L'Iran cherche à profiter de l'impasse pour obtenir des armes nucléaires

Vue intérieure de la centrale nucléaire iranienne de Bouchehr, au sein de laquelle certaines des caméras de surveillance de l'AIEA ont été déconnectées (Photo, AFP).
Vue intérieure de la centrale nucléaire iranienne de Bouchehr, au sein de laquelle certaines des caméras de surveillance de l'AIEA ont été déconnectées (Photo, AFP).
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Publié le Dimanche 12 juin 2022

L'Iran cherche à profiter de l'impasse pour obtenir des armes nucléaires

L'Iran cherche à profiter de l'impasse pour obtenir des armes nucléaires
  • «L'augmentation des stocks iraniens d'uranium enrichi à près de 20 et 60 % a dangereusement réduit les délais de production de l’arme nucléaire»
  • La communauté internationale n'a plus beaucoup de temps pour empêcher le régime iranien d'obtenir des armes nucléaires; elle doit agir maintenant, avant qu'il ne soit trop tard

Depuis l'entrée en fonction de l'administration Biden en janvier 2021, le régime iranien semble avoir décidé de gagner du temps afin de sérieusement faire avancer son programme nucléaire controversé.

Au cours de plusieurs cycles de négociations avec les puissances mondiales du P5+1 (composé des cinq membres de Conseil de sécurité des nations unies + l’Allemagne), l'establishment théocratique a clairement réussi à accélérer son programme nucléaire, en augmentant son taux d'enrichissement de l'uranium de 20 à 60 %, en menant des activités de recherche et développement (R&D) et de production d'uranium métal, ainsi qu’en ajoutant des centrifugeuses. 

Au lendemain d'un accord visant à étendre le mécanisme de surveillance de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) en réinstallant des caméras de surveillance à l'intérieur de certains de ses sites nucléaires, le régime iranien a annoncé en juin dernier qu'il ne permettrait pas à l'agence de voir les images de ces appareils. Et il dispose actuellement de suffisamment d'uranium enrichi pour fabriquer une bombe atomique, selon l'AIEA.

Le régime iranien refuse également de répondre aux questions de l'AIEA concernant les particules d'uranium trouvées sur trois sites nucléaires non déclarés. Le mois dernier, l'agence des Nations unies a reconnu que la République islamique «n'a pas fourni d'explications techniquement crédibles en rapport avec les découvertes de l'agence sur ces sites... L'agence reste prête à travailler sans délai avec l'Iran pour résoudre toutes ces questions.»

L'Institut pour la science et la sécurité internationale a également lancé une mise en garde en novembre dernier: «L'Iran possède assez d'hexafluorure d'uranium enrichi (UF6) sous forme d'uranium enrichi à près de 20 et 60 % pour produire suffisamment d'uranium de qualité militaire, soit 25 kg, pour une seule arme nucléaire en trois semaines seulement. Il pourrait le faire sans utiliser aucune partie de son stock d'uranium enrichi à 5 % comme matière première. L'augmentation des stocks iraniens d'uranium enrichi à près de 20 et 60 % a dangereusement réduit les délais de production de l’arme nucléaire.»

Néanmoins, la communauté internationale n'a encore pris aucune mesure tangible pour empêcher le régime iranien de devenir un État nucléaire. Et ce malgré ces rapports alarmants et bien qu'une déclaration commune publiée par le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne en juillet dernier ait reconnu le fait que Téhéran «n'a aucun besoin civil crédible de R&D et de production d'uranium métal, qui constituent une étape essentielle dans le développement d'une arme nucléaire»

La communauté internationale n'a toujours pas pris de mesures concrètes pour empêcher le régime iranien de devenir un État nucléaire.

Dr Majid Rafizadeh

Les P5+1 doivent comprendre que si la République islamique se dote de l'arme nucléaire, il est probable que les armes nucléaires tomberont entre les mains de ses mandataires et de ses milices ou que le régime iranien partagera sa technologie nucléaire avec eux. L’Iran a déjà installé des usines d'armement à l'étranger et fabriqué des missiles balistiques et des armes de pointe dans des pays étrangers, notamment en Syrie. Il s'agit notamment de missiles à guidage de précision dotés d'une technologie avancée permettant de frapper des cibles spécifiques.

Puisque l'establishment théocratique fournit déjà des armes de pointe à ses mandataires, qu'est-ce qui l'empêcherait de partager sa technologie nucléaire pour donner du pouvoir à ces groupes, saper les intérêts de sécurité nationale de ses adversaires présumés et étendre son influence? Le rapport annuel 2021 de l'Organisation des nations unies (ONU) indique: «Un nombre croissant de preuves suggère que des individus ou des entités de la République islamique d'Iran fournissent des volumes importants d'armes et de composants aux Houthis.»

En outre, il s'agit d'un régime désigné par les États-Unis comme un État soutenant le terrorisme depuis 1984. À titre d’exemple, l'un des diplomates du régime, Assadollah Assadi, a écopé d’une peine de vingt ans de prison par un tribunal belge pour son rôle dans un attentat à la bombe raté à Paris.

Le régime de Téhéran a également recours à des agents infiltrés dans des pays étrangers. Plusieurs pays, dont le Koweït, ont arrêté des Iraniens pour espionnage. Il est notoire que le régime a utilisé ses ambassades et ses diplomates dans des pays étrangers à de telles fins.

Les grandes puissances mondiales ne doivent pas traiter la République islamique comme un acteur étatique rationnel et moderne qui agira de manière responsable s'il possède des armes nucléaires. Il s'agit plutôt d'un régime révolutionnaire qui donne la priorité à la poursuite de ses idéaux, dont l'exportation de son idéologie et de son système de gouvernance dans d'autres pays du monde. C’est même inscrit dans sa Constitution, qui stipule que le document «fournit la base nécessaire pour assurer la poursuite de la révolution dans le pays et à l'étranger».

Tout cela signifie que la communauté internationale n'a plus beaucoup de temps pour empêcher le régime iranien d'obtenir des armes nucléaires. Elle doit agir maintenant, avant qu'il ne soit trop tard.

 

- Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain formé à Harvard. Twitter : @Dr_Rafizadeh

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.