VENISE: La Biennale de Venise tient à mettre ses installations et son expertise à la disposition des étudiants en arts et des chercheurs du monde arabe qui souhaitent faire l’expérience de l’art et de l’architecture, déclare son président.
Dans une interview spéciale accordée à Arab News, Roberto Cicutto, qui préside la prestigieuse institution depuis 2020, évoque l’«histoire d’amour» entre la Biennale de Venise et les pays arabes et musulmans au fil des ans, ainsi que les possibilités de coopération avec les artistes à l’avenir. Le Vénitien de 74 ans, qui possède une longue expérience dans le domaine de la production cinématographique, a rencontré Arab News dans le palais Ca’ Giustinian, à quelques pas de la place Saint-Marc.
En admirant la vue unique sur la lagune la plus célèbre du monde, parsemée de clochers et de coupoles de la Renaissance, il rappelle que, depuis les années 1930, quinze pays arabes et du Moyen-Orient participent à la Biennale de Venise, fondée en 1895. La participation arabe a débuté en 1938, lorsque l’Égypte a pris part à la Biennale d’art. L’Iran et la Turquie ont rejoint l’événement en 1956, puis la Tunisie en 1958, l’Irak en 1976, la Syrie en 1964 et Chypre en 1968.
«Au cours du nouveau millénaire, nous avons eu le plaisir d’accueillir des personnalités de renom de cette partie du monde», indique M. Cicutto. En effet, les pays arabes et musulmans affluent à l’événement depuis le début du siècle, le Maroc participant depuis 2005, le Liban depuis 2007, les Émirats arabes unis (EAU) depuis 2009, Bahreïn depuis 2010, l’Arabie saoudite depuis 2011, le Koweït depuis 2012, le Yémen depuis 2016 et, enfin, Oman cette année.»
M. Cicutto rappelle que l’Égypte a remporté le Lion d’or de la participation nationale, la plus haute récompense de l’exposition (basée sur le symbole historique de la ville), lors de la Biennale d’art de 1995. Le pavillon de Bahreïn, conçu par Noura al-Sayeh et Fouad al-Ansari, a pour sa part remporté le Lion d’or à la Biennale d’architecture de 2010.
«L’exposition de Bahreïn proposait une analyse de la relation du pays avec le littoral en pleine mutation. Des formes d’architecture transitoire ont été présentées comme des moyens de revendiquer la mer comme espace public», se souvient M. Cicutto. En 2021, le Lion d’or à la Biennale d’architecture a de nouveau été attribué à une nation arabe: les EAU.
Le pavillon, intitulé «Marécage» et conçu par Wael al-Awar et Kenichi Teramoto, présentait une expérience encourageant les gens à réfléchir à la relation délicate entre déchets et production, tant à l’échelle locale que mondiale, en proposant un modèle de construction capable de combiner artisanat et technologies avancées.
«Hachim Sarkis a été le premier conservateur libanais de l’Exposition internationale d’architecture de 2021. Architecte et doyen de l’école d’architecture du MIT à Boston, M. Sarkis a choisi pour son édition de l’exposition – prévue pour 2020 puis reportée à 2021 en raison de la pandémie – un titre qui s’avérera prémonitoire: “Comment allons-nous vivre ensemble?”». précise M. Cicutto.
Parmi les artistes qui ont participé au fil des ans, Cicutto se souvient notamment de ceux qui ont été invités à la Biennale d’art de 2015 par le commissaire nigérian Okwui Enwezor: la Libanaise Mounira al-Solh, la Jordanienne Ala Younisthe, le collectif syrien Abounaddara, les Égyptiens Massinissa Selmani et Inji Efflatoun, ainsi que le Tunisien Nidhal Chamekh.
Il a également mentionné Kader Attia, un Égyptien basé en France, qui a participé à l’édition 2003, ainsi que Hassan Khan, un Égyptien et Maha Mallouh, une Saoudienne, qui ont participé à l’édition 2017.
«Les expositions d’art et d’architecture renvoient de plus en plus aux traditions artisanales qui n’oublient pas les anciennes formes traditionnelles de fabrication ou les techniques de construction dans leur forme artistique», explique-t-il. «Dans notre ère de durabilité, les pays arabes représentent un exemple du fait que tout ce qui peut être récupéré du passé peut devenir une pratique digne d’intérêt en matière de durabilité.»
Selon M. Cicutto, la Biennale de Venise «a déjà suscité un grand intérêt de la part de certains pays arabes» et, lors de l’Expo 2020 de Dubaï, elle a organisé une présentation au pavillon italien, avec la participation de la ministre de la Culture des EAU, Noura al-Kaabi.
Aujourd’hui, la Biennale de Venise entend «mettre ses installations à la disposition de tous les étudiants et chercheurs qui s’intéressent à ses disciplines, afin qu’ils puissent expérimenter avec les connaissances théoriques acquises dans les universités et les centres de formation.»
Cette année marque le 90e anniversaire de l’établissement de relations diplomatiques entre l’Italie et l’Arabie saoudite et celui de la fondation de la Biennale de Venise. «Pour nous, il s’agit d’un anniversaire important car il permet de reconnaître le rôle que le plus ancien festival de cinéma du monde a joué dans l’attribution d’une dignité artistique à l’industrie cinématographique», affirme M. Cicutto.
En 2017, la section cinéma du programme Biennale College pour les cinéastes émergents et les films à micro-budget a financé un projet intitulé Martyr, présenté au festival cette année-là, réalisé et produit par une équipe du Liban.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com