Les étés de plus en plus chauds du Moyen-Orient, un danger pour la santé publique et la productivité

Des hommes se tiennent sous une douche en bordure de route, le long de la rue Sinak à Bagdad, pour se rafraîchir en raison des températures extrêmement élevées en pleine canicule (Photo, AFP).
Des hommes se tiennent sous une douche en bordure de route, le long de la rue Sinak à Bagdad, pour se rafraîchir en raison des températures extrêmement élevées en pleine canicule (Photo, AFP).
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Publié le Vendredi 19 août 2022

Les étés de plus en plus chauds du Moyen-Orient, un danger pour la santé publique et la productivité

  • La région devrait connaître des phénomènes météorologiques extrêmes, notamment des sécheresses, des inondations soudaines et des tempêtes de sable
  • La fréquence des tempêtes de poussière au Moyen-Orient pourrait doubler d'ici 2050 si les températures moyennes continuent d'augmenter

DUBAÏ: Cet été, quelques 20 pays dans le monde ont enregistré des températures maximales de 50 degrés Celsius ou plus, avec des épisodes de chaleur extrême frappant l'Europe, le Moyen-Orient et l'Afrique.

La région arabe, en particulier, a connu des températures de plus en plus extrêmes d'année en année, en raison des variations à long terme des régimes climatiques. À ce rythme, la réalité du changement climatique pourrait bien s'avérer pire que les prévisions initiales.

«Les pays du Moyen-Orient qui ont dépassé les 50 degrés Celsius sont le Koweït, l'Iran, l'Irak, le Bahreïn, le Qatar, l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis», a déclaré à Arab News Hussein Rifai, président de la société australienne SPC Global, conférencier et fervent défenseur de l'environnement.

«Les températures devraient augmenter dans la région d'au moins 4 degrés Celsius d'ici 2050 si les gaz à effet de serre continuaient d'augmenter au rythme actuel.»

Des étés de plus en plus chauds auront des conséquences sur la santé publique, les infrastructures, la productivité, l'environnement naturel et la demande énergétique (Photo, AFP).

Selon un rapport du FMI publié en mars, les températures au Moyen-Orient devraient augmenter de près d'un demi-degré Celsius par décennie, entraînant des phénomènes météorologiques extrêmes tels que la sécheresse, les inondations soudaines et les tempêtes de poussière.

Les résultats montrent que les catastrophes climatiques dans la région réduisent déjà la croissance économique annuelle de 1 à 2 points de pourcentage par habitant.

«Ce n'est ni une fiction ni une exagération», a déclaré le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, en avril, en réponse aux dernières conclusions du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat.

«C'est ce que la science nous indique comme étant le résultat de nos politiques énergétiques actuelles. Nous sommes sur la voie d'un réchauffement climatique de plus du double de la limite de 1,5 degré (au-dessus des niveaux préindustriels convenus par les dirigeants mondiaux à Paris en 2015).»

Les effets sont déjà visibles en Tunisie, où 90 % des infrastructures touristiques côtières sont menacées par l'érosion due à l'inondation par l'eau de mer. De même, en Iran, une grave sécheresse l'année dernière a déclenché des révoltes, la pénurie d'eau ayant détruit les moyens de subsistance des agriculteurs.

Des jeunes irakiens affrontent la chaleur en se baignant dans la rivière Shatt Al-Arab, dans la ville de Basra (Photo, AFP).

«Le changement climatique aggrave la désertification et le stress hydrique», a déclaré Rifai, dont la société basée à Shepparton s'est engagée l'année dernière à assurer un avenir durable à la planète. «Les tempêtes de sable répétées comme celles qui se produisent en Irak continueront à fermer les commerces et à envoyer des milliers de personnes à l'hôpital.»

En raison de la situation géographique du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, les températures moyennes ont déjà augmenté beaucoup plus rapidement que dans les autres régions habitées, d'environ 1,5 degré Celsius au cours des trois dernières décennies, soit deux fois plus que l'augmentation moyenne mondiale de 0,7 degré.

Une étude publiée dans la revue scientifique Climates Dynamics, qui présente une nouvelle méthode plus précise de projection des températures, affirme que le seuil du réchauffement climatique dangereux pourrait être franchi dès 2027, et certainement d'ici 2042.

«C'est la combinaison de la combustion de combustibles fossiles, de systèmes de gestion des déchets défectueux, de la déforestation continue et de l'urbanisation excessive, qui crée des gaz à effet de serre qui gardent la chaleur dans l'atmosphère et réchauffent la planète», a déclaré à Arab News, Zoltan Rendes, directeur du marketing de SunMoney Solar Group, une entreprise de fabrication de semi-conducteurs axée sur la région MENA.

Le monde arabe est particulièrement touché par la hausse des températures d’année en année (Photo, AFP).

Les conditions climatiques irrégulières pourraient être particulièrement néfastes pour les régions déjà chaudes. Les sécheresses pourraient être plus longues, plus profondes et plus fréquentes, tandis que la fréquence des tempêtes de poussière au Moyen-Orient pourrait doubler d'ici 2050.

«Pour mettre les choses en perspective, en 2015, une importante tempête de poussière a recouvert l'Arabie saoudite, le Koweït et l'Irak, provoquant des perturbations généralisées. Elle était si massive qu'elle pouvait être vue depuis l'espace», a signalé Rendes. «On ne peut qu'imaginer à quel point la situation sera dangereuse dans les années à venir.»

Dans tout le monde arabe, les responsables politiques sont désormais aux prises avec les conséquences d'étés de plus en plus chauds sur la santé publique, les infrastructures, la productivité, l'environnement naturel et la demande énergétique.

Quelles que soient les mesures prises aux niveaux mondial et régional dans le but de ralentir le rythme du réchauffement climatique, les experts affirment que les communautés devront s'adapter rapidement pour faire face à des étés plus chauds et atténuer leurs effets les plus néfastes.

Les recherches montrent que les émissions de gaz à effet de serre rendent les vagues de chaleur plus fréquentes et plus intenses.

Cet été, au moins 90 villes dans le monde ont émis des alertes à la chaleur, invitant le public à rester à l'intérieur afin d’éviter une exposition excessive au soleil et l'épuisement par la chaleur.

Les personnes âgées, les sans-abri et les personnes malades sont particulièrement vulnérables. Des centaines de décès liés à la chaleur ont été enregistrés au cours des mois d'été dans des endroits qui ne disposaient pas des installations et des infrastructures nécessaires pour faire face à ces conditions climatiques anormales.

La combinaison de températures élevées et d'humidité relative est potentiellement mortelle si le corps humain n'est pas en mesure de se refroidir par la transpiration — un phénomène connu sous le nom de températures de «bulbe humide».

Les scientifiques ont calculé qu'un adulte en bonne santé, vivant à l'ombre et disposant d'une quantité illimitée d'eau potable, mourra si la température de «bulbe humide» (TW) dépasse 35 degrés Celsius pendant une période de six heures.

On a longtemps supposé que ce seuil théorique ne serait jamais franchi. Cependant, des chercheurs américains ont découvert deux endroits — l'un dans les Émirats arabes unis, l'autre au Pakistan — où la barrière des 35C (TW) a été franchie plus d'une fois en 2020, même si ce n'était que de façon fugace.

Les pays du monde doivent adopter des politiques climatiques plus ambitieuses selon Hussein Rifai (Photo fournie).

Les climats plus chauds réduisent également la productivité des travailleurs et provoquent des dysfonctionnements d’ équipements surchauffés.

«C'est particulièrement vrai pour les emplois manuels, mais même les employés de bureau peuvent être affectés lorsque les températures deviennent trop élevées», a signalé Rendes.

Dans ces conditions, les climatiseurs doivent fonctionner davantage pour maintenir les gens au frais, ce qui exerce une pression supplémentaire sur les réseaux électriques sous la forme d'une demande d'énergie accrue.

«Si nous n'agissons pas pour accroître l'efficacité énergétique, passer à des sources d'énergie renouvelables comme le solaire, et propulser les solutions d'énergie propre par des investissements verts, ces problèmes vont s'aggraver dans le futur», a prévenu Rendes.

Le phénomène touchant également les routes, les voies ferrées et les pistes d'atterrissage — certaines ont littéralement fondu dans la chaleur de l'été de cette année — les perturbations de l'activité économique risquent de devenir plus fréquentes.

Tout aussi inquiétant est le risque croissant de conflit et de troubles sociaux résultant des déplacements humains, de l'inconfort et des privations, alors que la hausse des températures détruit les moyens de subsistance, submerge les infrastructures et provoque des pénuries de produits de première nécessité.

«Il y aura des troubles géopolitiques, car les citoyens marginalisés se battent pour l'accès et le contrôle des rares ressources en nourriture et en eau», a avisé Rifai, prédisant une menace sécuritaire imminente si aucune mesure n'est prise.

Un homme conduit une trotinette en pleine tempête de sable à Dubaï, le 14 août 2022 (Photo, AFP).

Pour relever ce défi, les pays du Golfe ont cherché à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, conformément à l'accord de Paris de 2015, en diminuant leur dépendance aux combustibles fossiles.

Les Émirats arabes unis, par exemple, se sont engagés à atteindre la carboneutralité d'ici 2050 et à investir jusqu'à 160 milliards de dollars américains (1 dollar américain = 0,99 euro) dans des solutions énergétiques propres et renouvelables.

L'année dernière, l'Arabie saoudite a lancé les deux initiatives «Arabie saoudite verte» et «le Moyen-Orient vert», engageant le royaume à atteindre zéro émission nette de gaz à effet de serre d'ici 2060 et à planter 10 milliards d'arbres au cours des prochaines décennies.

Pour Rifai, l'adoption généralisée de technologies vertes alternatives telles que les éoliennes, les panneaux solaires et les véhicules électriques à batterie est la voie à suivre.

Si des installations d'énergie éolienne et solaire étaient mises en place dans la moitié des pays du monde, affirme-il, non seulement leurs émissions de gaz à effet de serre seraient négligeables, mais le coût combiné de leur installation serait bien inférieur à celui de l'exploitation des centrales électriques à combustibles fossiles existantes.

Certains pays du Golfe ont fait des progrès notables dans le développement de l'énergie solaire et éolienne à l'échelle industrielle, notamment la troisième phase du projet solaire Mohammed ben Rachid à Dubaï, achevée l'année dernière, et l'inauguration du premier parc éolien d'Arabie saoudite à Dumat al-Jandal.

Les autorités saoudiennes ont pour objectif de porter la capacité de production d'énergie solaire photovoltaïque du royaume à 40 gigawatts d'ici 2030.

Une autre source d'énergie durable explorée par les pays du Golfe est l'hydrogène, considéré par de nombreux experts comme le carburant propre de l'avenir, en particulier l'hydrogène vert, qui est produit à partir de l'énergie solaire.

Des enfants palestiniens jouent dans une fontaine publique à Gaza (Photo, AFP).

Certains pays exploitent également le potentiel des pluies artificielles pour lutter contre la sécheresse et l'aridité croissante.

L'ensemencement des nuages est une intervention humaine visant à augmenter les précipitations. Les nuages sont ensemencés par des avions ou des fusées au sol, qui libèrent ensuite le matériau requis, le plus souvent de l'iodure d'argent.

Selon l'Organisation météorologique mondiale, 56 pays dans le monde utilisent la technologie d'ensemencement des nuages. Les Émirats arabes unis et l'Arabie saoudite ont tous deux lancé des programmes visant à accroître les précipitations.

«Dans les Émirats arabes unis, où les nuages chauds sont fréquents, on utilise des sels mélangés à du magnésium, du chlorure de sodium et du chlorure de potassium», a expliqué Rifai.

Ces derniers temps, les Émirats arabes unis ont testé une nouvelle méthode d'ensemencement des nuages en utilisant des drones qui injectent de l'électricité dans les nuages. Rifai estime que des recherches supplémentaires sont nécessaires de manière à affiner les technologies d'ensemencement des nuages.

«Ce n'est pas une solution parfaite aux problèmes de sécheresse, car elle nécessite la présence de nuages pour fonctionner et un type spécifique de cumulus. Dans les zones touchées par la sécheresse, il y aura probablement moins de nuages ensemencés», a-t-il ajouté.

Dans l'ensemble, les nombreuses initiatives en matière d'énergie montrent que les pays arabes qui disposent des ressources et de la volonté politique nécessaires s'attaquent à la crise climatique.

Malgré cela, les températures plus chaudes semblent être la nouvelle normalité à laquelle les populations du Moyen-Orient devront simplement s'adapter.

«Il n'est pas trop tard, mais les pays doivent être plus ambitieux dans leur législation sur le changement climatique. Nos vies et celles de nos générations futures sont véritablement en jeu», a avisé Rifai.

 «Les pays riches qui ont promis des milliards de dollars de financement annuel pour aider les pays pauvres à passer aux énergies renouvelables doivent commencer à tenir cette promesse», a-t-il conclut.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Tunisie: le président Saied dénonce une «ingérence flagrante» après des critiques à l'international

Des dizaines de personnalités tunisiennes incluant des grands noms de l'opposition ont récemment été condamnées à de lourdes peines pour "complot" contre la sûreté de l'Etat, ce qu'elles nient en dénonçant un dossier "vide" et politique. (AFP)
Des dizaines de personnalités tunisiennes incluant des grands noms de l'opposition ont récemment été condamnées à de lourdes peines pour "complot" contre la sûreté de l'Etat, ce qu'elles nient en dénonçant un dossier "vide" et politique. (AFP)
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  • "Les déclarations et communiqués émanant de parties étrangères sont inacceptables (...) et constituent une ingérence flagrante dans les affaires intérieures de la Tunisie"
  • "Si certains expriment leur regret que les observateurs internationaux aient été exclus (d'une audience du procès, ndlr), la Tunisie peut aussi envoyer des observateurs auprès de ces parties (...) et leur demander également de modifier leurs législations

TUNISIE: Le président tunisien, Kais Saied, a dénoncé dans la nuit de lundi à mardi les critiques à l'international, notamment de la France et l'Allemagne, qui ont suivi la condamnation d'opposants à de lourdes peines de prison, en les qualifiant d'"ingérence flagrante".

"Les déclarations et communiqués émanant de parties étrangères sont inacceptables (...) et constituent une ingérence flagrante dans les affaires intérieures de la Tunisie", a dit M. Saied en recevant son ministre des Affaires étrangères, selon un communiqué de la présidence.

"Si certains expriment leur regret que les observateurs internationaux aient été exclus (d'une audience du procès, ndlr), la Tunisie peut aussi envoyer des observateurs auprès de ces parties (...) et leur demander également de modifier leurs législations et d'amender leurs procédures", a-t-il poursuivi.

Des dizaines de personnalités tunisiennes incluant des grands noms de l'opposition ont récemment été condamnées à de lourdes peines pour "complot" contre la sûreté de l'Etat, ce qu'elles nient en dénonçant un dossier "vide" et politique.

La France, l'Allemagne et l'ONU ont affirmé que les conditions d'un procès "équitable" n'avaient pas été respectées.

Berlin a notamment regretté "l'exclusion des observateurs internationaux, notamment l'ambassade d'Allemagne à Tunis, de la dernière journée du procès".

"Violations du droit" 

Le Haut Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, Volker Türk, a de son côté affirmé que le processus avait été "entaché par des violations du droit à un procès équitable et du droit à une procédure régulière, suscitant de graves inquiétudes quant aux motivations politiques".

Il a exhorté la Tunisie "à s'abstenir d'utiliser une législation sur la sécurité nationale et la lutte contre le terrorisme pour faire taire la dissidence et restreindre l'espace civique".

Depuis le coup de force par lequel M. Saied s'est octroyé les pleins pouvoirs à l'été 2021, ONG et opposants ont déploré une régression des libertés dans le pays berceau du Printemps arabe en 2011.

En plus du méga-procès du "complot", des dizaines de politiciens, avocats et chroniqueurs connus sont emprisonnés depuis début 2023 en vertu d'un décret réprimant la diffusion de fausses nouvelles, à l'interprétation très large.

Le Haut-Commissaire a demandé une nouvelle fois à la Tunisie "de mettre fin aux persécutions politiques, détentions, arrestations arbitraires et emprisonnement" de personnalités, et de "respecter tous leurs droits humains, y compris les droits à la liberté d'opinion et d'expression".

"La Tunisie était un modèle et une source d'inspiration pour de nombreuses nations de la région après la transition politique de 2011, et j'espère que le pays reviendra sur le chemin de la démocratie, de l'Etat de droit et des droits de l'homme", a écrit le responsable onusien.


1988 – L'attentat de Lockerbie contre le vol 103 de la Pan Am

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  •  Le crash de l'avion a fait la une d'Arab News, détaillant les ravages causés dans la ville écossaise
  • Les grands événements mondiaux attirent les théoriciens du complot comme l'aimant attire le fer, et Lockerbie n’échappe pas à cette règle

DJEDDAH: Le roi dirige la délégation saoudienne lors d'un sommet du Conseil de coopération du Golfe à Manama, un nouveau gouvernement est en place en Israël et une crise sévit au Soudan; cette première page d'Arab News aurait pu être publiée presque n'importe quel jour de ces dernières années.

Sauf que le roi saoudien était le roi Fahd, que le Premier ministre israélien était Yitzhak Shamir et qu'un autre article de la page indique que nous sommes le 23 décembre 1988.

Deux nuits auparavant, le vol 103 de la Pan Am reliant Francfort à Detroit, via Londres et New York, avait été pulvérisé par une bombe terroriste alors qu'il franchissait la frontière entre l'Angleterre et l'Écosse.

Avec un bilan de 270 morts – les 243 passagers et les 16 membres d'équipage, ainsi que 11 victimes au sol à Lockerbie, où l'avion a percuté deux rues résidentielles à 800 km/h – cet attentat reste le plus meurtrier de l'histoire du Royaume-Uni.

Peu d'événements ont une résonance qui va d'une petite ville frontalière écossaise à la Maison Blanche. C'est pourtant le cas. Lockerbie, avec ses 4 000 âmes, a rejoint la liste des lieux au Royaume-Uni et ailleurs – Aberfan, Munich, Srebrenica, My Lai – associés à jamais dans la conscience publique à la perte cruelle et insensée de vies humaines.

L’Écosse, mon pays, et Glasgow, ma ville, ne sont pas réputées pour leur douceur, tout comme les journalistes qu’elles façonnent, qui ne sont guère connus pour leur sensibilité excessive. Pourtant, j’ai vu des reporters, durs, cyniques, aussi impitoyables que le diamant, revenir de Lockerbie profondément marqués par l’ampleur de ce qu’ils y avaient vécu, remplis de respect et d’admiration pour la dignité sereine et la force d’âme avec lesquelles les habitants de la ville ont supporté leurs pertes.

pan am lockerbie

Le crash de l'avion a fait la une d'Arab News, détaillant les ravages causés dans la ville écossaise.

La plupart des passagers de l'avion étaient américains et leurs proches sont venus des États-Unis pour identifier les corps et les biens. Les habitants de Lockerbie ont temporairement enterré leur propre chagrin pour héberger, nourrir et réconforter les personnes endeuillées. Des liens ont été tissés, qui perdurent encore aujourd'hui.

Lorsqu'un attentat terroriste a été confirmé, l'auteur identifié par Washington était inévitable. Les États-Unis et le régime de Mouammar Kadhafi en Libye étaient en état de guerre larvée depuis des années, et les frappes aériennes américaines d'avril 1986, loin de faire fléchir Kadhafi, semblaient seulement l'avoir courroucé.

Les enquêteurs américains et britanniques pensent que des agents libyens à Malte ont dissimulé une bombe Semtex dans un lecteur de radiocassettes et l'ont envoyée dans une valise à Francfort, où elle a été chargée à bord du vol 103 de la Pan Am et où le sort de 270 personnes a été scellé.

Paradoxalement, certains récits peuvent avoir du sens si l'on travaille à rebours, en l'occurrence à partir du moment où Abdelbaset al-Megrahi, officier de renseignement libyen et ancien chef de la sécurité de la Libyan Arab Airlines, est mort à son domicile de Tripoli le 20 mai 2012, à l'âge de 60 ans.

Plus de 11 ans auparavant, en janvier 2001, trois juges écossais siégeant dans un tribunal spécial installé dans une ancienne base aérienne américaine aux Pays-Bas avaient condamné Al-Megrahi à la prison à vie pour 270 chefs d'accusation de meurtre dans l'affaire de l'attentat de Lockerbie. Il a passé plus de huit ans dans deux prisons écossaises avant que le gouvernement écossais ne le libère pour des raisons humanitaires, les médecins ayant déclaré qu'il était atteint d'un cancer en phase terminale, et qu'il retourne en Libye en août 2009. Il est retourné en Libye en août 2009. On lui avait donné trois mois à vivre, mais il a tenu près de trois ans.

Al-Megrahi était, et reste, la seule personne à avoir été condamnée pour l'attentat à la bombe contre le vol 103 de la Pan Am; avec sa mort, l'affaire est donc close? Eh bien, non.

Les répercussions ont commencé peu après la catastrophe et se poursuivent encore aujourd'hui. La Pan Am, dont les opérations de sécurité ont été jugées criminellement inutiles, a fait faillite au bout d'un an et s'est retirée des affaires au bout de deux ans. Les sanctions de l'ONU contre Kadhafi et la Libye ont renforcé leur statut de paria et, en février 2011, le pays était plongé dans une guerre civile. Kadhafi a été capturé et tué le 20 octobre 2011. Al-Megrahi lui survivra de sept mois.


Pour le reste d'entre nous, la sécurité des compagnies aériennes et des aéroports s'est intensifiée sur une trajectoire ascendante apparemment sans fin, et nous pouvons au moins être reconnaissants qu'une valise non accompagnée contenant une bombe ne puisse plus jamais voyager de Malte vers le ciel écossais en passant par deux aéroports.

Mais le plus important est peut-être que Lockerbie a marqué le début d'un effondrement de la confiance du public dans ce que nous disent nos gouvernements. Les autorités américaines et britanniques ont toujours insisté sur la culpabilité d'Al-Megrahi et sur le fait qu'il avait agi seul ou avec un seul complice. Rares sont ceux qui le croient.

Les grands événements mondiaux – l'assassinat de John F. Kennedy, les alunissages, les attentats du 11 septembre – attirent les théoriciens du complot comme l'aimant attire le fer, et Lockerbie n’échappe pas à cette règle. Les accusations ont fusé: l'Iran, les Palestiniens, le Mossad, la Stasi, l'Afrique du Sud de l'apartheid.

Ce qui rend Lockerbie différent, c'est que l'une des «théories» est presque certainement un fait – mais laquelle, c'est ce que tout le monde peut deviner. Jim Swire, médecin de campagne anglais à la voix douce mais déterminée, dont la fille Flora, âgée de 23 ans, a péri à bord de l'avion, est l'un des hommes les plus habilités à faire cette supposition.

Swire, aujourd'hui octogénaire, a consacré sa vie à la recherche de la vérité sur Lockerbie. Il a rencontré et interrogé Al-Megrahi. Il a rencontré et interrogé Kadhafi. Il a été une épine dans le pied des autorités britanniques et américaines pendant plus de 30 ans, et il croit encore aujourd'hui que le procès contre Al-Megrahi était une parodie et un tissu de mensonges, pour couvrir une vérité épouvantable qui ne sera peut-être jamais connue.

Le président américain George H. W. Bush a mis en place une commission de sécurité aérienne en septembre 1989 pour faire un rapport sur le sabotage de l'avion, et des parents britanniques des victimes ont rencontré des membres de la commission à l'ambassade des États-Unis à Londres en février de l'année suivante. Un membre de l'équipe de Bush a dit à l'un des parents: «Votre gouvernement et le nôtre savent exactement ce qui s'est passé, mais ils ne le diront jamais.»

 

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Robert Love, un habitant de la région, près de l'un des quatre moteurs du 747 Jumbo de la Pan Am qui a explosé et s'est écrasé alors qu'il se dirigeait vers New-York. (AFP)

 

Peut-être pas. Mais comme une pousse tenace issue d'une graine enfouie profondément dans le sol, la vérité a un moyen de parvenir à la lumière.

Cette année, la production de deux séries télévisées, dont l'une est centrée sur la recherche obstinée de la vérité par M. Swire, a ramené la tragédie de Lockerbie dans l'esprit du public. De vieilles théories sont remises au goût du jour.

Mais cette année pourrait aussi voir ces théories réfutées – ou justifiées.

Le 12 mai, un homme identifié dans les documents judiciaires comme Abu Agila Mohammad Masud Kheir al-Marimi, ou simplement Masud, sera jugé à Washington, accusé d'avoir fabriqué la bombe qui a détruit le vol 103 de la Pan Am.

L'histoire de l'identification, de la capture et de l'extradition de Masud vers les États-Unis – un pays avec lequel la Libye n'a pas conclu de traité d'extradition – n'a pas encore été racontée.

Il reste également à voir si le procès de Masud permettra de tourner la page, ou s'il ne fera qu'accroître la détresse des familles des victimes du vol 103 de la Pan Am et des habitants de Lockerbie, toujours en deuil.

Ross Anderson, rédacteur en chef adjoint à Arab News, était rédacteur en chef du quotidien Today à Londres la nuit de la catastrophe de Lockerbie.


Sisi rencontre Burhan au Caire pour discuter du rétablissement de la stabilité au Soudan

 La présidence égyptienne montre le président égyptien Abdel Fattah al-Sisi (à droite) lors d'une réunion avec le chef de l'armée soudanaise Abdel Fattah al-Burhan au Caire, le 4 novembre 2024. (File/AFP)
La présidence égyptienne montre le président égyptien Abdel Fattah al-Sisi (à droite) lors d'une réunion avec le chef de l'armée soudanaise Abdel Fattah al-Burhan au Caire, le 4 novembre 2024. (File/AFP)
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  • Les 2 dirigeants ont également prévu de se consulter sur le renforcement des liens bilatéraux
  • La visite de M. Al-Burhan intervient dans un contexte de conflit permanent au Soudan, où les combats entre l'armée soudanaise et les forces de soutien rapide ont dévasté le pays

DUBAI : Le président égyptien Abdel Fattah El-Sisi et le président du Conseil souverain transitoire du Soudan, le général Abdel Fattah Al-Burhan, se sont rencontrés lundi au Caire pour discuter des moyens de rétablir la stabilité et de promouvoir le développement au Soudan.

Les deux dirigeants ont également prévu de se consulter sur le renforcement des liens bilatéraux et d'aborder diverses questions régionales, a rapporté Ahram Online.

La visite de M. Al-Burhan intervient dans un contexte de conflit permanent au Soudan, où les combats entre l'armée soudanaise et les forces de soutien rapide ont dévasté le pays.

M. Al-Burhan a déclaré Khartoum "libérée" du contrôle des forces de soutien rapide en mars, après une importante poussée militaire.

La guerre, qui a éclaté en avril 2023 en raison de différends concernant l'intégration des forces de soutien rapide dans l'armée, a fait des dizaines de milliers de morts, les deux parties étant accusées d'avoir commis des atrocités.

Le Soudan reste profondément divisé, l'armée contrôlant le nord et l'est du pays, tandis que les forces de sécurité soudanaises détiennent la majeure partie du Darfour et certaines parties du sud.