KHARTOUM: L'ex-président soudanais Omar el-Béchir comparaît mardi devant la justice à Khartoum, où il risque la peine de mort pour son coup d'État de 1989 contre le gouvernement démocratiquement élu du Premier ministre Sadek al-Mahdi.
Il s'agit d'un procès inédit dans le monde arabe, car jamais l'auteur d'un putsch réussi n'avait été jugé dans l'histoire récente.
M. Béchir sera dans le box des accusés avec 10 autres militaires et six civils, parmi lesquels ses anciens vice-présidents Ali Osman Taha et le général Bakri Hassan Saleh. Après une instruction menée par le bureau du procureur, il sera jugé par une cour spéciale composée de trois juges.
Son procès et celui de 16 co-accusés intervient alors que le gouvernement de transition post-révolutionnaire du Soudan a lancé une série de réformes, dans l'espoir de rejoindre pleinement la communauté internationale.
« Omar el-Béchir et Bakri Hassan Saleh ont refusé totalement de coopérer lors de l'instruction mais ils seront présents au tribunal », a affirmé à l'AFP Moaz Hadra, un des avocats à l'origine de la procédure contre le dictateur déchu.
Le Soudan s'est également engagé à livrer Béchir à la Cour pénale internationale (CPI) pour qu'il soit jugé pour crimes de guerre et génocide dans le cadre du conflit au Darfour en 2003-2004, qui a fait 300.000 morts et des millions de déplacés.
« Ce procès sera un avertissement à toute personne qui essaiera de détruire le système constitutionnel et sera jugée pour ce crime. Cela sauvegardera la démocratie soudanaise. Nous espérons ainsi clore l'ère des putschs au Soudan », a plaidé l'avocat.
« C'est la première fois que quelqu'un qui commet un coup d'État est traduit en justice. Nous avons des preuves très solides et nous les présenterons à la cour », a-t-il ajouté.
Le 30 juin 1989 au petit matin, la radio annonçait le coup d'État au Soudan. L'armée fermait l'aéroport, procédait à l'arrestation des principaux dirigeants politiques et suspendait les institutions, notamment le Parlement. Le colonel Béchir, devenu ensuite général, est resté au pouvoir pendant 30 ans. Renversé le 11 avril 2019 après un mouvement de contestation populaire qui a duré quatre mois, il est depuis emprisonné.
Un procès « politique »
Pour l'ex-général de police Salah Mattar, qui fut chef de la sécurité intérieure en 1989, ce procès est un soulagement. « J'avais observé six mois avant le coup d'Etat des mouvements et des réunions du Front National Islamique et fait un rapport au ministre de l'Intérieur Moubarak al-Mahdi, mais il l'a ignoré. Après le coup j'ai été chassé avec six hauts gradés de la police ».
Les accusés auront 150 avocats pour les défendre, a expliqué l'un d'eux, Me Hachem al-Gali.
« Pour nous il s'agit d'un procès politique qui se cache derrière la loi. Ce procès va se dérouler dans un environnement hostile de la part du système judiciaire envers les accusés et nous pourrons le prouver », a-t-il expliqué.
Pour lui, ce procès n'a pas lieu d'être car les faits se sont déroulés il y a plus de 10 ans.
Parallèlement, l'avocat met en avant le bilan politique d'Omar el-Béchir, qui a signé en 2005 un accord de paix avec les rebelles du sud cautionné par l'ONU, la Ligue arabe, l'Union européenne et l'Union africaine.
Cependant, il y aura un grand absent à ce procès, le cerveau du coup, l'islamiste Hassan Tourabi.
Ce dernier, qui a longtemps été le mentor de M. Béchir, est mort en 2016.