Les chances de parvenir à un accord nucléaire s’amenuisent

Une photo montre un drapeau iranien dans la centrale nucléaire de Bushehr (Photo, AFP).
Une photo montre un drapeau iranien dans la centrale nucléaire de Bushehr (Photo, AFP).
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Publié le Lundi 06 juin 2022

Les chances de parvenir à un accord nucléaire s’amenuisent

Les chances de parvenir à un accord nucléaire s’amenuisent
  • Le régime iranien a imposé la demande de retrait du CGRI [de la liste des organisations terroristes] lors des négociations à Vienne
  • L'administration Biden se prépare activement à l'éventualité d'un échec des pourparlers de Vienne et d'un arrêt définitif de l'accord

Les chances de relancer l'accord sur le nucléaire iranien s'amenuisent au vu des derniers développements. La Maison Blanche a récemment annoncé qu'elle imposait de nouvelles sanctions à un réseau iranien de contrebande de pétrole et de blanchiment d'argent composé de dix individus et de neuf sociétés dans plusieurs pays différents. Les responsables américains ont précisément indiqué que les opérations du réseau étaient dirigées par le Corps des Gardiens de la révolution islamique (CGRI) du régime.

Dans la mesure où elles visent le CGRI, les nouvelles sanctions reflètent sans doute l'intention de l'administration du président Joe Biden de maintenir ou d'étendre toutes les pressions existantes. L'administration a déjà fait l'objet de critiques de la part de divers alliés étrangers et législateurs américains, y compris certains membres du parti politique du président, pour avoir refusé d'exclure la possibilité de retirer le CGRI de la liste des organisations terroristes étrangères du département d'État.

Ce mois-ci, le Canada a également annulé un match amical de football prévu avec l'équipe nationale iranienne à la suite d'un torrent de critiques publiques qui réclamaient que Téhéran soit tenu responsable de l'attentat commis par le CGRI contre un avion de ligne en janvier 2020, qui a entraîné la mort des 176 voyageurs, dont 90 étaient des citoyens et résidents canadiens.

Le régime iranien a imposé la demande de retrait du CGRI [de la liste des organisations terroristes] lors des négociations à Vienne destinées à rétablir l'accord de 2015 sur le nucléaire iranien, officiellement connu sous le nom de Plan d'action global conjoint (PAGC).

Téhéran semblait encore plus déterminé en mars, après que les négociations ont été interrompues à la suite de demandes russes selon lesquelles les nouvelles sanctions imposées à Moscou n'interféreraient pas avec l'expansion potentielle des relations commerciales russes avec l'Iran. Les responsables russes ont ensuite vaguement déclaré qu'ils avaient reçu les assurances demandées, mais la même interruption persiste à ce jour, et les négociateurs iraniens affirment qu'ils ne retourneront à Vienne que pour signer un accord qui témoigne de la capitulation américaine face à la demande de retrait du CGRI de la liste.

Cette perspective a perdu de son ampleur depuis lors, et il semble que les négociations de Vienne et le PAGC soient effectivement morts, bien que les gouvernements participants refusent de l'admettre. Néanmoins, certains responsables américains et européens semblent moins optimistes et commencent à reconnaître qu'il est devenu très peu probable – mais pas impossible – de surmonter l'impasse actuelle.

Cela a paru d’autant plus vrai lorsque Rob Malley, l'émissaire spécial du département d'État pour l'Iran, s'est présenté à une audience de la commission sénatoriale des affaires étrangères et a répondu aux questions de législateurs qui sont sceptiques quant à l'accord nucléaire depuis des mois, voire des années. Le sénateur démocrate Bob Menendez, président de la commission, a affirmé que la «réalité devenait de plus en plus évidente»: il n'y a pas de retour imminent à un accord «non conforme aux intérêts stratégiques des États-Unis». Malley a lui-même précisé que la perspective d'une remise en œuvre du PAGC était «précaire» et que l'administration Biden se préparait activement à l'éventualité d'un échec des pourparlers de Vienne et d'un arrêt définitif de l'accord.

Il semble que les négociations de Vienne et le PAGC soient effectivement morts, bien que les gouvernements participants refusent de l'admettre.

Le Dr Majid Rafizadeh

Par ailleurs, les dernières évaluations de l'Agence internationale de l'énergie atomique indiquent que l'Iran a stocké 90 livres d'uranium enrichi à 60%, et qu'il refuse toujours de participer aux enquêtes portant sur l'origine et le statut du matériel nucléaire qui s'est avéré être présent dans trois sites nucléaires non déclarés, dont la base militaire de Parchin qui a refait la une des journaux internationaux la semaine dernière lorsqu'un «accident» survenu dans une unité de recherche de la défense a causé la mort d'un ingénieur.

L'incident pourrait soulever de nouvelles questions parmi les décideurs occidentaux quant à la nature des projets militaires actuellement poursuivis dans le pays, ainsi qu'aux limites qui seraient imposées à la surveillance de ces projets même si le JCPOA était remis en œuvre. En ce qui concerne les sanctions récemment annoncées, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Saeed Khatibzadeh, a souligné l'intention du régime de continuer à étendre ses activités dans la région. Une grande partie de l'influence de Téhéran est exercée par l'intermédiaire de militants chiites que le CGRI aide à créer et à financer dans des pays tels que le Liban, l'Irak, la Syrie et le Yémen.

Téhéran dépeint toujours les sanctions américaines comme une agression contre le peuple iranien, bien que ces sanctions prévoient des exemptions pour le commerce de biens humanitaires comme les denrées alimentaires et les médicaments de première nécessité.

Le discours du régime semble avoir été rejeté par la population au cours de plusieurs soulèvements antigouvernementaux récents, dont un qui se poursuit depuis que les prix des denrées alimentaires ont bondi de 400% au début du mois de mai. Parmi les slogans qui caractérisent ces soulèvements figure un chant qui dit que les ennemis du peuple iranien font partie du régime clérical et que «ce n’est pas l’Amérique».

Le Conseil national de la résistance iranienne (CNRI), principal groupe d'opposition, a ouvertement adopté la notion d'élargissement des sanctions à l'encontre du régime iranien, estimant qu'un afflux de capitaux étrangers dans le pays ne toucherait pas le grand public.

Cela dit, les chances de parvenir à un accord nucléaire avec le régime iranien s'amenuisent réellement.

 

Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain diplplômé de Harvard.

Twitter : @Dr_Rafizadeh

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com