PARIS: Très remonté contre les modalités du "bouclier tarifaire", EDF passe à la vitesse supérieure et réclame une indemnité de plus de 8 milliards d'euros auprès de l'État, son principal et bientôt unique actionnaire.
"EDF a déposé ce jour un recours contentieux auprès du Conseil d’État, et une demande indemnitaire, pour un montant estimé à date de 8,34 milliards d'euros, auprès de l'État", indique mardi le producteur d'électricité dans un communiqué.
C'est afin de contenir comme promis la hausse des tarifs réglementés de l'électricité à 4% en 2022 que le gouvernement a contraint EDF à augmenter de 20% le quota annuel d'électricité vendu à prix réduit à ses concurrents, à 120 TWh (contre 100 TWh auparavant).
Cette vente se fait dans le cadre du mécanisme baptisé "Accès régulé à l'électricité nucléaire historique" (Arenh), régulièrement dénoncé par EDF. Le groupe est ainsi contraint de vendre sa production à prix cassé, au moment où l'électricité atteint des sommets sur les marchés de gros.
"L'Etat continuera à défendre le dispositif de rehaussement de l'Arenh devant le Conseil d’État, qui a encore rappelé en juillet dernier l’intérêt général associé à cette décision", a-t-on commenté mardi soir à Bercy, qui estime que les démarches d'EDF "ne constituent pas une surprise".
La même source a défendu l'importance du "bouclier tarifaire". "Sans ces mesures, en particulier le volume d'Arenh supplémentaire, les factures des ménages auraient augmenté de 35% TTC", a-t-on fait valoir.
Le projet d'OPA confirmé
La décision de l'État avait été formalisée dans un décret le 11 mars puis deux arrêtés. EDF indique mardi que sa démarche s'appuie sur "une analyse juridique approfondie" et "eu égard aux dommages subis" au titre de ces textes.
"Le président-directeur général d’EDF avait indiqué lors de son assemblée générale annuelle avoir adressé à l'État un recours administratif préalable pour demander le retrait du décret et des arrêtés du mois de mars 2022 relatifs à cette attribution" de volumes nucléaires supplémentaires, rappelle le groupe.
Jean-Bernard Lévy, dont l'État veut désormais accélérer la succession dans le cadre de la renationalisation prévue d'EDF, avait en effet annoncé un recours gracieux au mois de mai, auquel l'État n'avait pas donné suite. "Tant le prix que les conditions de ces attributions nous pénalisent considérablement", avait fait valoir le PDG.
EDF, qui doit acheter les volumes d'électricité à prix d'or sur les marchés pour les revendre à ses concurrents, estime que la mesure amputera son excédent brut d'exploitation (Ebitda) de quelque 10 milliards d'euros cette année.
Une facture qui s'ajoute à un autre déboire de taille : la baisse de sa production nucléaire, liée à des problèmes de corrosion sur certains réacteurs, lui coûtera pas moins de 24 milliards d'euros supplémentaires, selon les dernières estimations publiées fin juillet.
Le groupe, ainsi fragilisé financièrement, par ailleurs lourdement endetté, doit pourtant mettre en œuvre un ambitieux programme de construction de nouveaux réacteurs nucléaires EPR en France en parallèle du développement des renouvelables. Cette stratégie au cœur de la politique climatique française est devenue encore plus prioritaire avec l'invasion de l'Ukraine, qui a souligné le problème de la dépendance aux énergies fossiles.
Pour avoir les coudées franches, le gouvernement a décidé en juillet de renationaliser à 100% le groupe, dont il possède aujourd'hui 84%. Cette opération doit être réalisée via une offre publique d'achat (OPA) à 9,7 milliards d'euros, que le gouvernement envisage de lancer d’ici début septembre.
Les annonces d'EDF mardi "ne modifient en rien le principe, les modalités et le calendrier" de l'OPA, assure Bercy.