Le "oui" l'a emporté au référendum sur la révision constitutionnelle proposée par le pouvoir en Algérie, mais le scrutin a été marqué par une abstention record historique, un désaveu cinglant au président Abdelmadjid Tebboune hospitalisé à l'étranger, selon des résultats officiels lundi.
Le "oui" a recueilli 66,8% des voix, a annoncé Mohamed Charfi, président de l'Autorité nationale indépendante des élections (ANIE), lors d'une conférence de presse en saluant "une étape essentielle pour la construction d'une Algérie nouvelle".
Le taux de participation final s'est établi à 23,7%, selon l'ANIE, un plus bas historique pour un scrutin majeur.
Cette abstention record, qui était le seul véritable enjeu du vote dimanche boycotté par l'opposition, constitue un revers cinglant, sinon humiliant, pour un régime confronté depuis février 2019 à un soulèvement populaire inédit, le "Hirak".
A titre de comparaison, lors de la présidentielle de décembre 2019, la participation avait atteint 39,93 %, soit le taux le plus faible de tous les scrutins présidentiels pluralistes de l'histoire de l'Algérie, faisant de M. Tebboune un président mal élu et donc en quête de légitimité.
Dimanche, seulement 5,5 millions d'électeurs se sont déplacés sur 23,5 millions d'inscrits. Les 900.000 électeurs de la diaspora ne sont pas comptabilisés, mais le taux de participation se réduit à l'étranger à un seul chiffre, selon l'ANIE.
La victoire du "oui" ne faisait guère de doute tant la campagne électorale, qui a laissé la population largement indifférente, a été à sens unique.
Les opposants n'ont pas été autorisés à tenir de meetings publics. Les partisans du "Hirak" ont prôné le boycott et les islamistes ont appelé à voter "non".
"Grande victoire pour le Hirak"
Après l'annonce des résultats, Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (LADDH), a tweeté: "une grande victoire du Hirak (...) Le pouvoir doit prendre acte de son échec et reconsidérer sa feuille de route. Le processus de transition démocratique constituant est la solution".
Les "hirakistes" avaient rejeté "sur le fond et la forme" la révision constitutionnelle perçue comme un "changement de façade", incitant au boycott du référendum.
En raison de la pandémie de Covid-19, l'accès dans les bureaux était limité à deux ou trois personnes à la fois et le port du masque était obligatoire.
Dans un message relayé samedi par l'agence officielle APS, M. Tebboune avait déclaré: "le peuple algérien sera, une fois encore, au rendez-vous avec l'histoire pour opérer le changement escompté, dimanche 1er novembre, en vue d'instituer une nouvelle ère à même de réaliser les aspirations de notre peuple à un Etat fort, moderne et démocratique".
La date du référendum n'avait d'ailleurs pas été choisie par hasard: le 1er novembre marque l'anniversaire du début de la Guerre d'indépendance contre la puissance coloniale française (1954-1962).
Grand absent du scrutin, M. Tebboune, 74 ans, est hospitalisé depuis mercredi en Allemagne pour des "examens approfondis" après l'annonce de cas suspects de coronavirus dans son entourage. Son état serait "stable et non préoccupant", selon la présidence, qui n'a pas donné de ses nouvelles depuis jeudi.
Son épouse a voté pour lui par procuration dans une école d'Alger.
Répression
M. Tebboune a fait de la révision de la Constitution, la énième depuis l'accession à l'indépendance en 1962, son projet phare et a tendu au début la main aux manifestants du "Hirak populaire authentique béni".
Les militants du "Hirak" réclament depuis février 2019 un profond changement du "système" en place depuis l'indépendance. En vain jusqu'à présent, même si le mouvement a poussé Abdelaziz Bouteflika à la démission en avril 2019 après vingt ans de règne.
De fait, la nouvelle Constitution met en avant une série de droits et de libertés mais n'offre pas de changement politique majeur: elle maintient l'essentiel d'un régime "ultra présidentialiste".
Le mouvement a été suspendu en mars en raison de la crise sanitaire puis de la répression.
Cette répression a ciblé militants du "Hirak", opposants politiques, journalistes et internautes, selon les défenseurs des droits humains.