L'avenir de la France repose sur les élections de dimanche

Le président français, Emmanuel Macron (Photo, Reuters).
Le président français, Emmanuel Macron (Photo, Reuters).
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Publié le Dimanche 12 juin 2022

L'avenir de la France repose sur les élections de dimanche

L'avenir de la France repose sur les élections de dimanche
  • Les élections sont structurées de telle sorte que si aucun candidat dans une circonscription n'obtient 50 % des voix au premier tour dimanche, un second tour aura lieu le 19 juin
  • Le momentum semble être avec la coalition de gauche «Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale» dirigée par le vétéran de la gauche extrême Jean-Luc Melenchon

Les élections législatives qui se déroulent en France ce dimanche sont largement passées sous le «radar» mondial, pourtant leur résultat pourrait avoir un effet aussi important sur l'avenir de la nation que la réélection plus largement suivie d'Emmanuel Macron à la présidence en mai.

L'une des principales raisons expliquant le profil bas du dernier vote est l'opinion communément admise selon laquelle les élections législatives françaises sont conçues pour donner au président une majorité viable. Pourtant, si le président en exercice a bénéficié, pendant une grande partie de la Cinquième République, du soutien d'une majorité législative relativement assurée au sein de son propre parti, ce soutien n'est jamais certain.

C'est particulièrement vrai dans le cas de Macron. Quatre ans après le début de sa présidence, on oublie parfois que la France se trouve toujours en territoire politique inconnu, gouvernée comme elle l'est par une alliance formée par le jeune président il y a seulement six ans. Les deux dernières élections présidentielles sont les seules de l'histoire moderne du pays où ni le parti de centre-droit dominant, les Républicains, ni le parti de centre-gauche, les Socialistes, n'ont réussi à se qualifier. On ne sait toujours pas si l'un de ces partis, ou les deux, pourraient faire leur retour ou si le système politique français est désormais réaligné pour toujours.

Les élections sont structurées de telle sorte que si aucun candidat dans une circonscription n'obtient 50 % des voix au premier tour dimanche, un second tour aura lieu le 19 juin. Tout candidat qui obtient le soutien d'au moins 12,5 % des électeurs inscrits le dimanche peut accéder au second tour.

Si Emmanuel Macron obtient la majorité, les chances que son programme soit mis en œuvre et que sa présidence soit considérée comme un succès augmenteront considérablement.

 Andrew Hammond

L'un des sondages, publié mardi par l'Institut français d'opinion publique, indique que la coalition centriste «Ensemble» de Macron sera probablement le plus grand parti, avec plus de 250 sièges à la chambre basse, mais probablement moins que les 289 nécessaires pour une majorité absolue.

Cela constituerait un changement significatif par rapport au premier mandat de Macron. En 2017, son bloc a remporté 350 des 577 sièges, l'une des majorités les plus importantes depuis la victoire écrasante de l'ancien président Charles de Gaulle en 1968.

Le momentum semble être avec la coalition de gauche «Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale» dirigée par le vétéran de la gauche extrême Jean-Luc Melenchon. Le sondage du groupe IFOP indique que le bloc pourrait réaliser des gains importants et remporter entre 170 et 205 sièges.

Mélenchon et son équipe ont réalisé ce que beaucoup considéraient comme un exploit quasi impossible: Développer une large alliance entre la gauche française profondément fracturée, le Parti socialiste, les Verts et le Parti communiste français, dans une démonstration inattendue d'unité. La coalition est unie autour d'une plateforme politique commune qui comprend le rétablissement d'un impôt sur la fortune supprimée par Macron, l'abaissement de l'âge de la retraite à 60 ans et l'augmentation du salaire minimum de 15 %.

Les conservateurs de droite et de centre du parti Les Républicains envisagent de devenir le troisième groupe parlementaire le plus important. Cela pourrait les positionner comme faiseurs de roi si Ensemble est le groupe le plus important mais ne dispose pas d'une majorité absolue. Pendant ce temps, le parti d'extrême droite de Marine Le Pen, le Rassemblement national, arrive en troisième position en termes de votes au premier tour, mais en quatrième position en termes de sièges prévus.

Pour Olivier Veran, ministre français délégué aux relations avec le Parlement et à la participation citoyenne, ne pas donner à Macron une majorité à l'Assemblée nationale représentera une «déstabilisation majeure de la politique dans notre pays pour les années à venir». Bien qu'un tel langage puisse être exagéré, l'absence d'une majorité absolue obligera certainement Macron à élargir son alliance, ce qui compliquera la conclusion d'accords à l'avenir.

Cela pourrait nuire à son programme de réformes qui, comme le souligne un rapport sur les investissements directs étrangers publié le mois dernier par Ernst & Young, a contribué à améliorer sensiblement la perception de la France par les investisseurs au cours des 12 derniers mois. En effet, le pays s'est distingué dans le rapport, avec une augmentation de 24 % de l'attractivité perçue de la nation.

Un gouvernement minoritaire ou de coalition serait un scénario inhabituel pour la France d'aujourd'hui ; la Cinquième République a été conçue pour éviter des coalitions aussi lourdes.

Si le bloc de Macron pourrait être le plus grand parti unique mais ne disposant pas de majorité claire, un scénario encore pire pour lui serait qu'un groupe d'opposition, très probablement l'alliance de gauche, surprenne et obtienne une majorité. Macron devrait alors nommer un premier ministre issu du camp vainqueur, inaugurant ainsi une période dite de cohabitation.

Il y a des précédents à cette situation dans la Cinquième République, de 1986 à 1988, de 1993 à 1995 et de 1997 à 2002 sous les présidences du socialiste François Mitterrand et du républicain Jacques Chirac. Pendant ces périodes, le centre de gravité de la politique intérieure passe entre les mains du premier ministre et du parti majoritaire au sein du corps législatif, le président conservant la direction de la politique étrangère.

Non seulement le résultat des élections est important pour les prochaines années en France, mais il pourrait également façonner la prochaine décennie. La colère anticonformiste reste très répandue et, à moins que Macron ne réussisse ses réformes, les bénéficiaires pourraient être Le Pen (extrême droite) et/ou Mélenchon (extrême gauche).

Ce n'est donc pas seulement le succès du reste de la présidence de Macron qui repose de manière significative sur les élections. S'il obtient la majorité, les chances que son programme soit mis en œuvre et que sa présidence soit considérée comme un succès augmenteront considérablement, ce qui déterminera le contexte du prochain scrutin présidentiel en 2027.

 

Andrew Hammond est un associé du groupe de réflexion sur la politique étrangère LSE IDEAS à l’École d'économie de sciences politiques de Londres.

Les opinions exprimées par les auteurs de cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com