L’avenir de l’alimentation semble de plus en plus incertain au Proche-Orient et en Afrique du Nord, où l’insécurité alimentaire et la malnutrition ne cessent de gagner du terrain. Nous pouvons et devons agir maintenant pour nous attaquer aux causes profondes de cette situation et transformer les structures qui déterminent la façon dont nos aliments sont produits, distribués et consommés.
À l’heure actuelle, les crises prolongées dues aux conflits et à d’autres crises humanitaires, ainsi que l’accroissement démographique rapide, se traduisent par une dépendance accrue à l’égard des importations alimentaires. Fréquemment conjugués à des chocs économiques, ces risques, qui se recoupent souvent, sapent les moyens de subsistance et plongent des millions de personnes dans une insécurité alimentaire aiguë élevée. La pauvreté, les inégalités généralisées et l’impact de la pandémie de Covid-19 aggravent la situation.
Plus important encore, la région est confrontée à la pression croissante due aux effets de la crise climatique, à l’extrême pénurie d’eau et à la dégradation des ressources naturelles, ce qui ne fait que renforcer la gravité et l’impact des chocs et affaiblir la résilience.
La région Proche-Orient et Afrique du Nord a un long chemin à parcourir pour atteindre l’objectif de développement durable 2 des Nations unies, qui vise à éliminer la faim d’ici à 2030. En 2020, dans cette seule région, 59,3 millions de personnes étaient sous-alimentées, soit 14,2 % de la population totale.
Quelque 165 millions de personnes habitent dans des zones rurales, où la majorité des pauvres doivent se contenter de services essentiels inadéquats, de faibles possibilités d’innovation, d’un accès limité aux infrastructures de production, aux services et aux chaînes de valeur, et d’un nombre insuffisant d’emplois.
La migration de plus en plus importante vers les villes de la région a contribué à la constante hausse du nombre de pauvres dans les zones urbaines. Nombre d’entre eux sont des jeunes, dont les espoirs de trouver en ville de nouvelles perspectives restent souvent déçus.
La région Proche-Orient et Afrique du Nord doit faire face à de tels défis structurels qu’il lui est particulièrement difficile de répondre aux besoins alimentaires d’une population croissante. De ce fait, nos systèmes agroalimentaires ne parviennent pas à garantir une alimentation saine. Les aliments apportent des calories, mais ils ne sont pas suffisamment nutritifs, ce qui fait peser le triple fardeau de la malnutrition: retard de croissance, obésité et carences en micronutriments.
Nous devons de toute urgence transformer nos systèmes agroalimentaires pour les rendre plus efficaces, plus inclusifs, plus résilients et plus durables. Les données scientifiques lancent un avertissement sans équivoque: il ne suffit pas de passer à la vitesse supérieure, nous avons besoin d’un changement structurel et nous devons veiller à ce qu’il se produise rapidement.
La priorité absolue est de réunir tout le monde à la même table. Les dirigeants doivent trouver des solutions qui permettent de redessiner l’avenir du secteur agroalimentaire dans la région Proche-Orient et Afrique du Nord. Pour mettre en œuvre ces solutions, il faut nouer des partenariats de grande envergure avec toutes les parties prenantes, notamment le secteur privé, le milieu universitaire et la société civile.
Huit années seulement nous séparent de 2030, qui est l’échéance fixée pour réaliser le programme de développement durable. L’Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) plaide en faveur d’une stratégie globale et cohérente qui mette l’accent sur les systèmes agroalimentaires en vue d’atteindre les 17 objectifs. Les problèmes sont indissociables des solutions. Nous ne pourrons préserver nos ressources naturelles pour les générations futures que si nous parvenons à réduire la pauvreté et la faim en promouvant des systèmes agroalimentaires durables et en renforçant la résilience des communautés rurales. Nous devons repenser nos systèmes agroalimentaires pour remodeler notre avenir.
Il existe une série de mesures à court, moyen et long terme que nous pouvons prendre dès à présent afin de créer des systèmes agroalimentaires durables, inclusifs et sains. Il nous faut exploiter le potentiel des technologies et de l’innovation dans les chaînes de valeur agroalimentaires à l’appui de la transformation rurale. Nous devons mettre en place des mesures incitatives, des règles et des normes pour favoriser l’évolution des modes de consommation, réduire les pertes et le gaspillage de nourriture et intensifier la restauration des terres et le reboisement. Il est important de limiter les prélèvements d’eau pour l’agriculture, tout en augmentant la productivité de l’eau.
Nous ne saurons atteindre notre objectif commun, à savoir l’objectif Faim zéro, si les personnes vulnérables sont laissées pour compte. Dans les pays en proie à des situations d’urgence complexes, qui comptent souvent parmi les plus grandes crises alimentaires du monde, intensifier les investissements dans l’agriculture pour répondre aux besoins humanitaires de première ligne permet non seulement de sauver des vies et de protéger les moyens de subsistance à court terme, mais aussi de jeter les bases d’un redressement et d’une résilience futurs. À ces actions doivent s’ajouter les efforts liés au développement, de même qu’il faut s’engager auprès des acteurs de la paix et du climat afin de garantir une transformation durable des systèmes agroalimentaires.
La FAO jouit d’une expérience de plusieurs décennies en matière de programmes humanitaires et de programmes de développement. Grâce à ses interventions axées sur le renforcement de la résilience, la FAO s’attaque simultanément aux risques et aux vulnérabilités multiples auxquels sont confrontées les populations, répond aux besoins humanitaires immédiats et permet à ces populations d’être mieux préparées et d’être plus aptes à résister au prochain choc ou à la prochaine situation de stress.
Une solidarité et une coopération accrues entre les pays et les régions sont aussi des facteurs déterminants à même d’éradiquer la faim, de mettre fin à l’insécurité alimentaire et de garantir la durabilité. Nous devons œuvrer ensemble de manière efficiente, efficace et cohérente. La paix est un impératif absolu pour réaliser nombre de ces solutions, dans lesquelles tout le monde trouve son compte.
La FAO continuera d’aider les pays à collaborer étroitement avec les organisations internationales, le milieu universitaire, le secteur privé, la société civile, les institutions financières internationales et toutes les parties prenantes concernées, dans le cadre de plusieurs initiatives telles que l’Initiative Main dans la main. La FAO est résolue à prêter appui aux membres de la région pour l’élaboration et la mise en œuvre des politiques dont ils ont besoin pour que la production augmente de manière inclusive et que la sécurité alimentaire soit garantie pour tous.
La trente-sixième session de la Conférence régionale de la FAO pour le Proche-Orient, qui commence cette semaine, sera l’occasion pour les ministres de l’Agriculture de la région de se rencontrer à Bagdad (les 7 et 8 février) afin de débattre des défis et des priorités, de s’engager à prendre des mesures pour transformer les systèmes agroalimentaires en vue de la concrétisation des objectifs de développement durable.
La Conférence régionale marque une étape importante vers la mise en œuvre du Cadre stratégique 2022-2031 de la FAO, qui vise à garantir une meilleure production, une meilleure nutrition, un meilleur environnement et de meilleures conditions de vie pour tous, sans laisser personne de côté.
M. Qu Dongyu est le directeur général de la Food and Agriculture Organisation (FAO), créée en 1945, pour l'alimentation, dans son sens le plus large, qui inclut notamment l'agriculture, les forêts, les pêches et les industries se rattachant directement à l'alimentation.