Emmanuel Macron à Alger: le volontarisme affiché à l’épreuve des risques réels

Le président français Emmanuel Macron (Photo, AFP).
Le président français Emmanuel Macron (Photo, AFP).
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Publié le Jeudi 25 août 2022

Emmanuel Macron à Alger: le volontarisme affiché à l’épreuve des risques réels

  • Emmanuel Macron a fait le choix d’orienter sa visite «vers l’avenir et la recherche de moyens pour poser un socle» afin de «développer et refonder des relations entre les deux pays»
  • Pour un président français, un voyage en Algérie est toujours un exercice des plus délicats, souvent conditionné par les stigmates d’un passé toujours vif

PARIS: Avant même d’avoir foulé le sol algérien dans le cadre d’une visite officielle du 25 au 27 août, le président français, Emmanuel Macron, suscite déjà la polémique.

Objet du courroux, la présence dans la délégation qui l’accompagne, et qui est composée de près de quatre-vingt-dix personnalités, du grand rabbin de France, Haïm Korsia. 

Selon l’hebdomadaire Le Point, la présence du rabbin irrite certains milieux de l’opinion publique algérienne, certains politiciens et suscite une salve de critiques sur les réseaux sociaux.

M. Korsia, d’origine algérienne, devait participer, ainsi que l’archevêque d’Alger, Jean-Paul Vasco, à la visite prévue dans le programme de M. Macron au cimetière Saint-Eugène pour rendre hommage aux morts pour la France.

Même si M. Korsia, testé positif à la Covid-19, a dû renoncer au voyage à la dernière minute, l'annonce initiale de sa présence dans la délégation a constitué une ambiguïté par rapport à la position de l’Algérie qui s’oppose à la voie de la normalisation avec Israël, empruntée par nombre de pays arabes. 

Ce prélude en dit long sur le contexte de cette visite de trois jours qui pourrait être celle de tous les dangers.

Apaiser les mémoires, et poser un socle pour l’avenir

L’ambiance tranche pourtant avec la sérénité affichée côté français, lors de la présentation de la visite par le palais de l’Élysée. La délégation et le programme de la visite «montrent le souhait du président de la république de continuer à travailler avec son homologue algérien, Abdelmajid Tebboune, sur les enjeux régionaux» et «la poursuite du travail d’apaisement des mémoires», affirme une source élyséenne.

Emmanuel Macron a fait le choix d’orienter sa visite (qui commence jeudi à Alger et s’achève samedi à Oran) «vers l’avenir et la recherche de moyens pour poser un socle» afin de «développer et refonder des relations entre les deux pays tournés vers l’avenir au bénéfice des populations et de la jeunesse».

Il est évident, assure l’Élysée, que tous les sujets d’intérêt commun seront abordés lors de cette visite qui commence par une cérémonie d’hommage aux martyrs, comme le veut la coutume, suivie d’un tête-à-tête entre MM. Tebboune et Macron au palais présidentiel d’El-Mouradia, ainsi qu’une déclaration commune à la presse.

Ils auront un deuxième entretien lors d’un déjeuner vendredi, qui sera par la suite élargi aux ministres qui accompagnent Emmanuel Macron, dont le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire; le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin; la ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna; le ministre des Armées, Sébastien Lecornu; et la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak; ainsi que leurs homologues algériens.

Du point de vue français, il s’agit d’une visite «tournée vers l’avenir et les problèmes du présent tout en continuant le travail d’apaisement des mémoires».

L’Élysée affiche une grande sérénité même à l’égard des sujets les plus épineux.

À titre d’exemple, la question des visas, réduits par la France de 50% à la suite du refus de l’Algérie de rapatrier des ressortissants algériens présents illégalement sur le sol français.

À ce propos, l’Élysée affirme que «les échanges humains entre les deux pays sont très forts», que le dialogue se poursuit avec les autorités algériennes et qu’il faut que «les blocages soient levés pour que la situation redevienne comme avant».

Dossiers épineux

Sur le dossier des essais nucléaires français effectués dans le Sahara algérien, «nous avons l’espoir de pouvoir l’année prochaine initier des travaux de réhabilitation» des sites concernés, indique l’Élysée, en affirmant qu’un processus d’indemnisation des victimes est en cours d’élaboration.

Il sera également question du Sahel, zone où l’Algérie est puissante; du Mali, que la France a quitté, laissant la Russie avec laquelle l’Algérie entretient des relations étroites s’y installer; ainsi que de la Méditerranée, où la présence russe s’est également renforcée.

Concernant le Sahara occidental, la France ne manquera pas, selon l’Élysée, de rappeler son attachement à une solution négociée entre l’Algérie et le Maroc.

À Oran, l’accent sera mis sur la culture. Un déjeuner est prévu avec l’écrivain Kamel Daoud et des personnalités oranaises, ainsi qu’une visite dans le centre-ville où Emmanuel Macron se rendra dans une boutique de disques vinyle spécialisés dans le raï avant d’assister à une séance de breakdance. Son retour en France est prévu juste après.

Aucune crainte ni aucune appréhension en perspective, cette visite est une occasion de consolider le travail accompli durant le quinquennat précédent et de poursuivre les efforts de construction. Ce désir s’inscrit dans la droite ligne de la position adoptée par M. Macron à l’égard de l’Algérie depuis son premier mandat présidentiel en 2017.

Partant du postulat que les accords d’Évian, signés il y a soixante ans, ont mis un terme à la guerre et ont donné lieu au retrait de la force coloniale française, l’heure est venue d’assainir et de dépassionner les relations entre les deux pays.

Durant son premier mandat, le président français a multiplié les initiatives dans l’espoir de liquider les passifs douloureux entre les deux pays. Son second mandat constitue une occasion de réussir son pari.

Pourtant, rien n’incite à supposer que les Algériens soient dans les mêmes dispositions, bien au contraire, tant leur présent est figé et conditionné par leur passé.

Pour un président français, un voyage en Algérie est toujours un exercice des plus délicats, souvent conditionné par les stigmates d’un passé toujours vif. Il n’est ainsi pas certain qu’Emmanuel Macron, malgré son volontarisme voulu et affiché, puisse échapper à ce constat.


Le Liban réforme le secret bancaire, une mesure clé pour ses bailleurs

Cette photo prise le 20 mai 2020 montre une vue de l'entrée fortifiée de la Banque du Liban, la banque centrale du Liban, dans la capitale Beyrouth. (AFP)
Cette photo prise le 20 mai 2020 montre une vue de l'entrée fortifiée de la Banque du Liban, la banque centrale du Liban, dans la capitale Beyrouth. (AFP)
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  • Le Liban a accordé jeudi, par un vote au Parlement, un accès plus large des organismes de contrôle aux informations bancaires, une réforme clé réclamée dans ce pays
  • Le gouvernement a indiqué que la loi s'appliquerait de manière rétroactive sur 10 ans

BEYROUTH: Le Liban a accordé jeudi, par un vote au Parlement, un accès plus large des organismes de contrôle aux informations bancaires, une réforme clé réclamée dans ce pays, plongé dans une grave crise économique, par les bailleurs internationaux, dont le FMI.

Le gouvernement a indiqué que la loi s'appliquerait de manière rétroactive sur 10 ans, couvrant donc le début de la crise économique lorsque les banquiers ont été accusés d'aider des personnalités à transférer des fonds importants à l'étranger.

Le Premier ministre libanais, Nawaf Salam, a salué une "étape indispensable vers la réforme financière" que son gouvernement a promis de réaliser et un "pilier essentiel d'un plan de reconstruction".

Cette mesure, a-t-il ajouté, est "fondamentale pour restaurer les droits des déposants et la confiance des citoyens et de la communauté internationale". Il a mis en avant que l'opacité financière, prévalant de longue date au Liban, n'était plus aussi attractive pour les investisseurs qu'elle avait pu l'être.

"Il ne faut pas croire qu'avec cette loi, n'importe qui va entrer dans une banque et demander des détails sur un compte", a tempéré le ministre des Finances, Yassine Jaber, en déplacement à Washington avec son collègue de l'Economie, Amer Bisat, et le nouveau gouverneur de la Banque centrale, Karim Souaid.

Ces responsables doivent se rendre à la Banque mondiale et au Fonds monétaire international (FMI).

Le Liban a longtemps été une plaque-tournante financière régionale, dont la législation stricte sur le secret bancaire était perçue comme un atout, jusqu'à la profonde crise économique et financière qui a éclaté en 2019 et terni sa réputation.

Depuis, les autorités sont sous pression, interne et internationale, pour réformer une législation accusée d'avoir permis une fuite de capitaux au déclenchement de la crise, alors que les simples déposants étaient privés de leur épargne et que la valeur de la monnaie locale plongeait.

- Loi rétroactive sur dix ans -

Selon le groupe de défense des droits libanais Legal Agenda, les changements votés jeudi autorisent "les organes de contrôle et de régulation bancaire (...) à demander l'accès à toutes les informations sans raison particulière".

Ces organismes pourront avoir accès à des informations comme le nom des clients et les détails de leurs dépôts, et enquêter sur d'éventuelles activités suspectes, selon Legal Agenda.

La communauté internationale exige depuis longtemps d'importantes réformes pour débloquer des milliards de dollars et aider à la relance de l'économie libanaise, dont les maux sont imputés à la mauvaise gestion et à la corruption.

La récente guerre entre Israël et le mouvement libanais pro-iranien Hezbollah a aggravé la situation et le pays, à court d'argent, a besoin de fonds pour la reconstruction.

M. Salam a souligné que la réforme "ouvrait une page nouvelle" dans la lutte contre l'évasion fiscale, la corruption et le blanchiment.

Le ministre des Finances a relevé que la Banque centrale aura "plus de marge de manoeuvre" pour accéder à certains comptes.

Selon Alain Aoun, membre de la commission des finances du Parlement, une première réforme en 2022 avait été jugée insuffisante par le FMI. Les organismes de contrôle pourront désormais demander "l'information qu'ils veulent", a-t-il dit à l'AFP.

En avril 2022, le Liban et le FMI avaient conclu un accord sous conditions pour un prêt sur 46 mois de trois milliards de dollars, mais les réformes alors exigées n'ont pour la plupart pas été entreprises.

En février, le FMI s'est dit ouvert à un nouvel accord, et le nouveau gouvernement libanais a promis d'autres réformes. Il doit prochainement soumettre au Parlement un projet de loi pour restructurer le secteur bancaire.

Mercredi, le gouvernement a aussi signé un accord de 250 millions de dollars avec la Banque mondiale pour relancer son secteur électrique en déshérence, qui prive régulièrement les Libanais de courant.


Le Parlement libanais approuve un projet de loi sur le secret bancaire

Le Parlement a adopté des amendements à "la loi relative au secret bancaire" et à la législation monétaire, selon le bureau de son président, Nabih Berri. (AFP)
Le Parlement a adopté des amendements à "la loi relative au secret bancaire" et à la législation monétaire, selon le bureau de son président, Nabih Berri. (AFP)
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  • La communauté internationale exige depuis longtemps d'importantes réformes pour débloquer des milliards de dollars afin d'aider à la relance de l'économie libanaise, plongée depuis 2019 dans une profonde crise
  • Selon le groupe de défense des droits libanais Legal Agenda, les amendements autorisent "les organes de contrôle et de régulation bancaire (...) à demander l'accès à toutes les informations" sans fournir de raison particulière

BEYROUTH: Le Parlement libanais a approuvé jeudi un projet de loi sur la levée du secret bancaire, une réforme clé réclamée par le Fonds monétaire international (FMI), au moment où des responsables libanais rencontrent à Washington des représentants des institutions financières mondiales.

Le Parlement a adopté des amendements à "la loi relative au secret bancaire" et à la législation monétaire, selon le bureau de son président, Nabih Berri.

La communauté internationale exige depuis longtemps d'importantes réformes pour débloquer des milliards de dollars afin d'aider à la relance de l'économie libanaise, plongée depuis 2019 dans une profonde crise imputée à la mauvaise gestion et à la corruption.

La récente guerre entre Israël et le Hezbollah a aggravé la situation et le pays, à court d'argent, a désormais besoin de fonds pour la reconstruction.

Selon le groupe de défense des droits libanais Legal Agenda, les amendements autorisent "les organes de contrôle et de régulation bancaire (...) à demander l'accès à toutes les informations" sans fournir de raison particulière.

Ces organismes pourront avoir accès à des informations telles que les noms des clients et les détails de leurs dépôts, et enquêter sur d'éventuelles activités suspectes, selon Legal Agenda.

Le Liban applique depuis longtemps des règles strictes en matière de confidentialité des comptes bancaires, ce qui, selon les critiques, rend le pays vulnérable au blanchiment d'argent.

En adoptant ce texte, le gouvernement avait précisé qu'il s'appliquerait de manière rétroactive pendant 10 ans. Il couvrira donc le début de la crise économique, lorsque les banquiers ont été accusés d'aider certaines personnalités à transférer d'importantes sommes à l'étranger.

Le feu vert du Parlement coïncide avec une visite à Washington des ministres des Finances, Yassine Jaber, et de l'Economie, Amer Bisat, ainsi que du nouveau gouverneur de la Banque centrale, Karim Souaid, pour des réunions avec la Banque mondiale et le FMI.

M. Jaber a estimé cette semaine que l'adoption des amendements donnerait un "coup de pouce" à la délégation libanaise.

En avril 2022, le Liban et le FMI ont conclu un accord sous conditions pour un programme de prêt sur 46 mois de trois milliards de dollars, mais les réformes alors exigées n'ont pour la plupart pas été entreprises.

En février, le FMI s'est dit ouvert à un nouvel accord avec Beyrouth après des discussions avec M. Jaber. Le nouveau gouvernement libanais s'est engagé à mettre en oeuvre d'autres réformes et a également approuvé le 12 avril un projet de loi pour restructurer le secteur bancaire.


Syrie: Londres lève ses sanctions contre les ministères de la Défense et de l'Intérieur

Abdallah Al Dardari, chef régional pour les Etats arabes au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), lors d'une interview avec l'AFP à Damas le 19 avril 2025. (AFP)
Abdallah Al Dardari, chef régional pour les Etats arabes au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), lors d'une interview avec l'AFP à Damas le 19 avril 2025. (AFP)
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  • "Les entités suivantes ont été retirées de la liste et ne sont plus soumises à un gel des avoirs: ministère de l'Intérieur, ministère de la Défense", indique notamment le communiqué du département du Trésor
  • Des agences de renseignement sont également retirées de la liste. La totalité d'entre elles ont été dissoutes par les nouvelles autorités en janvier

LONDRES: Le Royaume-Uni a annoncé jeudi avoir levé ses sanctions contre les ministères syriens de l'Intérieur et de la Défense ainsi que contre des agences de renseignement, qui avaient été imposées sous le régime de Bachar al-Assad.

"Les entités suivantes ont été retirées de la liste et ne sont plus soumises à un gel des avoirs: ministère de l'Intérieur, ministère de la Défense", indique notamment le communiqué du département du Trésor.

Des agences de renseignement sont également retirées de la liste. La totalité d'entre elles ont été dissoutes par les nouvelles autorités en janvier.

Ces autorités, issues de groupes rebelles islamistes, ont pris le pouvoir le 8 décembre.

Le Royaume-Uni avait début mars déjà levé des sanctions à l'égard de 24 entités syriennes ou liées à la Syrie, dont la Banque centrale.

Plus de trois cents individus restent toutefois soumis à des gels d'avoirs dans ce cadre, ainsi qu'une quarantaine d'entités, selon le communiqué du Trésor.

Les nouvelles autorités syriennes appellent depuis la chute d'Assad en décembre dernier à une levée totale des sanctions pour relancer l'économie et reconstruire le pays, ravagé après 14 années de guerre civile.