Deux ans après la catastrophe du port de Beyrouth, un attentisme absurde

Le 23 août 2022, des personnes se tenant à l'extérieur du port de Beyrouth, la capitale du Liban, regardent la section nord récemment effondrée des silos à grains, qui avaient été partiellement détruits par l'explosion du port de 2020. (JOSEPH EID / AFP)
Le 23 août 2022, des personnes se tenant à l'extérieur du port de Beyrouth, la capitale du Liban, regardent la section nord récemment effondrée des silos à grains, qui avaient été partiellement détruits par l'explosion du port de 2020. (JOSEPH EID / AFP)
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Publié le Vendredi 26 août 2022

Deux ans après la catastrophe du port de Beyrouth, un attentisme absurde

  • La vérité concernant la responsabilité et les circonstances de l’explosion du 4 août 2020 n’est toujours pas établie et l’enquête se trouve dans un cercle vicieux
  • Deux ans après l’initiative avortée de Macron, rien n’avance et la tension marque le paysage politique avec l'impasse gouvernementale et l’échéance de la présidentielle

PARIS: Après la terrible explosion qui a ravagé le port de Beyrouth, le 4 août 2020, et à la veille de l’échéance de la présidentielle, un attentisme absurde semble régner sur une scène politique amorphe dans une capitale encore meurtrie, sans que soit trouvée une issue à l’impasse politique et économique dans laquelle se trouve le pays depuis longtemps.

En plus de la crise structurelle et multidimensionnelle qui frappe le Liban depuis 2018 (avec la plus mauvaise gestion possible de l’érosion financière), le pays du Cèdre est tout d’abord une victime de son environnement géopolitique. Ce poids des facteurs extérieurs accentue l’absence de la souveraineté et se joint à la paralysie de l’administration et à la dissolution de l’État pour créer une situation inédite où risque de se rééditer le scénario du vide constitutionnel de 2014-2016, permettant à l’époque l’imposition d’un président arrimé au Hezbollah.

L’enquête interdite

La vérité concernant la responsabilité et les circonstances de l’explosion n’est toujours pas établie et l’enquête se trouve dans un cercle vicieux. Le juge d'instruction chargé du dossier, Tarek Bitar, n'a pas pu finir son travail, et l’enquête préliminaire n’a pas traité de questions essentielles: qui a importé le nitrate d’ammonium au Liban, qui l’y a stocké pendant plusieurs années, qui l’a utilisé et dans quel but, quelles ont été les quantités de nitrate dérobées, pourquoi certaines institutions judiciaires et sécuritaires ont été exemptes de toute charge ou responsabilité, qui a couvert ces pratiques pour que l’enquête sur l’explosion soit amputée, déviée ou interdite?

Sous couvert d'immunité parlementaire, l’enquête menée dans un premier temps par le juge Fadi Sawan puis par le juge Tarek Bitar, demeure bloquée. Pire encore, la négligence officielle a été suivie d’une tentative pour refermer le dossier l’explosion du 4 août 2020, qui a eu les effets d’un tremblement de terre et a détruit la moitié de la capitale, faisant des dizaines de victimes et des centaines de blessés.

Depuis la conférence CEDRE en 2018 et le soulèvement d'octobre 2019, on constate une très mauvaise gestion de l'effondrement économique, financier et social. Comme si cette souffrance profonde ne concernait pas les décideurs dans un pays qui se désagrège, où les files d'attente de l'humiliation se répandent devant les boulangeries pour se procurer du pain ou pour obtenir un passeport. Tout cela, comme le manque cruel d’électricité et d’eau, pèse sur les Libanais dans un pays pilé systématiquement pillé.

À l'heure des tergiversations de toutes sortes dans cette enquête, de la dissimulation des faits, de correspondances judiciaires et sécuritaires «cachées», et d’un veto pour omettre les responsabilités, ou très certainement pour ne pas divulguer ce qui s'est réellement passé il y a deux ans, une question se pose: l’explosion de Beyrouth a-t-elle été provoquée par une attaque extérieure ou un accident?

La récente chute de la partie nord des silos du port, aggrave la colère des familles des victimes qui craignent que les traces du crime ne soient effacées, et que l’enquête n’aboutisse pas.

Échéances cruciales

Deux ans après la catastrophe du port de Beyrouth, la perte du rôle historique du Liban se confirme. Il n'est plus le port, l'école, l'université, l'hôpital ou la banque de la région. De plus, avec la présence d’autres places d’affrontement régional en Syrie, Irak ou Yémen, le Liban n’est plus le terrain choisi pour les guerres des autres. Ainsi, la perte de sa fonction géopolitique risque d’en faire un fardeau et plus un atout.

Deux ans après l’initiative avortée de Macron, rien n’avance et la tension marque le paysage politique avec l'impasse gouvernementale (depuis les élections législatives de mai dernier). À deux mois de la fin du mandat du président Michel Aoun, l’exécutif libanais réduit à un gouvernement démissionnaire conduit par Nagib Mikati, devrait conduire in fine les négociations avec le Fonds monétaire international (FMI) et les pourparlers pour déterminer (délimiter) les frontières maritimes libano-israéliennes (avec la découverte de gaz).

Ces défis qui se multiplient mettent à l'épreuve tout nouvel effort français, ou tout autre effort pour aider le Liban. Mais si le temps presse pour accomplir ces échéances cruciales, tout indique que les tenants du «système politique» n’ont pas tiré d’enseignements pour changer la méthode de gouvernance et présenter une approche réaliste pour des solutions durables.

L’attente d’un «Godot», qui vient d’ailleurs, (règlement du dossier nucléaire iranien ou d’autres arrangements régionaux), le manque de volonté d’émancipation, du minimum vital de l’entente interne et de la priorité de l’intérêt national, rendent tout attentisme absurde face à un saut dans l’inconnu.


Le ministre saoudien des Affaires étrangères reçoit son homologue iranien à Djeddah

Le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, s'adresse à l'AFP lors d'une interview au consulat iranien de Jeddah, le 7 mars 2025. (AFP)
Le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, s'adresse à l'AFP lors d'une interview au consulat iranien de Jeddah, le 7 mars 2025. (AFP)
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  • M. Araqchi s'est rendu à Djeddah pour rencontrer de hauts responsables saoudiens
  • Cette visite précède d'éventuelles discussions indirectes entre les États-Unis et l'Iran, qui se tiendront dimanche à Oman.

RIYAD : Le ministre saoudien des Affaires étrangères Faisal ben Farhane a reçu samedi son homologue iranien Abbas Araqchi à Djeddah, a rapporté la chaîne d'information Al Arabiya.

M. Araqchi s'est rendu à Djeddah pour rencontrer de hauts responsables saoudiens et discuter des questions bilatérales et des développements régionaux et internationaux.

Il devrait ensuite se rendre au Qatar pour participer au sommet du dialogue Iran-Monde arabe à Doha, a déclaré vendredi un porte-parole du ministère iranien.

Cette visite précède également d'éventuelles discussions indirectes entre les États-Unis et l'Iran, qui auront lieu dimanche à Oman.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Derrière le soutien d'Israël aux druzes, l'objectif d'affaiblir durablement la Syrie

Des religieux druzes assistent aux funérailles de membres de la minorité syrienne qui ont été tués lors de récents affrontements sectaires, dans le village de Salkhad, dans le gouvernorat de Suwayda, au sud du pays, le 3 mai 2025. (AFP)
Des religieux druzes assistent aux funérailles de membres de la minorité syrienne qui ont été tués lors de récents affrontements sectaires, dans le village de Salkhad, dans le gouvernorat de Suwayda, au sud du pays, le 3 mai 2025. (AFP)
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  • L'attachement affiché par Israël à défendre les druzes syriens s'accorde, de l'aveu même de certains de ses dirigeants, avec un but stratégique de long terme: l'affaiblissement de la Syrie
  • Pour le Premier ministre Benjamin Netanyahu, il s'agissait d'adresser un "message clair": Israël ne permettra aucun "déploiement de forces [armées syriennes] au sud de Damas" ni aucune "menace" contre les druzes

Jérusalem, Non défini: L'attachement affiché par Israël à défendre les druzes syriens s'accorde, de l'aveu même de certains de ses dirigeants, avec un but stratégique de long terme: l'affaiblissement de la Syrie.

A la suite de heurts intercommunautaires sanglants dans ce pays, Israël, qui occupe une partie de son territoire depuis 1967, a invoqué la protection de la minorité druze pour justifier plusieurs frappes, dont une le 3 mai à proximité du palais présidentiel à Damas.

Pour le Premier ministre Benjamin Netanyahu, il s'agissait d'adresser un "message clair": Israël ne permettra aucun "déploiement de forces [armées syriennes] au sud de Damas" ni aucune "menace" contre les druzes.

Dès mars, l'Etat hébreu avait menacé d'intervenir si le nouveau pouvoir qui a fait tomber Bachar al-Assad "s'en [prenait] aux druzes".

Toutefois, selon Andreas Krieg, maître de conférences au King's College de Londres, Israël n'est pas mu par "un souci altruiste": il "se sert [des druzes] comme d'un prétexte pour justifier son occupation militaire" en Syrie.

Dans une déclaration révélatrice des intentions d'Israël, le ministre des Finances Bezalel Smotrich a affirmé que son gouvernement ne mettrait pas fin à la guerre déclenchée le 7 octobre 2023 par le mouvement islamiste palestinien Hamas à Gaza avant que "la Syrie [soit] démantelée".

"Pour contenir la situation", le président syrien par intérim, Ahmad al-Chareh, a confirmé mercredi "des discussions indirectes" avec Israël. Interrogée par l'AFP, la diplomatie israélienne n'a pas commenté.

- "Autonomie druze" -

Enferré depuis le 7-Octobre dans une guerre qui a largement débordé des frontières d'Israël, M. Netanyahu répète que son pays se bat pour sa survie et qu'il est déterminé à "changer le Moyen-Orient".

En 2015, alors membre de l'Institut d'études pour la sécurité nationale (INSS), son ministre des Affaires étrangères, Gideon Saar, avait défendu un morcellement de la Syrie en diverses entités ethno-religieuses, prévoyant une "autonomie druze dans le sud".

Le projet rappelle le découpage de la Syrie imposé dans l'Entre-deux-guerres par la France, alors puissance mandataire. Paris avait dû y renoncer sous la pression des nationalistes syriens, y compris druzes.

Grand voisin d'Israël au nord-est, la Syrie a participé à trois guerres israélo-arabes, en 1948-1949, 1967 et 1973.

La dernière a consacré la mainmise d'Israël sur la partie du Golan syrien conquise en 1967 (et annexée depuis 1981).

Dans la foulée de la chute de M. Assad, Israël a pris le contrôle de la zone démilitarisée sous contrôle de l'ONU au Golan et mené des centaines de frappes sur des cibles militaires en Syrie.

Objectif affiché: empêcher que les armes du pouvoir déchu ne tombent entre les mains des nouvelles autorités, issues de la mouvance islamiste, et dans lesquelles le gouvernement israélien voit un ennemi.

Les druzes, adeptes d'une religion syncrétique issue de l'islam chiite, sont présents surtout en Syrie, au Liban et en Israël.

Israël recense quelque 152.000 druzes, selon les dernières données disponibles. Ce chiffre inclut les 24.000 druzes habitant dans la partie annexée du Golan, dont moins de 5% ont la nationalité israélienne.

- Contrer la Turquie -

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), des affrontements avec les forces de sécurité du nouveau pouvoir fin avril ont fait 126 morts dans des zones majoritairement druzes et chrétiennes proches de Damas et dans le bastion druze de Soueïda (sud-ouest).

Après ces heurts, cheikh Hikmat al-Hajri, sommité religieuse druze syrienne, a réclamé l'envoi d'une force de protection internationale, et souscrit à une déclaration communautaire affirmant que les druzes constituent "une partie inaliénable" de la Syrie.

En Israël, des druzes ont participé à plusieurs manifestations réclamant que le gouvernement défende leurs coreligionnaires en Syrie.

Loyaux à Israël, les druzes sont surreprésentés dans l'armée et la police, par rapport à leur importance dans la population.

"Israël se sent redevable vis-à-vis des druzes et de leur engagement exceptionnel dans l'armée", note Efraïm Inbar, chercheur à l'INSS.

Selon lui, les défendre s'inscrit aussi dans la géopolitique recomposée de l'après-Assad où Israël "tente de protéger les minorités druze et kurde de la majorité sunnite et d'éviter que la Turquie n'étende son influence à la Syrie".

A rebours d'Israël, Ankara, aux prises avec son propre problème kurde, soutient les nouvelles autorités de Damas et ne veut surtout pas voir se consolider les positions kurdes dans le nord-est de la Syrie, le long de sa frontière.


Liban: une "série" de frappes israéliennes dans le sud, selon l'agence officielle

Cette photo prise dans la région de Marjeyoun, au sud du Liban, montre la fumée qui s'échappe du site des frappes aériennes israéliennes sur les collines du village de Nabatiyeh, au sud du Liban, le 8 mai 2025. (AFP)
Cette photo prise dans la région de Marjeyoun, au sud du Liban, montre la fumée qui s'échappe du site des frappes aériennes israéliennes sur les collines du village de Nabatiyeh, au sud du Liban, le 8 mai 2025. (AFP)
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  • L'agence de presse officielle libanaise a fait état d'une "série" de frappes israéliennes jeudi dans le sud du Liban, en dépit du cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah

BEYROUTH: L'agence de presse officielle libanaise a fait état d'une "série" de frappes israéliennes jeudi dans le sud du Liban, en dépit du cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah.

"Une série de frappes israéliennes" a visé le secteur de Nabatiyé, à une dizaine de kilomètres de la frontière, a rapporté l'agence Ani.

Des médias locaux ont indiqué que les raids avaient touché des secteurs montagneux éloignés des zones d'habitation.

L'Ani a fait état "d'énormes explosions... ayant résonné dans la plupart des zones de Nabatiyé et du sud", provoquant "terreur et panique" parmi les habitants, qui se sont précipités pour aller chercher leurs enfants à l'école, tandis que des ambulances se dirigeaient vers les zones touchées.

Un photographe de l'AFP a vu de la fumée s'élever des collines de la région.

"On a entendu une forte explosion, environ dix frappes consécutives", a déclaré à l'AFP Jamal Sabbagh, un médecin de 29 ans qui effectuait des examens de santé auprès d'écoliers près de la ville de Nabatiyé.

"Certains enfants ont eu peur et il y avait de la panique, les enseignants étaient aussi effrayés", a-t-il confié.

Mercredi, une frappe israélienne à Saïda, également dans le sud du pays, avait tué un commandant du mouvement islamiste palestinien Hamas, allié du Hezbollah libanais.

Israël est en guerre contre le Hamas depuis que le mouvement palestinien a mené une attaque sans précédent dans le sud d'Israël le 7 octobre 2023, déclenchant une offensive israélienne dévastatrice dans la bande de Gaza.

Le Hezbollah, groupe armé libanais soutenu par l'Iran, avait alors ouvert un front contre Israël en tirant des roquettes à partir du sud du Liban, affirmant agir en soutien aux Palestiniens.

Israël a mené entre septembre et novembre 2024 de violents bombardements sur le Liban, principalement contre les bastions du Hezbollah.

Un cessez-le-feu est entré en vigueur le 27 novembre mais l'armée israélienne mène régulièrement depuis cette date des attaques au Liban, disant viser combattants et infrastructures du Hezbollah, très affaibli par la guerre.

Le Liban presse notamment les Etats-Unis et la France, garants de l'accord de cessez-le-feu, de contraindre Israël à cesser ses attaques et se retirer des cinq positions frontalières dans lesquels il s'est maintenu.

Beyrouth assure respecter ses engagements et accuse Israël de violer le cessez-le-feu.