La résurgence de la faim est l’un des plus grands problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui. Un mélange toxique de guerre civile généralisée, de pauvreté et de Covid-19 menace de provoquer une famine massive d’une ampleur sans précédent. Malheureusement, mettre un terme à la faim et à la malnutrition est le seul objectif de développement durable des Nations unies sur lequel nous n’avons pas réussi à progresser ces dernières années.
Le Programme alimentaire mondial (PAM) a obtenu le prix Nobel de la paix en 2020 pour «ses efforts dans la lutte contre la faim, ses contributions à l’amélioration des conditions de paix dans les zones de conflit et pour avoir agi en tant que force motrice pour empêcher l’utilisation de la faim comme instrument de guerre et de conflit».
L’Arabie saoudite a longtemps milité pour l’attention mondiale aux questions de sécurité alimentaire. Lors du dernier sommet du Groupe des vingt (G20) organisé par le Royaume, les membres se sont engagés à investir davantage dans le développement agricole.
À chaque fois que le PAM faisait face à des déficits de financement, l’Arabie saoudite venait à la rescousse de ceux qui en avaient le plus besoin en apportant des contributions importantes; dans les années 1970 et pendant la forte hausse des prix des denrées alimentaires en 2008, le Royaume est le plus gros contributeur du PAM avec des dons en espèces jamais égalés. Cela a aidé le PAM à mettre en œuvre des programmes pour atténuer l’impact de cette hausse. En 2019, le Royaume était le cinquième plus grand donateur du PAM grâce au Centre d’aide humanitaire et de secours du roi Salmane. L’année dernière, le Royaume a investi 440 millions de dollars (1 dollar = 0,82 euro) en aide alimentaire et en développement agricole dans 36 pays du monde entier, l’objectif principal étant le soutien au PAM au Yémen au cours des cinq dernières années.
Bien que la famine dans les zones de conflit attire facilement l’attention des médias, ce n’est pas le cas de la famine chronique. Il y a tellement de facteurs derrière cette situation: la pauvreté, la discrimination, la dégradation de l’environnement et l’insuffisance des investissements dans l’agriculture. Chaque année, le changement climatique nuit de plus en plus aux agriculteurs qui luttent pour faire face à la hausse des températures et aux cycles cruels d’inondations et de sécheresse. Après la récolte, 1,3 milliard de tonnes de nourriture sont tout simplement gaspillées chaque année.
L’Arabie saoudite a longtemps milité pour l’attention mondiale aux questions de sécurité alimentaire. Lors du dernier sommet du Groupe des vingt (G20) organisé par le Royaume, les membres se sont engagés à investir davantage dans le développement agricole.
Ajoutons la Covid-19 à l’équation de la famine mondiale et nous pourrions voir une autre pandémie – une «pandémie de la faim» aussi impitoyable que le virus lui-même. La Covid-19 a déjà coûté la vie à 1,7 million de personnes. Si nous lui permettons d’engendrer une deuxième pandémie de la faim et de la malnutrition, le coût des vies perdues sera de loin plus dévastateur. La faim et la malnutrition sont déjà des tueurs efficaces et emportent plus de 3 millions d’enfants de moins de 5 ans chaque année. Nous ne pouvons pas permettre à la Covid-19 de jeter de l’huile sur ce feu.
La pandémie de Covid-19 a détruit les récoltes, perturbé les chaînes d’approvisionnement et décimé les revenus de dizaines de millions de ménages. Si la nourriture est disponible, de plus en plus de gens manquent d’argent pour l’acheter. Au total, 270 millions de personnes pourraient se retrouver dans une situation de faim extrême en 2021, dont environ 30 millions sont déjà au bord de la famine.
Quelle est donc la meilleure voie à suivre? Premièrement, nous devons exhorter toutes les parties à respecter l’appel du secrétaire général de l’ONU à un cessez-le-feu mondial conforme à la politique du Royaume axée sur la paix comme son choix stratégique et l’un des piliers les plus importants de sa politique étrangère. Si la plus grande partie du problème de la faim provient de la politique, nous avons besoin de solutions politiques. Négocier la paix permettra non seulement de freiner les épidémies de faim dans les zones de guerre, mais aussi d’endiguer l’afflux de réfugiés et de migrants économiques qui submergent désormais de nombreux pays d’accueil.
Deuxièmement, nous devons fournir de la nourriture aux régions les plus vulnérables d’ici à la fin de l’année. Ce n’est pas seulement une tâche pour les gouvernements. Nous devons tous aider. Le moment de partager, c’est maintenant.
Troisièmement, nous devons adopter une approche stratégique afin d’aider à travailler en tandem et avec un véritable esprit de collaboration. Le «financement intelligent» par le biais de dons pluriannuels et multisectoriels peut aider les donateurs à avoir un large impact au-delà de la maîtrise des urgences. Un meilleur ciblage de l’aide pour se concentrer davantage sur les femmes et les filles serait certainement efficace, car elles sont le plus souvent victimes de malnutrition. Il ne nous suffit pas de sauver des vies si nous ne les changeons pas fondamentalement.
Enfin, nous devons renforcer la résilience dans les sociétés pour qu’elles puissent supporter à l’avenir les chocs comme la Covid-19. Nous devons commencer par les jeunes. À cause de la fermeture des écoles, 370 millions d’élèves du monde entier ne bénéficient plus des repas scolaires, et le PAM, l’Arabie saoudite et d’autres donateurs fournissent déjà de l’aide alimentaire afin de renforcer la nutrition et empêcher qu’ils ne tombent malades. Nous ne pouvons pas laisser une génération dans le monde en voie de développement devenir des dommages collatéraux durant cette pandémie – mal nourris et non instruits, avec peu d’espoir de mener des vies productives.
Si la pandémie de Covid-19 nous a appris une chose, c’est l’empathie. Même dans les pays riches, les familles qui ont des emplois pourraient un jour se retrouver dépendantes de l’aide du gouvernement ou des banques alimentaires. Aujourd’hui, des dizaines de millions de personnes dans le monde développé ne tiennent plus la nourriture pour acquis et partagent les inquiétudes des pauvres du monde d’une manière que nous n’aurions jamais imaginée possible. Peut-être que dans la douleur que la Covid-19 nous a imposée, nous pouvons enfin nous unir et œuvrer à construire un monde sans faim.
Le prince Faisal ben Farhan Al-Saoud est le ministre saoudien des Affaires Étrangères
Twitter: @FaisalbinFarhan
David Beasley est le directeur exécutif du Programme alimentaire mondial
Twitter: @WFPChief
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com