Le procès de l'attentat de Nice s'ouvre à Paris six ans après la tragédie du 14 juillet 2016

Images au palais de justice de Paris de la salle d'audience où doit se tenir, à partir du 5 septembre, le procès de l'attentat du 14 juillet 2016 à Nice, seconde attaque la plus meurtrière sur le sol français (86 morts) après les attentats du 13-Novembre. (Photo, AFP)
Images au palais de justice de Paris de la salle d'audience où doit se tenir, à partir du 5 septembre, le procès de l'attentat du 14 juillet 2016 à Nice, seconde attaque la plus meurtrière sur le sol français (86 morts) après les attentats du 13-Novembre. (Photo, AFP)
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Publié le Lundi 29 août 2022

Le procès de l'attentat de Nice s'ouvre à Paris six ans après la tragédie du 14 juillet 2016

Images au palais de justice de Paris de la salle d'audience où doit se tenir, à partir du 5 septembre, le procès de l'attentat du 14 juillet 2016 à Nice, seconde attaque la plus meurtrière sur le sol français (86 morts) après les attentats du 13-Novembre. (Photo, AFP)
  • L'auteur des faits, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, un Tunisien de 31 ans, sera le grand absent
  • Le soir du 14 juillet 2016, il avait foncé au volant d'un camion de 19 tonnes dans la foule réunie pour assister à un feu d'artifice sur la promenade des Anglais de Nice

PARIS: Six ans après l'attentat du 14 juillet 2016 qui a fait 86 morts sur la promenade des Anglais de Nice, la justice va tenter de répondre à partir du 5 septembre aux attentes des proches des victimes de la seconde attaque la plus meurtrière sur le sol français après les attentats du 13-Novembre. 

Comme un symbole, le procès de l'attentat de Nice se déroulera dans la même salle d'audience criminelle « sur mesure » que celle où s'est déroulé le procès des attentats du 13 Novembre 2015 (dit « V13 »), dans l'historique Palais de justice de Paris. 

Pour les parties civiles (on en comptait 865 fin août dont 39 de nationalité étrangère) qui ne pourront pas faire le déplacement dans la capitale, le procès sera retransmis simultanément dans une salle du palais des congrès Acropolis de Nice, qui peut accueillir 500 parties civiles. 

Comme le procès V13 avant lui, le procès sera filmé et enregistré pour l'Histoire. 

L'auteur des faits, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, un Tunisien de 31 ans, sera le grand absent. Le soir du 14 juillet 2016, il avait foncé au volant d'un camion de 19 tonnes dans la foule réunie pour assister à un feu d'artifice sur la promenade des Anglais de Nice. Il y a été tué par la police après avoir tiré sur les forces de l'ordre. 

Cette attaque, huit mois après les attentats du 13-Novembre à Paris et à Saint-Denis, avait été revendiquée, deux jours après les faits, par l'organisation Etat islamique. L'enquête n'a cependant pas permis d'établir un lien direct entre l'attentat et l'organisation djihadiste. Cette revendication « paraît être davantage une revendication de pure opportunité », a conclu l'enquête. 

En l'absence de l'assaillant, les magistrats de la cour d'assises spéciale, présidée par Laurent Raviot, devront examiner la responsabilité de sept hommes et une femme, membres de son entourage ou intermédiaires impliqués dans le trafic d'armes qui lui étaient destinées. 

Trois accusés  - Ramzi Kevin Arefa, Chokri Chafroud, Artan Henaj - sont en détention dont un (Artan Henaj) dans le cadre d'une autre affaire. 

Quatre autres - Maksim Celaj, Endri Elezi, Mohamed Ghraieb et Enkeledja Zace - placés sous contrôle judiciaire, comparaîtront libres. 

Le huitième, Brahim Tritrou, sera jugé en son absence après avoir rompu son contrôle judiciaire. Selon son avocate, cet accusé se trouverait actuellement détenu en Tunisie. Un mandat d'arrêt a été émis à son encontre par la justice française. 

Trois accusés (Ramzi Kevin Arefa, Chokri Chafroud et Mohamed Ghraieb) sont poursuivis pour association de malfaiteurs terroriste. Ils encourent de 20 ans de prison à la réclusion criminelle à perpétuité pour le seul de ces trois accusés (Ramzi Kevin Arefa) en état de récidive légale. 

Les cinq autres accusés sont poursuivis pour association de malfaiteurs et infractions à la législation sur les armes et encourent de cinq à dix ans d'emprisonnement. 

Procès de l'attentat de Nice : les huit accusés

Mohamed Ghraieb 

Franco-Tunisien de 46 ans, Mohamed Ghraieb, était un proche de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel. Selon l'accusation il était « pleinement conscient » de l'adhésion de son ami « à l'idéologie nihiliste du djihad armé » avant les faits. 

Mais les investigations n'ont pas permis de déterminer s'il était au courant de son projet d'attentat. 

« Les liens de proximité, de camaraderie qu’il avait avec le chauffeur de la mort sont radicalement insuffisants pour établir une quelconque responsabilité pénale », a confié son avocat Me William Bourdon. 

Poursuivi pour participation à une association de malfaiteurs terroriste, Mohamed Ghraieb, marié à une femme ayant quatre enfants, n'a eu de cesse de proclamer son innocence. Parmi les éléments à charge, l'accusation lui reproche notamment d'avoir circulé le 11 juillet 2016 à bord du camion ayant servi à commettre l'attentat en compagnie de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel. 

Incarcéré entre juillet 2016 et août 2019, il doit comparaître libre au procès. Il encourt 20 ans de réclusion criminelle. 

Chokri Chafroud 

Tunisien de 43 ans, Chokri Chafroud est en détention provisoire depuis juillet 2016. 

Ami de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, ce célibataire sans enfant a contesté durant l'instruction toute responsabilité dans l'attentat. 

Poursuivi pour participation à une association de malfaiteurs terroriste, il lui est notamment reproché d'avoir circulé le 12 juillet 2016, sur la promenade des Anglais, à bord du camion ayant servi à commettre l'attentat en compagnie de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel. Il est aussi accusé d'avoir effectué des démarches pour lui fournir une arme de poing dans les semaines précédant l'attentat. 

Il encourt 20 ans de réclusion criminelle. 

Ramzi Kevin Arefa 

Franco-Tunisien de 27 ans, Ramzi Arefa est en détention provisoire depuis juillet 2016. 

Connu des services de police pour des faits de droit commun, ce célibataire sans enfant est poursuivi pour participation à une association de malfaiteurs terroriste et infractions à la législation sur les armes. 

Il lui est notamment reproché de s'être associé avec Mohamed Lahouaiej-Bouhlel dans sa recherche d'armes dans les semaines précédant l'attentat. Il aurait notamment exercé un rôle d'intermédiaire entre l'auteur de l'attentat et plusieurs des coaccusés poursuivis pour trafic d'armes. 

C'est le seul accusé à encourir la réclusion criminelle à perpétuité car en état de récidive légale. 

Artan Henaj 

Albanais de 44 ans, Artan Henaj, alias Giovanni, est en détention depuis juillet 2016 dans le cadre d'une autre affaire. 

Inconnu des services spécialisés en matière de terrorisme, il est poursuivi pour participation à une association de malfaiteurs et infractions à la législation sur les armes. Il a reconnu au cours de l'enquête avoir fourni un pistolet automatique avec cinq cartouches et une kalachnikov sans munition à Ramzi Arefa. Le pistolet a été retrouvé dans l'habitacle du camion ayant servi à commettre l'attentat et la kalachnikov dans la cave de l'immeuble où habitait Ramzi Kevin Arefa. 

Il encourt 10 ans d'emprisonnement. 

Enkeledja Zace 

Albanaise de 48 ans, Enkeledja Zace, alias Leda, est la seule femme à comparaître. Compagne d'Artan Henaj, elle est poursuivie comme lui pour participation à une association de malfaiteurs et infractions à la législation sur les armes. 

Placée sous contrôle judiciaire, après avoir été en détention provisoire entre juillet 2016 et novembre 2017, elle a nié durant l'enquête toute implication dans les transactions portant sur les armes. Selon Artan Henaj et Ramzi Kevin Arefa, elle aurait servi d'interprète à son compagnon lors des ventes d'armes à Ramzi Kevin Arefa. 

Elle encourt 10 ans d'emprisonnement. 

Maksim Celaj  

Albanais de 30 ans, Maksim Celaj, est jugé pour participation à une association de malfaiteurs et infractions à la législation sur les armes. 

Placé sous contrôle judiciaire, après avoir été en détention provisoire de décembre 2016 à décembre 2020, ce cousin d'Artan Henaj aurait participé à la fourniture de la kalachnikov vendue à Ramzi Kevin Arefa. 

Il encourt dix ans d'emprisonnement. 

Endri Elezi  

Albanais de 30 ans, Endri Elezi, alias Luxhino Elezi, surnommé Gino, est soupçonné d'avoir fourni au moins une arme à Artan Henaj. 

Placé sous contrôle judiciaire, après avoir été en détention provisoire d'avril 2020 à novembre 2021, il est poursuivi pour participation à une association de malfaiteurs et infractions à la législation sur les armes. 

Également mis en examen dans le cadre de cette affaire pour infractions à la législation sur les armes, son cousin Adriatik Elezi s'était pendu dans sa cellule en juin 2018 durant sa détention provisoire. 

Il encourt 5 ans d'emprisonnement. 

Brahim Tritrou 

Tunisien de 37 ans, Brahim Tritrou, a été, selon son avocate, interpellé en Tunisie après avoir rompu en juillet 2020 le contrôle judiciaire dont il bénéficiait, après une détention provisoire de décembre 2016 à janvier 2019. 

Visé par un mandat d'arrêt, il devrait être jugé en son absence. 

Poursuivi pour association de malfaiteurs et infractions à la législation sur les armes, il est soupçonné d'avoir servi d'intermédiaire entre Artan Henaj et Ramzi Kevin Arefa. Durant l'enquête, Brahim Tritrou a reconnu avoir mis en contact les deux hommes mais seulement pour une vente de cocaïne. 

Il encourt 5 ans d'emprisonnement. 

Pas de complicité 

Aucun des accusés n'est poursuivi pour complicité d'assassinats ou tentative d'assassinats en bande organisée. 

Avant même l'ouverture du procès, l'absence de l'assaillant et le fait que la complicité d'assassinats n'a pas été retenue contre les accusés ont fait craindre une certaine « frustration » chez les parties civiles et leurs avocats (119 au total). 

« J'entends cette frustration, elle est humaine. Mais il y aura une réponse judiciaire », a assuré le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti dans un entretien accordé à Nice-Matin le 14 juillet dernier. »Nous répondons à cette barbarie par le droit », a-t-il promis. 

Le procès est prévu pour durer jusqu'au 16 décembre. Les audiences auront lieu du mardi au vendredi, matin et soir. 

Elles seront accessibles par webradio, avec un léger différé de 30 minutes, pour les parties civiles qui en feront la demande y compris à l'étranger. Une traduction intégrale sera assurée en anglais. 

C'est la première fois qu'un tel dispositif est mis en place (lors du procès V13, la webradio n'était disponible qu'en France). 

Parmi les témoins attendus l'ancien président de la République François Hollande et son ministre de l'Intérieur (à l'époque des faits) Bernard Cazeneuve devraient déposer à la barre. Ces deux personnalités avaient déjà témoigné lors du procès V13. En revanche, aucun représentant de la mairie de Nice n'a été cité à témoigner. 

Les parties civiles, proches des victimes et rescapés de l'attentat, disposeront de cinq semaines pour témoigner. Les premiers interrogatoires des accusés sont attendus début novembre. 

Le ministère public sera représenté par trois avocats généraux, Jean-Michel Bourles, Alexa Dubourg et Rachel Lecuyer, par ailleurs respectivement procureur adjoint antiterroriste et vice-procureurs antiterroristes. 

Les accusés seront défendus par 14 avocats. 

 

Attentat de Nice: Yanis, Camille, Mino, des victimes racontées par leurs proches

Mino, mère de deux enfants, avait une telle mémoire que son mari l'appelait MP3, Yanis, cinq ans, adorait les aventures des Marvel et de Spiderman, Camille avait elle choisi l'humanitaire en Amérique latine face au marketing qui lui semblait futile. 

Ds proches de trois des 86 personnes tuées dans l'attentat du 14 juillet 2016 à Nice racontent ces personnalités au destin brisé. 

« Il est dans le ciel avec les Marvel et Spiderman » 

Yanis Coviaux, Français, né le 12 octobre 2010 à Voiron (Isère), mort à cinq ans. Portrait par sa mère Samira Rouibah: 

« C'était mon premier enfant. Il riait beaucoup, était très très malicieux, super intelligent. Il parlait tellement bien. Il était bien avancé pour son âge. C'était un enfant plein de vie et qui était heureux. Il aimait aller sur la 'Prom' (Promenade des Anglais), faire du vélo avec ses copains. Il faisait de la trottinette, jouait aux (super-héros) Marvel. Il aimait aller voir son papi et sa mamie à Grenoble et son tonton Djamel. Mon plus grand fils aujourd'hui (son deuxième enfant, né en 2017, ndlr), je commence à lui en parler. Il me demande : 'Il est où Yanis maman ? Je lui réponds: 'Il est dans le ciel avec les Marvel, avec Spiderman et Ironman' ». Alors il me dit: 'Il a de la chance!'. » 

« L'humanitaire » plutôt que le marketing 

Camille Murris, Française, née le 9 mai 1989 à Nice, décédée à 27 ans. Racontée par sa mère Anne Murris: 

« C'était quelqu'un de solaire, qui a toujours rayonné par sa gentillesse. Petite, elle avait été surnommée 'l'assistante sociale de la cour de récréation' et ce côté social elle l'a trimballé toute sa vie. Elle a commencé à partir pour des missions humanitaires en Amérique latine, pour au bout d'un moment abandonner son travail pour lequel elle ne trouvait pas trop de sens par rapport aux valeurs qui étaient les siennes. Elle était cheffe de projet marketing dans une agence publicitaire et dépenser des sommes exorbitantes pour faire des publicités pour des crèmes ou autres lui semblait tellement futile. Quand cette tragédie s'est produite, elle revenait d'une mission humanitaire d'une année, en Argentine, en Bolivie et au Pérou. Elle avait une attirance pour la langue espagnole. Elle était aussi musicienne et avait commencé le violon à six ans. Dans son ancienne école de commerce, Skema Business School, un très beau projet humanitaire intitulé 'Espoir avec Camille Murris' a été monté en 2018, après son décès, pour aider un quartier de Belo Horizonte, au Brésil, en soutenant l'extension d'un centre d’accueil des enfants. C'est quelque chose qui lui ressemble ». 

« Elle avait beaucoup de mémoire » 

- Mino Razafitrimo, Malgache, née le 7 mars 1985 à Madagascar, morte à 31 ans. Racontée par son mari Bruno: 

« C'était une fille très studieuse, elle est allée jusqu'au master 2 en France, en économie sociale. Elle n'était pas très bavarde, comme moi et comme les enfants. Elle était toujours disponible pour les autres. Moi je l'appelais MP3 parce qu'elle avait beaucoup de mémoire et n'oubliait jamais rien, que ce soit le bien ou le mal qu'on lui faisait. Je l'ai rencontrée en 2004, on s'est marié en 2009. On avait cinq ans d'écart. On s'est dit 'A tes 25 ans et à mes 30 ans, on boucle tout'. On s'est marié, on a acheté l'appartement, on a eu Amaury en 2010. J'ai vraiment perdu une amie, une compagne et une femme. C'est pour ça que j'ai vraiment du mal à refaire ma vie. On n'avait pas beaucoup les moyens donc ça faisait 10 ans qu'elle n'était pas allée à Madagascar et on aurait dû y aller en décembre 2016 pour le mariage de mon frère. Tout était prévu, tout était prêt. On est retourné à Madagascar, quelques mois après (l'attentat), on l'a enterrée là-bas. On a dit: 'On ne va pas tout annuler, on revient quand même, comme si elle était là'. On la conjugue toujours au présent, encore maintenant. Les petits, ça comble un petit peu l'absence. 


Un homme armé tentant de mettre le feu à une synagogue à Rouen tué par la police

"A Rouen, les policiers nationaux ont neutralisé tôt ce matin un individu armé souhaitant manifestement mettre le feu à la synagogue de la ville. Je les félicite pour leur réactivité et leur courage", écrit M. Darmanin sur X. (Reuters).
"A Rouen, les policiers nationaux ont neutralisé tôt ce matin un individu armé souhaitant manifestement mettre le feu à la synagogue de la ville. Je les félicite pour leur réactivité et leur courage", écrit M. Darmanin sur X. (Reuters).
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  • Les policiers sont "intervenus sur un signalement de dégagement de fumée près de la synagogue", a indiqué une source policière
  • "L'homme était armé d'un couteau et d'une barre de fer, il s'est approché des policiers qui ont tiré, l'individu est décédé", a précisé à l'AFP une source proche du dossier

PARIS: Un homme armé qui tentait vendredi matin de mettre le feu à une synagogue à Rouen, dans le nord-ouest de la France, a été tué par la police, a annoncé le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin.

Les policiers sont "intervenus sur un signalement de dégagement de fumée près de la synagogue", a indiqué une source policière.

"L'homme était armé d'un couteau et d'une barre de fer, il s'est approché des policiers qui ont tiré, l'individu est décédé", a précisé à l'AFP une source proche du dossier.

"A Rouen, les policiers nationaux ont neutralisé tôt ce matin un individu armé souhaitant manifestement mettre le feu à la synagogue de la ville. Je les félicite pour leur réactivité et leur courage", écrit M. Darmanin sur X.


Des Français musulmans s'exilent à l'étranger, fuyant la « morosité ambiante »

Sur plus de 1.000 personnes répondant à un questionnaire relayé par l'intermédiaire de réseaux militants, 71% ont cité le racisme ou les discriminations pour expliquer ce choix, selon cette enquête, intitulée "La France, tu l'aimes mais tu la quittes". (AFP).
Sur plus de 1.000 personnes répondant à un questionnaire relayé par l'intermédiaire de réseaux militants, 71% ont cité le racisme ou les discriminations pour expliquer ce choix, selon cette enquête, intitulée "La France, tu l'aimes mais tu la quittes". (AFP).
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  • Une étude de sociologie publiée le mois dernier rapporte que des Français de culture musulmane, hautement qualifiés, souvent issus de l'immigration, quittent la France pour un nouveau départ
  • Ses amis, sa famille, la culture française lui manquent, mais il raconte avoir fui "l'islamophobie" et le "racisme systémique" entraînant des contrôles policiers à répétition à son encontre

PARIS: Après avoir échoué à 50 entretiens d'embauche pour un job de consultant, en dépit de ses qualifications et diplômes, Adam, Français de confession musulmane, a fait ses valises pour commencer une nouvelle vie à Dubaï.

"Je me sens beaucoup mieux ici qu'en France", estime désormais ce trentenaire d'origine nord-africaine.

"Ici on est tous égaux. On peut avoir comme patron une personne indienne, une personne arabe, un Français", témoigne-t-il à l'AFP, ajoutant que sa religion est "plus acceptée".

Une étude de sociologie publiée le mois dernier rapporte que des Français de culture musulmane, hautement qualifiés, souvent issus de l'immigration, quittent la France pour un nouveau départ dans des villes telles que Londres, New York, Montréal ou Dubaï.

Sur plus de 1.000 personnes répondant à un questionnaire relayé par l'intermédiaire de réseaux militants, 71% ont cité le racisme ou les discriminations pour expliquer ce choix, selon cette enquête, intitulée "La France, tu l'aimes mais tu la quittes".

En France, "vous devez faire deux fois plus d'efforts quand vous venez de certaines minorités", reprend Adam, qui ne donne pas son nom de famille, comme tous ceux interrogés par l'AFP.

Ses amis, sa famille, la culture française lui manquent, mais il raconte avoir fui "l'islamophobie" et le "racisme systémique" entraînant des contrôles policiers à répétition à son encontre.

'Plafond de verre'

La France, ancienne puissance coloniale et pays d'immigration, compte une importante population d'origine maghrébine et africaine.

Les enfants d'immigrés venus chercher une vie meilleure ou appelés à constituer une main d'oeuvre bon marché dans les années 60 sont Français. Mais nombre d'entre eux se sentent étrangers dans leur propre pays, considérés comme des "citoyens de seconde zone". En particulier depuis les attentats jihadistes de 2015 en France.

"Le climat en France s’est largement dégradé. En tant que musulman on est pointé du doigt", estime sous couvert de l'anonymat un banquier franco-algérien de trente ans, qui s'apprête à quitter son pays en juin, direction Dubaï.

Il évoque notamment certaines chaînes d'info et éditorialistes assimilant tous les musulmans à des extrémistes religieux ou des fauteurs de troubles.

Ce fils d'une femme de ménage algérienne, titulaire de deux masters, estime en outre s'être heurté à un "plafond de verre" dans son parcours professionnel en France.

En France, les statistiques ethniques et religieuses sont interdites. Mais de nombreuses enquêtes documentent depuis des années les discriminations frappant les personnes d'origine immigrée dans la recherche d'emploi, de logement, les contrôles policiers...

Un candidat au nom français a près de 50% de chances supplémentaires d’être rappelé par un employeur par rapport à un candidat au nom maghrébin, rappelle ainsi l'Observatoire des inégalités dans son rapport 2023.

'Morosité'

Le rapport très particulier de la France à la laïcité, les polémiques récurrentes sur le voile musulman, provoquent aussi le malaise chez certains.

"Il y a une vraie spécificité française sur cette question. Dans notre pays, une femme qui porte le voile est reléguée à la marge de la société et il lui est notamment très difficile de trouver un emploi. Des femmes portant le hidjab qui veulent travailler sont donc assez logiquement amenées à quitter la France", explique Olivier Esteves, l'un des auteurs de l'étude, au Monde.

"On étouffe en France", raconte à l'AFP un Français de 33 ans d'origine marocaine, qui s'apprête à émigrer en Asie du sud-est avec sa femme enceinte, "pour vivre dans une société plus apaisée et où les communautés savent vivre ensemble".

Cet employé dans la tech veut fuir "la morosité ambiante" et les "humiliations" du quotidien liées à son patronyme et ses origines.

"On me demande encore aujourd’hui ce que je fais dans ma résidence", où il vit depuis plusieurs années. "Et c’est pareil pour ma mère quand elle me visite. Mais ma femme qui est blanche de peau n’a jamais eu cette question", raconte-t-il.

"Cette humiliation constante est d’autant plus frustrante que je contribue net à cette société en faisant partie des hauts revenus qui paient plein pot", s'insurge-t-il.

Paradoxalement, la société française est pourtant "plus ouverte qu'il y a vingt ans" et "le racisme recule", souligne le dernier rapport annuel de l'Observatoire des inégalités, notant que 60% des Français déclarent n'être "pas du tout racistes", soit deux fois plus qu'il y a 20 ans.

Et la part de ceux qui pensent qu’il y a des "races supérieures à d’autres" a été divisée par trois, de 14% à 5%.


Les députés érigent l'agriculture en « intérêt général majeur »

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  • "La protection, la valorisation et le développement de l'agriculture et de la pêche sont d'intérêt général majeur en tant qu'ils garantissent la souveraineté agricole et alimentaire de la Nation, qui contribue à la défense de ses intérêts fondamentaux"
  • L'engagement avait été pris par Emmanuel Macron au salon de l'Agriculture, alors que la colère des agriculteurs battait son plein

PARIS: Les députés ont approuvé jeudi un article du projet de loi agricole qui prévoit de conférer à l'agriculture un caractère "d'intérêt général majeur", une innovation juridique censée répondre à une demande des agriculteurs, mais dont les oppositions contestent la portée.

"La protection, la valorisation et le développement de l'agriculture et de la pêche sont d'intérêt général majeur en tant qu'ils garantissent la souveraineté agricole et alimentaire de la Nation, qui contribue à la défense de ses intérêts fondamentaux", énonce cet article-clé du projet de loi.

L'engagement avait été pris par Emmanuel Macron au salon de l'Agriculture, alors que la colère des agriculteurs battait son plein. "Sur le plan juridique, ça positionne l'agriculture en équilibre avec l'environnement", avait approuvé Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, premier syndicat agricole.

"Cela va venir produire, sur le long terme, des effets dans la manière dont vont pouvoir être pondérés différents objectifs de politiques publiques, et dans la manière dont, sur le terrain, des projets agricoles pourront être évalués, réalisés et développés", a affirmé le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau.

Plusieurs députés -- à l'instar de juristes --, doutent cependant de sa portée.

La mesure "crée le fantasme d'une remise en cause de la charte de l'environnement" et "donne l'illusion au monde paysan qu'on a répondu de façon démagogique à toutes ces attentes d'être au-dessus du reste des normes, du droit", a fustigé Dominique Potier (PS).

Nicole Le Peih, rapporteure Renaissance, a admis qu'il s'agissait d'une "innovation juridique" qui ne "modifie pas la hiérarchie des normes".

"Il n'y a pas de remise en cause du principe constitutionnel de la protection de l'environnement" mais "lorsque plusieurs dispositions législatives seront en présence, voire seront contradictoires, l'agriculture fera désormais l'objet d'une attention spécifique", a-t-elle soutenu.

« Intentions »

L'article propose également une longue définition de la souveraineté alimentaire et agricole de la France, reposant notamment sur sa capacité à "produire, transformer et distribuer" les produits nécessaires à "une alimentation suffisante, saine (et) sûre".

Il pose aussi le principe "d'ici au 1er juillet 2025 puis tous les dix ans d'une programmation pluriannuelle de l'agriculture".

Le reste consiste surtout en une longue liste de bonnes pratiques que les politiques publiques sont censées suivre pour assurer cette "souveraineté alimentaire".

L'article a surtout permis à chaque groupe de faire valoir sa vision de l'agriculture, et au camp présidentiel de jouer la carte de la co-construction.

Il a intégré certains objectifs proposés par Les Républicains (justifier et évaluer les surtranspositions avant de les mettre en place, valoriser les agricultrices) ou la gauche (améliorer les conditions de travail des agriculteurs, développer la prévention sanitaire).

Mais l'article "n'a aucune valeur normative" et n'apporte "aucune contrainte", a déploré Sébastien Jumel (PCF). Aurélie Trouvé (LFI), a dénoncé l'absence de mesures pour des "prix planchers".

"C'est caricatural", a rétorqué Henri Alfandari (Horizons), estimant que les agriculteurs demandaient aussi de la clarté sur leurs missions. L'article pose des "intentions qui encouragent", pour Julien Dive (LR).

Les députés RN ont eux fustigé le manque de soutien à leurs amendements.

Les règles de la procédure parlementaire ont aussi donné lieu à une fin de séance kafkaïenne, les députés passant près d'une heure et demie à voter ou rejeter près de 560 amendements, dont certains avaient été débattus de nombreuses heures auparavant.

"C'était complètement dingue", soupirait une députée en sortant, mi-amusée, mi-fatiguée.