PARIS : «Main d'œuvre au rabais» ou déclic pour son orientation? Le stage en entreprise des étudiants se généralise dans nombre de cursus, mais les conditions de travail et d'encadrement sont l'objet de critiques.
En 2020, près de 225.000 étudiants ont débuté un stage d'une durée d'au moins deux mois, selon la Direction des statistiques du ministère du Travail (Dares).
Si le stage devient la norme dans plusieurs cursus (comme en droit, en management ou dans la santé), c'est parce qu'il entre «dans l'injonction à professionnaliser ses études», dit Claire Bonnard, maître de conférences à l'Université de Bourgogne. «Les étudiants sont incités de plus en plus tôt à faire des stages pour se démarquer sur le marché du travail».
De retour à l'école, la majorité des stagiaires est satisfaite de son expérience, selon une enquête menée au second semestre 2019 auprès d'un millier d'étudiants en licence par l'Institut de recherche sur l'éducation (Iredu), rattaché à l'Université de Bourgogne.
Dans ce sondage, «61% des étudiants se disent très satisfaits de leur stage, et 20% des jeunes considèrent que le stage a eu un effet sur leur insertion professionnelle», indique Jean-François Giret, maître de conférences à cette même université.
Parmi les critères faisant d'un stage une réussite, le chercheur cite «le stage où l'étudiant est intégré dans l'entreprise, et celui où il utilise ce qu'il a appris en cours».
- Les jobs et les cours -
Mais en entreprise, certains tuteurs chargent de travail les stagiaires, qui n'ont ni les compétences ni la rémunération allant de pair, comme en témoigne l'interview diffusée début mai de Claire Despagne, fondatrice d'une marque de compléments alimentaires.
Dans le podcast «Liberté d'entreprendre», l'entrepreneuse a ironisé sur la difficulté de trouver des stagiaires prêts à travailler plus de 35 heures par semaine, des propos raillés sur les réseaux sociaux.
«Le stage reste une expérience professionnelle temporaire, pas un salariat», avertit Yves Calvez, chargé de la formation professionnelle pour le syndicat étudiant Fage. Les jeunes ont une vie à côté, comme des jobs ou des cours».
Entre les études et les impératifs financiers, les étudiants doivent parfois fournir un effort supplémentaire pour faire un stage et ajouter une ligne sur leur CV.
D'autant que la gratification est inférieure à celle d'un petit boulot. D'après le code de l'éducation, les entreprises ne sont tenues de rémunérer leurs stagiaires qu'à partir du deuxième mois, pour un minimum de 3,90 euros de l'heure.
Or, «les stagiaires sont logés à la même enseigne que les salariés de l'entreprise», tacle Imane Ouelhadj, présidente de l'Unef, qui regrette que les stagiaires passent pour de la «main d’œuvre pas chère» pour certaines boîtes.
- Pas le temps -
C'est ce que Hugo a ressenti pendant son stage de fin d'études en management. Son contrat dans une start-up parisienne lui promettait une immersion «enrichissante» dans les ressources humaines. Sur place, l'étudiant déchante: «Je n'ai fait que du standard téléphonique.»
Puis les responsabilités de Hugo sont montées en grade, sans qu'il n'en ait les compétences: «On m'a même demandé de recruter mon successeur», s'étonne encore l'étudiant de 24 ans. Le code de l'éducation interdit pourtant de confier des responsabilités à des stagiaires. Hugo a préféré «écourter» son contrat au bout de deux mois. Soit le minimum pour valider son diplôme.
A qui la faute? Pour l'Iredu et les syndicats étudiants, les entorses au Code de l'éducation sont dues au manque de formation des tuteurs en entreprise, qui n'ont pas toujours le temps ou l'habitude de suivre les stagiaires.
Dans certains secteurs, «le rôle du tuteur, dans sa dimension professionnelle, n'est pas forcément bien défini», pointe Jean-François Giret. Si le stagiaire est livré à lui-même, «ça peut suffire pour acquérir des +soft skills+ (savoir-être en entreprise), mais l'acquis purement technique sera moindre, ajoute-t-il.