PARIS: Avant même d’avoir foulé le sol algérien dans le cadre d’une visite officielle du 25 au 27 août, le président français, Emmanuel Macron, suscite déjà la polémique.
Objet du courroux, la présence dans la délégation qui l’accompagne, et qui est composée de près de quatre-vingt-dix personnalités, du grand rabbin de France, Haïm Korsia.
Selon l’hebdomadaire Le Point, la présence du rabbin irrite certains milieux de l’opinion publique algérienne, certains politiciens et suscite une salve de critiques sur les réseaux sociaux.
M. Korsia, d’origine algérienne, devait participer, ainsi que l’archevêque d’Alger, Jean-Paul Vasco, à la visite prévue dans le programme de M. Macron au cimetière Saint-Eugène pour rendre hommage aux morts pour la France.
Même si M. Korsia, testé positif à la Covid-19, a dû renoncer au voyage à la dernière minute, l'annonce initiale de sa présence dans la délégation a constitué une ambiguïté par rapport à la position de l’Algérie qui s’oppose à la voie de la normalisation avec Israël, empruntée par nombre de pays arabes.
Ce prélude en dit long sur le contexte de cette visite de trois jours qui pourrait être celle de tous les dangers.
Apaiser les mémoires, et poser un socle pour l’avenir
L’ambiance tranche pourtant avec la sérénité affichée côté français, lors de la présentation de la visite par le palais de l’Élysée. La délégation et le programme de la visite «montrent le souhait du président de la république de continuer à travailler avec son homologue algérien, Abdelmajid Tebboune, sur les enjeux régionaux» et «la poursuite du travail d’apaisement des mémoires», affirme une source élyséenne.
Emmanuel Macron a fait le choix d’orienter sa visite (qui commence jeudi à Alger et s’achève samedi à Oran) «vers l’avenir et la recherche de moyens pour poser un socle» afin de «développer et refonder des relations entre les deux pays tournés vers l’avenir au bénéfice des populations et de la jeunesse».
Il est évident, assure l’Élysée, que tous les sujets d’intérêt commun seront abordés lors de cette visite qui commence par une cérémonie d’hommage aux martyrs, comme le veut la coutume, suivie d’un tête-à-tête entre MM. Tebboune et Macron au palais présidentiel d’El-Mouradia, ainsi qu’une déclaration commune à la presse.
Ils auront un deuxième entretien lors d’un déjeuner vendredi, qui sera par la suite élargi aux ministres qui accompagnent Emmanuel Macron, dont le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire; le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin; la ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna; le ministre des Armées, Sébastien Lecornu; et la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak; ainsi que leurs homologues algériens.
Du point de vue français, il s’agit d’une visite «tournée vers l’avenir et les problèmes du présent tout en continuant le travail d’apaisement des mémoires».
L’Élysée affiche une grande sérénité même à l’égard des sujets les plus épineux.
À titre d’exemple, la question des visas, réduits par la France de 50% à la suite du refus de l’Algérie de rapatrier des ressortissants algériens présents illégalement sur le sol français.
À ce propos, l’Élysée affirme que «les échanges humains entre les deux pays sont très forts», que le dialogue se poursuit avec les autorités algériennes et qu’il faut que «les blocages soient levés pour que la situation redevienne comme avant».
Dossiers épineux
Sur le dossier des essais nucléaires français effectués dans le Sahara algérien, «nous avons l’espoir de pouvoir l’année prochaine initier des travaux de réhabilitation» des sites concernés, indique l’Élysée, en affirmant qu’un processus d’indemnisation des victimes est en cours d’élaboration.
Il sera également question du Sahel, zone où l’Algérie est puissante; du Mali, que la France a quitté, laissant la Russie avec laquelle l’Algérie entretient des relations étroites s’y installer; ainsi que de la Méditerranée, où la présence russe s’est également renforcée.
Concernant le Sahara occidental, la France ne manquera pas, selon l’Élysée, de rappeler son attachement à une solution négociée entre l’Algérie et le Maroc.
À Oran, l’accent sera mis sur la culture. Un déjeuner est prévu avec l’écrivain Kamel Daoud et des personnalités oranaises, ainsi qu’une visite dans le centre-ville où Emmanuel Macron se rendra dans une boutique de disques vinyle spécialisés dans le raï avant d’assister à une séance de breakdance. Son retour en France est prévu juste après.
Aucune crainte ni aucune appréhension en perspective, cette visite est une occasion de consolider le travail accompli durant le quinquennat précédent et de poursuivre les efforts de construction. Ce désir s’inscrit dans la droite ligne de la position adoptée par M. Macron à l’égard de l’Algérie depuis son premier mandat présidentiel en 2017.
Partant du postulat que les accords d’Évian, signés il y a soixante ans, ont mis un terme à la guerre et ont donné lieu au retrait de la force coloniale française, l’heure est venue d’assainir et de dépassionner les relations entre les deux pays.
Durant son premier mandat, le président français a multiplié les initiatives dans l’espoir de liquider les passifs douloureux entre les deux pays. Son second mandat constitue une occasion de réussir son pari.
Pourtant, rien n’incite à supposer que les Algériens soient dans les mêmes dispositions, bien au contraire, tant leur présent est figé et conditionné par leur passé.
Pour un président français, un voyage en Algérie est toujours un exercice des plus délicats, souvent conditionné par les stigmates d’un passé toujours vif. Il n’est ainsi pas certain qu’Emmanuel Macron, malgré son volontarisme voulu et affiché, puisse échapper à ce constat.