PARIS: Après l'euphorie du premier tour des législatives, le plus dur commence pour la Nupes, qui dispose d'une réserve de voix théoriquement moins grande qu'Ensemble et doit réussir à mobiliser les abstentionnistes pour espérer empêcher Emmanuel Macron d'avoir la majorité absolue.
Jean-Luc Mélenchon n'a pas prononcé les mots "Matignon" ou "Premier ministre" lors de son discours dimanche soir. Mais officiellement, l'objectif d'envoyer le troisième homme de la présidentielle à Matignon n'est pas abandonné. L'intéressé a tenté de le faire imaginer en disant que "si vous le décidez alors oui, dans 10 jours, les prix seront bloqués, le SMIC sera augmenté à 1 500 euros".
"Bien sûr qu'il y croit toujours, c'est l'objectif, on l'a tous en tête, on veut gagner", assure Aurélie Trouvé, présidente du parlement de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes).
"Matignon ne s'éloigne pas, Matignon se rapproche", a déclaré M. Mélenchon devant son QG à Paris, en début d'après-midi. Il a réitéré sa demande aux jeunes: "Déferlez, c'est le moment où vous avez les pleins pouvoirs de tout changer".
"Cette stratégie a payé, elle a simplifié et clarifié les enjeux", observe Simon Persico, spécialiste de la gauche et professeur à Sciences-Po Grenoble. Mais pour le second tour, elle s'avère moins crédible, ajoute-t-il: "Il faudrait que la Nupes gagne 80% de ses seconds tours".
Or, la Nupes ne part pas favorite dans nombre des duels en raison d'un désavantage sur les réserves de voix: unie dès le premier tour, la gauche a fait le plein, alors qu'Ensemble pourra compter sur les voix de droite.
Mais plusieurs dirigeants de la coalition voient tout de même un espoir, comme la numéro 2 du PS Corinne Narassiguin: "Il y a certaines circonscriptions où il a encore des réserves de voix, par exemple celles où il y avait d'autres candidats de gauche au premier tour", comme là où des dissidents PS se sont présentés.
«Fil ténu»
Aurélie Trouvé, arrivée largement en tête (53,5%) dans la 9e circonscription de Seine-Saint-Denis, estime qu'il y a "des réserves de voix énormes chez les abstentionnistes", et en particulier "chez les jeunes": "J'ai fait le tour de ma circonscription hier (dimanche), il n'y avait pas les files de jeunes" vues au premier tour de la présidentielle.
Dans l'entre-deux-tours, sur le plan national, annonce-t-elle, "on va insister sur les jeunes, en leur disant : +C'est à vous de déterminer votre avenir+ au moment où on débat de l'état de la planète dans 50 ans". Les couches populaires aussi, plus promptes à s'abstenir, seront ciblées, "au plus près du terrain avec du porte-à-porte".
Pour Corinne Narassiguin, "les jeunes étaient ceux qui étaient, lors de la présidentielle, les plus motivés pour mettre la gauche au second tour, il faut qu’on arrive à les mobiliser, leur prouver que c’est possible d’entraver Emmanuel Macron". Elle estime qu'au-delà du slogan "Mélenchon Premier ministre", "les jeunes approuvent l'union, c’est la coalition dans toute sa diversité qu’il faut mettre en avant".
Selon Simon Persico, la Nupes va devoir "trouver un équilibre délicat, un fil ténu": "D'un côté mobiliser les abstentionnistes, car ses électeurs sont ceux qui se sont le plus démobilisés par rapport à la présidentielle; de l'autre mener une campagne rassembleuse, qui réussisse à contrebalancer la stratégie de LREM d'en faire le camp anti-républicain, islamo-gauchiste, décroissant".
En effet, sur ce dernier point, il faut "réussir à attirer une partie des électeurs de droite contre le RN" pour la soixantaine de circonscriptions où vont avoir lieu des duels entre Nupes et l'extrême droite, souligne M. Persico.
"Le niveau d'agressivité, de violence verbale, de manipulation nous sert. Les Français n'aiment pas ça", a jugé M. Mélenchon.
M. Persico ajoute que la Nupes "peut s'appuyer sur le fait qu'il soit plus probable qu'Ensemble n'ait pas de majorité absolue que l'inverse".
Autre motif d'espoir pour la gauche, indique-t-il: "Les enjeux du scrutin vont être plus clairs, la campagne va gagner en intensité, ce qui va mobiliser plus".