AL-MOUKALLA: Lundi dernier, des Houthis armés ont fait irruption dans une station de radio communautaire qui diffuse de la musique et d’autres programmes à Sanaa. Ils ont pillé du matériel de diffusion, faisant totalement abstraction d’une décision de justice qui avait autorisé la radio de reprendre ses activités.
Majili al-Samadi, directeur de la radio Voice of Yemen, a affirmé sur Facebook que des hommes armés sont entrés de force dans son bureau et ont saisi du matériel, malgré un verdict du Tribunal spécialisé de la presse et des publications qui ordonne aux Houthis de lui permettre de reprendre ses émissions.
«Je lance avant tout un appel humanitaire et je m’adresse à tous les journalistes, individus, juristes, militants, médias, organismes de défense des droits de l’homme, institutions officielles et communautaires du pays et partout dans le monde pour les inciter à condamner l’agression flagrante menée par les forces affiliées au ministère de l’Information de la milice houthie», a dénoncé M. Al-Samadi.
EN BREF
Depuis qu’ils se sont emparés du pouvoir, à la fin de l’année 2014, les Houthis ont fermé des dizaines d’établissements médiatiques, enlevé de nombreux journalistes et forcé de nombreux autres à fuir le pays ou à vivre dans des zones contrôlées par le gouvernement.
Les Houthis ont d’abord fermé Yemen Voice et cinq autres stations de radio privées à Sanaa pour avoir poursuivi leur diffusion sans renouveler leurs licences. Mais des journalistes locaux affirment que, en réalité, la milice a cherché à réduire au silence les stations de radio indépendantes et à les soumettre à leur contrôle après que les médias ont refusé de diffuser des chants sectaires qui lui rendent hommage.
D'autres observateurs ont déclaré que ces derniers raids surviennent au moment où la milice intensifie sa campagne morale, prenant pour cibles les chanteurs, les artistes et les militantes.
La radio Voice of Yemen est connue pour diffuser des chansons yéménites anciennes et actuelles.
Contrairement aux propriétaires d’autres stations de radio, M. Al-Samadi a fait appel contre l’entrée par effraction des Houthis devant un tribunal spécialisé dans la gestion des attaques contre les établissements médiatiques.
Malgré un verdict qui ordonnait aux Houthis d’autoriser la reprise des programmes de la station, la milice a pris d’assaut le média et elle a pillé le matériel, quelques jours seulement après que M. Al-Samadi et d’autres militants de Sanaa l’avaient rouvert.
Dans une série de publications en ligne où il laisse éclater sa colère, M. Al-Samadi a reproché aux Houthis d’avoir ignoré la décision du tribunal et il a lancé un nouvel appel aux hautes autorités houthies, appelant les militants à le soutenir.
«Sanaa est une ville dirigée par des milices: c’est ainsi que je perçois la situation après l’attaque, le vol, le pillage des équipements de la radio Voice of Yemen et leur irrespect du système judiciaire», a-t-il lancé.
Indignés par l’attaque, un certain nombre de journalistes et de militants de Sanaa ont publié une pétition commune condamnant le «comportement brutal» des pilleurs et exigeant que les Houthis les traduisent en justice.
Entre-temps, des journalistes, des responsables et des militants yéménites qui vivent dans des zones contrôlées par le gouvernement ou qui sont en exil après avoir fui la répression des Houthis accusent la milice de harceler les médias et de chercher à utiliser les médias privés restés à Sanaa pour diffuser leur propagande sectaire.
«L’irruption dans les bureaux de Voice of Yemen nous ramène à l’époque où la ville de Sanaa était assiégée et où les médias étaient la première cible de la milice houthie. Nous nous souvenons tous du moment où la télévision officielle yéménite a été bombardée au moyen de toutes sortes d’armes lourdes, alors qu’elle était remplie de collègues», affirme Abdel Basset al-Qaedi, sous-secrétaire au ministère yéménite de l’Information.
Depuis qu’ils se sont emparés du pouvoir, à la fin de l’année 2014, les Houthis ont fermé des dizaines d’établissements médiatiques, enlevé de nombreux journalistes et forcé de nombreux autres à fuir le pays ou à vivre dans des zones contrôlées par le gouvernement.
Quatre journalistes enlevés par les Houthis à Sanaa en 2015 encourent la peine de mort.
«À Sanaa, qui est placée sous le contrôle de la milice houthie, il n’y a pas de médias, pas de presse, pas de société civile, pas de magazines, pas d’études. À Sanaa, il est impossible de voir la lumière au bout du tunnel», s’indigne Riyad al-Dubai, un militant yéménite des droits de l’homme, sur Twitter.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com