BEYROUTH: Réputé pour sa ruse politique, Nabih Berri, un allié du mouvement chiite Hezbollah, a été réélu mardi pour un septième mandat consécutif à la tête du Parlement libanais, malgré la grogne contre la classe politique inchangée depuis des décennies.
Présidant l'Assemblée depuis 1992, M. Berri, 84 ans, détient l'un des records de longévité à ce poste dans le monde et s'est imposé comme une figure incontournable de la vie politique libanaise, en dépit des changements majeurs depuis la fin de la guerre civile (1975-1990).
« Il n'y a personne d'autre (...) qui puisse jouer le rôle qu'il joue », a déclaré Elie Ferzli, l'ancien vice-Président du Parlement.
M. Berri a été reconduit mardi pour quatre ans avec 65 voix (sur 128), bien que le Hezbollah et ses alliés aient perdu la majorité au Parlement lors de législatives marquées par une percée des candidats indépendants.
Grand de taille, le verbe haut, connu pour ses boutades y compris en pleine séance, M. Berri a fait son entrée en politique en rejoignant dans les années 1970 Amal, mouvement dit des « déshérités » fondé par l'imam chiite charismatique Moussa Sadr.
Avec le Hezbollah, ce mouvement forme un puissant « tandem chiite » ayant raflé lors des élections du 15 mai tous les 27 sièges dévolus à cette communauté au sein de l'Assemblée, dans un pays régi par un complexe partage du pouvoir entre les différentes sectes.
Ex-seigneur de la guerre
Comme beaucoup de Libanais originaires du sud du pays, les parents de Nabih Berri ont émigré en Afrique à la recherche d'opportunités de travail.
Sa famille s'est installée au Sierra Leone, où il est né le 28 janvier 1938. C'est dans ce pays qu'il a rencontré Jamil Said Mohammed, surnommé « le roi du diamant ».
M. Berri aurait fait fortune aux côtés de M. Mohammed, qui bénéficiait de pouvoirs quasi-présidentiels dans son pays, selon un rapport publié en 2002 par la diplomate Sierra Léonaise Lansana Gberie.
Considéré comme l'un des Libanais les plus puissants d'Afrique, M. Mohamed n'hésitait pas à influencer les décisions ministérielles et à commettre des infractions dans le secteur financier.
Au Liban, Nabih Berri obtient un diplôme de droit de l'Université libanaise en 1963 et une maîtrise en droit de l'Université de la Sorbonne à Paris.
En 1980, deux ans après la mystérieuse disparition de l'imam Moussa Sadr, M. Berri prend la tête d'Amal, dans un Liban en pleine guerre civile, devenant l'un des principaux artisans de la politique syrienne dans le pays.
Ancien seigneur de guerre, cet homme à la verve intarissable, fut d'abord nommé ministre, à cinq reprises, entre 1984 et 1992 avant d'être élu député et président du Parlement, poste qui revient traditionnellement aux chiites et qu'il occupe depuis.
Point de contact
Pendant la sanglante « guerre des camps » palestiniens (1985-1988), ses miliciens ont croisé le fer avec les partisans de Yasser Arafat, chef de l'OLP et ennemi juré de la Syrie.
Ses troupes ont également combattu, aux côtés du Hezbollah, contre l'occupation israélienne, jusqu'à son retrait du sud du Liban en 2000.
Au fil des années, il est devenu le principal point de contact pour les pays occidentaux qui ne peuvent pas tenir publiquement de réunions avec le Hezbollah, considéré comme un groupe terroriste par de nombreux Etats, y compris les États-Unis.
Ses détracteurs l'accusent de s'être enrichi aux dépens de l'Etat libanais et d'avoir pratiqué largement le clientélisme, mais ses collaborateurs affirment que sa fortune provient de sa famille et d'investissements au Liban.
Selon un câble diplomatique de l'ambassade américaine au Liban, divulgué en 2009, sa fortune était évaluée à environ 2 milliards de dollars (1,8 milliards d'euros) en 2006.
Passionné de natation, de billard et de poésie, il est père de neuf enfants, dont six d'un premier mariage.