%, contre 90 000 tonnes et 15% en 2016.
L’initiative gouvernementale la plus récente en matière de sécurité alimentaire est le programme de soutien à l’industrie avicole. Il a pour objectif de porter le taux d’autosuffisance en viande de volaille à 80% d’ici à 2025. Le taux actuel du Royaume en matière de production de viande de volaille est déjà passé de 45% en 2016 à 68% en 2022. Un investissement gouvernemental de 17 milliards de riyals saoudiens (4,52 milliards de dollars; 1 dollar = 1 euro) d’ici à 2025 a pour but d’atteindre une capacité de production estimée à 1,3 million de tonnes de poulets de chair par an. Cela permettra de soutenir la sécurité alimentaire nationale et de créer des emplois.
La guerre entre la Russie et l’Ukraine a touché de nombreux pays, dont l’Arabie saoudite. Les prix mondiaux des denrées augmentent, mais les réserves de cultures vivrières stratégiques de l’Arabie saoudite lui permettent de faire face à la menace que cette situation pose pour la sécurité alimentaire.
Cette dernière est d’une importance cruciale pour n’importe quel pays et pour son développement durable. Actuellement, la majorité du blé mondial est produite dans quelques pays seulement, selon l’Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture.
Les prix mondiaux des denrées augmentent, mais les réserves de cultures vivrières stratégiques de l’Arabie saoudite lui permettent de faire face à la menace que cela pose pour la sécurité alimentaire.
Turki Faisal al-Rasheed
La Chine – le plus grand producteur de blé au monde – a commencé à allouer une plus grande partie du blé qu’elle produit à la consommation locale pour répondre à la demande alimentaire croissante. La Chine est le plus grand consommateur de blé au monde. En 2020-2021, ce pays représentait environ 19% de la consommation mondiale de blé.
Le deuxième plus grand producteur de blé est l’Inde. Comme la Chine, l’Inde alloue la majeure partie de son blé à la consommation locale en raison d’une demande alimentaire importante à l’échelle du pays.
La Russie, troisième producteur mondial de blé, est également le premier exportateur mondial de cette céréale. Ses exportations s’élèvent à plus de 7,3 milliards de dollars en 2021, ce qui représente environ 13,1% des exportations totales de blé cette année-là. L’Ukraine est le 10e plus grand exportateur de blé.
L’accord entre la Russie et l’Ukraine pour reprendre l’exportation de céréales malgré la guerre qui oppose ces deux nations – sous les auspices et les garanties de l’ONU et de la Turquie – représente une bouée de sauvetage pour de nombreux pays, y compris les pays arabes, et pour des millions de pauvres à travers le monde. Ce point est crucial pour mettre fin à la crise alimentaire mondiale actuelle, car la Russie et l’Ukraine constituent actuellement l’épine dorsale des systèmes mondiaux de production de céréales, d’huiles et d’engrais. En effet, l’accord permet à l’Ukraine d’exporter 22 millions de tonnes de céréales et d’autres produits agricoles nécessaires qui étaient auparavant bloqués dans ses ports de la mer Noire en raison de la guerre.
Les déclarations de l’Europe pour saluer cet accord montrent à quel point ce dernier est important, malgré l’hostilité apparente de l’Europe envers la Russie, le fait qu’elle fournisse des armes aux Ukrainiens et même sa demande d’une mise en œuvre plus rapide de l’accord.
Ce qui préoccupe les Arabes aujourd’hui, alors que l’optimisme augmente au sujet de l’atténuation de la crise de la sécurité alimentaire, c’est le fait qu’on tire des leçons de cette crise et qu’on garantisse la sécurité alimentaire arabe à l’avenir.
Je suggère la mise en place d’un comité arabe réunissant des spécialistes de haut niveau officiellement et chargé d’étudier les facteurs d’approvisionnement alimentaire ainsi que de prendre des mesures susceptibles d’assurer la sécurité alimentaire arabe, en particulier en temps de crise. Toutes les personnes impliquées doivent comprendre qu’il n’y a pas de sécurité alimentaire arabe possible sans la coopération de toutes les parties prenantes.
Il existe une autre recommandation: investir dans des sociétés cotées en bourse (dont les sièges sociaux se trouvent dans les pays d’accueil) qui possèdent des terres agricoles en pleine propriété. L’achat d’actions au sein de la société égyptienne Misr Fertilizers Production Company par le Fonds public d’investissement (PIF) de l’Arabie saoudite est un bon exemple d’investissement qui propose une situation avantageuse pour le pays hôte comme pour le pays investisseur.
Le Dr Turki Faisal al-Rasheed est professeur adjoint au Département de génie agricole et des biosystèmes, qui fait partie du Collège d’agriculture et des sciences de la vie de l’université de l’Arizona. Il est l’auteur du livre Agricultural Development Strategies: The Saudi Experience («Stratégies de développement agricole: l’expérience saoudienne»).
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.co