PEKIN: "C'est vraiment la galère": avec le ralentissement économique en Chine, des dizaines de millions de jeunes peinent à trouver un travail et se livrent à une concurrence féroce pour un nombre d'emplois toujours plus restreint.
Un jeune urbain sur cinq était sans emploi en juillet, selon les chiffres officiels. C'est trois fois plus que la moyenne nationale de la population active et un niveau inédit depuis 2018.
Elément aggravant, près de 11 millions de nouveaux diplômés ont débarqué sur le marché du travail cet été, alors que l'économie tourne au ralenti: +0,4% de croissance au deuxième trimestre sur un an, au plus bas depuis deux ans.
"Cela fait déjà deux-trois mois que je cherche, mais c'est vraiment compliqué pour l'instant", explique à l'AFP Zhao Yuting, 22 ans, qui a obtenu son diplôme d'anglais le mois dernier.
"Plus ça prendra de temps, plus j'aurai la pression", explique la jeune femme, retournée vivre chez ses parents.
Selon elle, des candidats expérimentés se bousculent désormais même pour décrocher des emplois d'ordinaire réservés aux jeunes diplômés, laissant une partie de ces derniers sur le carreau.
Zhao Yuting dit avoir envoyé son CV à des dizaines d'entreprises. Seules quelques-unes, dit-elle, l'ont rappelée pour un entretien, rejetant au final sa candidature en raison de son manque d'expérience.
La jeune femme pensait pouvoir gagner sa vie en donnant des cours d'anglais, le temps de trouver un travail à temps plein.
Mais les récents tours de vis gouvernementaux contre les entreprises technologiques et le secteur de l'éducation privée, habituellement grands pourvoyeurs d'emplois, ont contribué à assécher le marché.
«Plus grave»
La conjoncture économique a été dégradée notamment par les confinements et quarantaines drastiques décidés par les autorités face aux foyers de Covid-19.
Si aucun chiffre officiel n'existe pour le taux de chômage en milieu rural, Zhuang Bo, économiste au cabinet de conseil TS Lombard basé à Londres, estime que le nombre de jeunes demandeurs d'emploi pourrait y être deux fois supérieur aux villes.
"La réalité est bien plus grave que ce que montrent les chiffres", souligne aussi Ho-fung Hung, spécialiste de l'économie chinoise à l'Université Johns-Hopkins, aux Etats-Unis.
"Si le problème persiste sans qu'un remède soit trouvé, il pourrait facilement générer de l'instabilité sociale."
Lors d'un récent forum de l'emploi à Shenzhen (sud), métropole paradis des nouvelles technologies, de nombreux jeunes diplômés faisaient la queue pour s'entretenir avec des recruteurs.
Mais en raison du peu d'emplois à pourvoir, les entreprises privilégient les étudiants issus des meilleures universités.
"Mon but c'était de travailler à Shenzhen, la Silicon Valley chinoise", explique à l'AFP Luo Wen, un jeune diplômé en informatique.
"Mais après quatre mois de recherche infructueuse, je suis prêt à travailler dans une ville plus petite, pour un salaire moindre", soupire-t-il.
Les diplômés ayant réussi à décrocher un emploi ont un premier salaire en moyenne inférieur de 12% à ce qu'il était l'année dernière, selon le site spécialisé sur l'emploi Zhaopin.
Devenir fonctionnaire?
D'autres candidats déçus choisissent de poursuivre leurs études en attendant.
L'augmentation croissante du nombre d'étudiants dans l'enseignement supérieur depuis 10 ans contribue également à une saturation du marché, pointent les spécialistes de l'éducation.
"La pandémie et les confinements ont juste aggravé le problème", estime M. Hung.
Face à cette situation, le gouvernement cherche à stimuler les recrutements avec des réductions d'impôts pour les PME.
Le Premier ministre Li Keqiang a concédé que cette crise de l'emploi était "grave et complexe" et appelé les entreprises publiques à recruter davantage et offrir de meilleures conditions à leur employés.
Devant la morosité ambiante, un nombre croissant de demandeurs d'emploi se tournent vers les examens de la fonction publique. A l'automne dernier, ils étaient deux millions à s'inscrire - un record historique.
Selon un récent sondage du service de recherche d'emploi 51job, 40% des personnes interrogées disent ainsi préférer un emploi stable de fonctionnaire qu'une carrière en entreprise.
Mais pour Zhao Yuting, qui dit n'avoir ni les moyens d'étudier davantage ni le réseau pour obtenir un poste de fonctionnaire, peu d'options subsistent.
"J'ai du mal à visualiser mon avenir", explique-t-elle.
"J'ai l'impression de piétiner dans ma recherche d'emploi. C'est vraiment la galère."