WASHINGTON : Face à une inflation qui n'en finit plus de grimper aux Etats-Unis, devenant même la priorité économique de Joe Biden, la banque centrale américaine s'apprête à relever mercredi ses taux directeurs pour la troisième fois, et pourrait accélérer le mouvement.
Le comité de politique monétaire, organe de décision de la Fed, se réunit mardi et mercredi. Une hausse des taux d'un demi-point de pourcentage, ou 50 points de base, semble acquise.
Mais c'est désormais l'hypothèse d'une hausse plus forte, de trois quarts de point de pourcentage, ou 75 points de base, qui agite les marchés. Un tel relèvement serait une première depuis 1994.
"Les marchés ont commencé à prendre en compte le risque (d'une hausse) de 75 points de base lors de la réunion de la Fed la semaine prochaine", a indiqué Shaun Osborne, de Scotiabank, à l'AFP.
En cause : l'inflation. Elle avait entamé en avril un timide ralentissement, laissant espérer que le pire était passé.
Mais les chiffres de mai, publiés vendredi, ont sonné comme un brutal rappel à la réalité, avec une nouvelle accélération et un nouveau record en 40 ans, à 8,6% sur un an et 1,0% sur un mois, selon l'indice CPI.
La Fed privilégie l'indice PCE, publié plus tard dans le mois, qui a également ralenti en avril, à 6,3% sur un an, mais reste bien supérieur à l'objectif de 2%, considéré comme sain pour l'économie.
Shaun Osborne se montre cependant sceptique quant à l'hypothèse d'une forte hausse qui pourrait faire paniquer les marchés. Mais "c'est évidemment un risque", a-t-il toutefois averti.
Vendredi, un quart des acteurs des marchés tablaient sur une forte hausse de 75 points de base, et trois quarts anticipaient une hausse de 50 points, comme lors de la dernière réunion, début mai, selon l'évaluation des produits à terme de CME Group. Samedi cependant, 3,6% seulement pensaient que la Fed relèvera ses taux de 75 points de base.
Plutôt en septembre
"Certains pensent que la Fed pourrait offrir une hausse surprise de 75 points lors de la réunion de juin. Il ne faut jamais dire jamais dans ces circonstances, mais nous pensons que cela reste très peu probable", nuance également Krishna Guha, économiste pour Evercore, société de conseil en investissements.
Selon lui, "si la Fed ouvre la possibilité d'un mouvement de 75 points de base, (...) ce sera plus probablement pour septembre".
En relevant ses taux directeurs, la Fed encourage les banques commerciales à proposer des prêts plus onéreux à leurs clients, qui, par conséquent, sont moins enclins à consommer.
"La Fed doit réduire la demande pour répondre à un monde dans lequel l'offre est limitée", a commenté l'économiste Diane Swonk, de Grant Thornton, dans un tweet.
L'institution avait abaissé ses taux en urgence en mars 2020, pour soutenir l'économie par la consommation, face au Covid-19 qui s'étendait aux États-Unis.
Ils sont restés dans une fourchette de 0 à 0,25% pendant deux ans, avant d'avoir été relevés d'un quart de point en mars 2022, puis d'un demi-point en mai, et se situent désormais entre 0,75 et 1,00%.
Risque de récession
Mais la Réserve fédérale doit désormais se livrer à un délicat exercice d'équilibriste, pour faire ralentir l'inflation sans trop peser sur la croissance économique.
"Plus les consommateurs dépensent, plus la Fed doit resserrer sa politique ; cela augmente le risque de récession", avertit Yelena Maleyev, économiste elle aussi pour Grant Thornton.
Car le ralentissement forcé de la consommation risque de peser sur l'économie américaine, faisant craindre une récession ou une "stagflation", c'est-à-dire une période prolongée de croissance faible et d'inflation élevée. Le chômage, lui, pourrait repartir à la hausse.
Le président de la Fed, Jerome Powell, avait été reçu fin-mai à la Maison Blanche par Joe Biden, pour une rare entrevue dédiée à la lutte contre l'inflation.
Autre étape majeure de la normalisation de la politique monétaire, la Fed a commencé le 1er juin à réduire son bilan, après avoir, pendant la pandémie de Covid-19, acheté des titres pour inonder le marché de liquidités et lui permettre de continuer à fonctionner.
Mardi et mercredi, la Fed actualisera également ses prévisions d'inflation, croissance, et chômage.
Cette réunion sera par ailleurs la première depuis que Jerome Powell a officiellement entamé son second mandat, le 23 mai, et que Lael Brainard est devenue vice-présidente de la Fed. Et elle marquera l'arrivée de deux nouveaux gouverneurs, Lisa Cook et Philip Jefferson.