L'Ukraine réclame des armes lourdes pour Severodonetsk où se joue «le sort» du Donbass

Une école de Bakhmut, dans le Donbass, totalement rasée par les bombardements russes. (AFP).
Une école de Bakhmut, dans le Donbass, totalement rasée par les bombardements russes. (AFP).
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Publié le Jeudi 09 juin 2022

L'Ukraine réclame des armes lourdes pour Severodonetsk où se joue «le sort» du Donbass

  • Pour la Russie, mettre la main sur cette ville serait déterminant en vue d'une conquête de l'intégralité du vaste bassin houiller du Donbass
  • La semaine dernière, Severodonetsk semblait sur le point de tomber aux mains de l'armé russe mais les troupes ukrainiennes ont contre-attaqué et réussi à tenir bon

 

LYSSYTCHANSK : L'Ukraine a réclamé jeudi des armes d'artillerie occidentale "de longue portée" qui lui permettraient selon elle de reprendre rapidement la ville stratégique de Severodonetsk (est), où pourrait se jouer toute la bataille du Donbass, selon le président ukrainien.

Les soldats ukrainiens livrent à Severodonetsk l'une des "batailles les plus difficiles" depuis le début de la guerre, le 24 février , selon le président Volodymyr Zelensky.

"A bien des égards, le sort de notre Donbass se décide là", a estimé M. Zelensky dans une vidéo diffusée mercredi soir.

Mettre la main sur cette ville ouvrirait à Moscou la route d'une autre grande ville du Donbass, Kramatorsk, et marquerait une étape importante en vue d'une conquête de l'intégralité de cette région frontalière de la Russie, déjà en partie tenue depuis 2014 par des séparatistes prorusses.

L'Ukraine pourrait toutefois reprendre Severodonetsk "en deux, trois jours", dès qu'elle disposera d'armes d'artillerie occidentales "de longue portée", a assuré jeudi Sergueiï Gaïdaï, gouverneur de Lougansk, l'une des deux régions du Donbass.

Face à la pression des troupes de Moscou, les Ukrainiens ne cessent de réclamer à leurs alliés occidentaux des armes plus puissantes que celles de moindre portée dont ils disposent.

La livraison de systèmes de lance-roquettes multiples, d'une portée de quelque 80 km, soit légèrement supérieure aux systèmes russes, a été annoncée par Washington et par Londres, mais on ignore quand les Ukrainiens pourront commencer à les utiliser.

Ces armes sont d'autant plus urgentes pour l'Ukraine qu'elle déplore chaque jour "jusqu'à 100 soldats" tués et "500 blessés" dans les combats avec l'armée russe, a déclaré jeudi le ministre ukrainien de la Défense, Oleksiï Reznikov. M. Zelensky avait indiqué le 1er juin que son armée perdait entre 60 et 100 soldats par jour.

Guerre d'usure

Selon le gouverneur Gaïdaï, des combats de rue et des bombardements russes "constants" se poursuivent jeudi dans les zones idustrielles de Severodonetsk encore contrôlées par les Ukrainiens. "Nos forces les repoussent, puis les tirs d'artillerie reprennent, et ça continue comme ça en permanence", a-t-il indiqué.

La semaine dernière, Severodonetsk semblait sur le point de tomber aux mains de l'armée russe, mais les troupes ukrainiennes ont contre-attaqué, malgré leur infériorité numérique. Les forces russes regagnent cependant du terrain depuis, et contrôlaient mercredi soir "une majeure partie" de la ville, selon le gouverneur.

Les forces russes ont notamment bombardé la grande usine chimique Azot au moins deux fois, touchant un centre de production d'ammonium, a-t-il précisé.

Quelque 800 civils seraient pris au piège dans cette usine, où ils se sont réfugiés, selon l'avocat du magnat ukrainien Dmytro Firtach dont la société est propriétaire de l'installation. Les autorités ukrainiennes n'ont pas confirmé cette information.

Lyssytchansk, ville voisine de Severodonetsk, est entièrement contrôlée par l'armée ukrainienne mais subit elle aussi des bombardements "puissants", a encore déclaré le gouverneur Gaïdaï, accusant les forces russes de viser "délibérément" les hôpitaux et les centres de distribution d'aide humanitaire.

Si beaucoup de civils ont évacué Severodonetsk et Lyssytchansk, plusieurs milliers sont néanmoins restés - des personnes âgées, les gens s'occupant d'elles ou ceux n'ayant pas les moyens de partir ailleurs.

"Tous les jours, il y a des bombardements, tous les jours quelque chose brûle", témoigne Iouri Krassnikov, assis dans un quartier de Lyssytchansk aux nombreux immeubles endommagés et pavillons calcinés, alors que l'artillerie gronde non loin de là.

"Il n'y a personne pour m'aider", se lamente ce retraité.

Les Russes bombardent également intensément la région de Donetsk, l'autre partie du Donbass, "sur tout le long de la ligne de front", avec notamment des attaques sur les villes de Sloviansk et Bakhmout, selon Kiev, qui a recensé 4 morts et 11 blessés au cours des dernières 24 heures.

Les forces de Moscou n'ont progressé que lentement jusqu'ici, faisant dire aux analystes occidentaux que l'invasion russe lancée le 24 février avait tourné à la guerre d'usure, avec des avancées limitées obtenues au prix de destructions massives et de lourdes pertes.

«Vague de misère»

Plus de 100 jours après l'offensive russe, les conséquences de la guerre continuent de s'aggraver dans le monde, tant sur le plan financier et alimentaire qu'énergétique, touchant 1,6 milliard de personnes, a alerté mercredi le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres.

"Pour les populations du monde entier, la guerre menace de déclencher une vague sans précédent de faim et de misère, laissant dans son sillage le chaos social et économique", a averti M. Guterres

"Il n'y a qu'un seul moyen d'arrêter cette tempête qui se prépare: l'invasion russe de l'Ukraine doit cesser".

Le blocage des ports ukrainiens par la flotte russe de la mer Noire, à commencer par celui d'Odessa, principal port du pays, paralyse ses exportations de céréales, notamment de blé, dont elle était avant la guerre en passe de devenir le troisième exportateur mondial.

Des pays africains et moyen-orientaux sont les premiers touchés et craignent de graves crises alimentaires.

Le président Zelensky a demandé jeudi l'exclusion de la Russie de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). "Quelle y serait la place de la Russie si elle provoque la famine pour au moins 400 millions de personnes, voire plus d'un milliard?", a-t-il lancé dans un discours en visioconférence devant une réunion ministérielle de l'OCDE.

Alors que Moscou accuse les Occidentaux d'être à l'origine de cette pénurie en raison de leurs sanctions, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a rencontré mercredi son homologue turc Mevlut Cavusoglu à Ankara pour discuter de "corridors maritimes sécurisés" qui permettraient de reprendre les transports de céréales en mer Noire.

Inflation vertigineuse

A la demande de l'ONU, la Turquie a proposé son aide pour escorter les convois maritimes depuis les ports ukrainiens, malgré la présence de mines.

Lors d'une conférence de presse, M. Lavrov a assuré que la Russie était "prête à garantir la sécurité des navires qui quittent les ports ukrainiens (...) en coopération avec nos collègues turcs". Mais aucune proposition concrète n'a été annoncée après leurs discussions.

La hausse des prix touche aussi de plein fouet la Russie, où l'inflation a connu une hausse vertigineuse jusqu'à battre un record de vingt ans. Malgré un recul en mai, elle atteint 17,1% sur un an, selon des données officielles.

L'Institut de la Finance internationale (IFF) prévoit ainsi une contraction de l'économie russe de 15% cette année et de 3% supplémentaires en 2023.

La guerre a fait des milliers de morts: au moins 4.200 civils, selon le dernier bilan de l'ONU, qui estime les chiffres réels "considérablement plus élevés", et des milliers de militaires, même si les belligérants communiquent rarement sur leurs pertes.

La conflit a conduit quelque 6,5 millions d'Ukrainiens à fuir leur pays. Près de 5 millions ont été enregistrés comme réfugiés à travers l'Europe depuis le 24 février, a indiqué jeudi le Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR) de l'ONU.


Selon une source ukrainienne , Zelensky ne serait pas prêt à signer un accord sur les minerais avec Washington

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky n'est « pas prêt » à signer un accord avec les États-Unis qui leur offrirait un accès préférentiel aux minerais du pays, a affirmé samedi à l'AFP une source ukrainienne proche du dossier, alors que les deux pays sont en pleines tensions.

Donald Trump réclame depuis plusieurs semaines l'équivalent de 500 milliards de dollars de terres rares, en guise de dédommagement, selon lui, du soutien américain à Kiev face à l'invasion russe, une condition qu'Ukraine ne peut accepter pour l'instant.

« Le président ukrainien n'est pas prêt à accepter le projet dans sa forme actuelle. Nous essayons toujours de faire des changements de manière constructive », a expliqué cette source ukrainienne qui a requis l'anonymat.

« Ils veulent nous soutirer 500 milliards de dollars », a-t-elle accusé.

« Quel genre de partenariat est-ce là ? (...) Et pourquoi devons-nous donner 500 milliards, il n'y a pas de réponse », a-t-elle encore dit, affirmant que Kiev avait « proposé des amendements. Ils ont été soumis ».

Depuis l'appel entre Donald Trump et Vladimir Poutine le 12 février, Moscou et Washington ont exprimé leur volonté de repartir sur de nouvelles bases, et le président américain a complètement renversé la position de son pays concernant la guerre en Ukraine, en reprenant la rhétorique du Kremlin sur la responsabilité de Kiev.

Le 24 février 2022, l'Ukraine a été envahie par la Russie, le Kremlin affirmant agir pour protéger le pays contre la menace de l'OTAN et empêcher un élargissement de l'organisation.

Donald Trump souhaite négocier un accord avec l'Ukraine afin d'obtenir un accès à 50 % de ses minerais stratégiques, en guise de compensation pour l'aide militaire et économique déjà fournie à Kiev.

Le conseiller à la sécurité nationale de M. Trump, Mike Waltz, s'est montré très pressant vendredi.

« Le président Zelensky va signer cet accord, et vous le verrez à très court terme, et c'est bon pour l'Ukraine », a-t-il insisté lors d'un rassemblement de conservateurs près de Washington.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a rejeté avec vigueur la première proposition américaine d'accord, arguant qu'il ne pouvait « pas vendre » son pays.

Il a toutefois laissé la porte ouverte à des « investissements » américains en échange de telles garanties.

De son côté, Donald Trump affirme que les États-Unis ont dépensé 350 milliards de dollars pour s'engager dans une guerre qui ne pouvait pas être gagnée. Or, selon l'institut économique IfW Kiel, l'aide américaine globale à l'Ukraine, financière, humanitaire et militaire, a atteint 114,2 milliards d'euros (près de 120 milliards de dollars au cours actuel) entre début 2022 et fin 2024, dont 64 milliards d'euros en assistance militaire.

Le 1er février, M. Zelensky a assuré que l'Ukraine n'avait reçu à ce stade que 75 des 177 milliards de dollars d'aide votée par le Congrès américain.


Les États-Unis proposent à l'ONU une résolution pour « une fin rapide » du conflit en Ukraine

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine.  (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine. (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
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  • Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale de l'Ukraine.
  • Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE.

NATIONS-UNIES : Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale du pays, après une nouvelle attaque du président américain Donald Trump contre son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky.

Dans un communiqué, le secrétaire d'État américain, Marco Rubio, a exhorté les pays membres de l'ONU à approuver cette nouvelle résolution « simple » et « historique », et « tous les États membres à la soutenir, afin de tracer un chemin vers la paix ».

« Cette résolution est une bonne idée », a rapidement commenté l'ambassadeur russe à l'ONU, Vassili Nebenzia, déplorant toutefois l'absence de référence « aux racines » du conflit.

Les Européens, désarçonnés par l'ouverture du dialogue américano-russe sur l'Ukraine, n'avaient pas réagi samedi matin à la proposition américaine.

« Nous n'avons pas de commentaire pour l'instant », a simplement indiqué l'ambassadeur français à l'ONU Nicolas de Rivière, alors que l'Assemblée générale doit se réunir lundi.

Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE, mais aussi à un mépris pour les principes fondamentaux du droit international », a déclaré à l'AFP Richard Gowan, de l'International Crisis Group.

L'Assemblée générale de l'ONU se réunit lundi pour marquer le troisième anniversaire de l'invasion russe de l'Ukraine.

À cette occasion, l'Ukraine et les Européens ont préparé un projet de résolution qui souligne la nécessité de « redoubler » d'efforts diplomatiques pour mettre fin à la guerre « cette année », et prend note des initiatives de plusieurs États membres ayant présenté « leur vision pour un accord de paix complet et durable ».

Le texte réitère également les précédentes demandes de l'Assemblée générale, appelant à un retrait immédiat et inconditionnel des troupes russes d'Ukraine ainsi qu'à la cessation des attaques de la Russie contre l'Ukraine.

Ces précédents votes avaient rassemblé plus de 140 voix sur les 193 États membres.

Les nouvelles salves de M. Trump contre M. Zelensky interviennent alors que la visite de l'émissaire du président américain, Keith Kellogg, semblait avoir apaisé la situation. Ces nouvelles attaques de M. Trump contre M. Zelensky font suite à des premières invectives virulentes plus tôt dans la semaine, qui avaient suscité une vive réaction de la part de Kiev et la stupéfaction de ses alliés européens.

M. Zelensky avait déclaré avoir eu des échanges « productifs » avec M. Kellogg, et ce dernier l'avait qualifié de « dirigeant courageux et assiégé d'une nation en guerre ».

Vendredi, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a réaffirmé que le président Vladimir Poutine était « ouvert » à des pourparlers de paix.

La Russie exige notamment que l'Ukraine lui cède quatre régions ukrainiennes, en plus de la Crimée qu'elle a annexée en 2014, et qu'elle n'adhère jamais à l'Otan. Des conditions jugées inacceptables par les autorités ukrainiennes qui demandent à leurs alliés des garanties de sécurité solides.

M. Trump et ses collaborateurs ont jugé « irréaliste » l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan et son ambition de reprendre ses territoires perdus à la Russie.

Sur le terrain, la situation reste difficile pour les troupes ukrainiennes. L'armée russe a revendiqué vendredi la prise de deux localités dans l'est de l'Ukraine.


60 ans après, l'assassinat de Malcolm X continue de secouer l'Amérique

L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
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  • Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ».
  • « Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

NEW-YORK : Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ». C'est ce que rappelle le Shabazz Center, le mémorial et centre éducatif installé dans l'ancienne salle de bal de Harlem où il a été abattu à 39 ans, au faîte de son influence, et ce quelques mois seulement après l'abolition de la ségrégation raciale.

Qui a commandité le meurtre ? Comment le drame a-t-il pu survenir en pleine réunion publique, alors que les menaces pesant sur le militant, porte-voix de la « Nation of Islam » puis de l'abolition des discriminations, étaient connues des autorités ?

Pour obtenir des réponses, sa famille a engagé en novembre 2024 des poursuites au civil spectaculaires, réclamant 100 millions de dollars aux forces de l'ordre et aux agences fédérales qu'elle accuse, selon elle, d'avoir joué un rôle à divers degrés dans son assassinat.

Dans ce dossier qui doit entrer dans le vif du sujet début mars devant un tribunal de Manhattan, la famille assure disposer d'éléments nouveaux lui permettant d'assigner en justice la police de New York (NYPD), le FBI ou encore la CIA.

« Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

- « Qui a donné l'ordre ? » -

Selon l'assignation en justice, la famille du leader afro-américain, également connu sous le nom d'El-Hajj Malik El-Shabazz, estime que les forces de l'ordre et les services de renseignement américains ont sciemment désengagé les policiers dont la mission était de le protéger la nuit du drame.

Des agents en civil ne sont pas non plus intervenus au moment des faits et, depuis sa mort, les agences de renseignement s'emploieraient à dissimuler leurs agissements, selon la plainte.

Contactée par l'AFP, la police de New York n'a pas souhaité s'exprimer pour l'instant.

« Cette dissimulation a duré des décennies, privant la famille Shabazz de la vérité et de leur droit à obtenir justice », estime auprès de l'AFP Me Ben Crump, qui défend le dossier pour les filles de Malcolm X.

« Nous écrivons l'histoire en nous dressant ici face à ces torts et en demandant des comptes devant les tribunaux », se félicite le conseil, qui a demandé vendredi la « déclassification de documents » liés à ce dossier.

L'affaire avait déjà rebondi en 2021, lorsque deux des trois anciens hommes reconnus coupables de l'assassinat et ayant passé plus de vingt ans derrière les barreaux ont finalement été innocentés, ce qui constitue l'une des plus grandes erreurs judiciaires des États-Unis. En réparation, les deux Afro-Américains ont touché 36 millions de dollars de la part de la ville et de l'État de New York.

« On sait déjà assez précisément comment l'assassinat de Malcolm X s'est déroulé. On sait qui en est responsable : cinq membres de la Nation of Islam. La seule chose qu'on ignore, c'est qui a donné l'ordre », observe Abdur-Rahman Muhammad, historien et spécialiste reconnu du dossier, dont les travaux pendant des décennies ont contribué à disculper les deux accusés à tort.

Selon lui, les éléments mis en avant aujourd'hui par la famille de Malcolm X sont « peu crédibles ».

Il concède toutefois que « si la plainte permet de déterminer qui a donné l'ordre final, alors elle aura de la valeur ».

Cet énième rebondissement aura au moins permis de remettre en avant « l'héritage » de Malcolm X, plus important que jamais sous le second mandat de Donald Trump, « ennemi implacable » de la communauté noire, affirme l'historien.

« Cela va inciter les Afro-Américains à se serrer les coudes », anticipe Abdur-Rahman Muhammad. « En résumé, la communauté noire doit revenir au message de Malcolm : lutter. »