BAKOU, Azerbaïdjan : A la vitesse de l'éclair les drones s'élèvent puis plongent en piqué dans le ciel de Bakou, applaudis par une foule aux anges.
La Turquie exhibe cette semaine chez son allié régional, l'Azerbaidjan, ses drones de combat qui ont assis leur réputation sur plusieurs terrains de conflit, tout particulièrement en Ukraine où une chanson leur a été dédiée.
Le salon de l'aérospatiale et de la technologie «Teknofest», organisé depuis 2018 en Turquie, se tient cette année dans la capitale de l'Azerbaïdjan, signe des liens solides entre les deux pays.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan s'y rendra d'ailleurs samedi.
Mercredi, son gendre, Selcuk Bayraktar, directeur technique de la société Baykar, conceptrice des drones de combat TB2, a survolé Bakou à bord d'un Mikoyan MiG-29 de l'armée de l'air azerbaïdjanaise.
La vidéo le montrant en combinaison de pilote frappée des drapeaux turc et azerbaïdjanais aux commandes du jet, escorté par un de ses drones, modèle Akinci, est devenue virale sur les réseaux sociaux en Turquie.
En 2019, les drones turcs avaient sauvé le gouvernement légal en Libye des offensives du maréchal Haftar en Libye, avant de s'avérer décisifs pour l'Azerbaïdjan fin 2020 au Nagorny-Karabakh, face à l'Arménie.
En Irak et en Syrie, Ankara les utilise contre les forces syriennes - soutenues par Moscou - à Idleb (nord-ouest) et contre le groupe Etat islamique (EI) et les combattants kurdes du PKK.
Les embargos imposés par les alliés de l'Otan à la Turquie, dont les États-Unis, ont poussé Ankara «à prendre son destin en main», explique un haut-responsable de l'industrie de la défense turque présent à Bakou.
- «Précision et létalité» -
La Turquie a ainsi cherché à moderniser son armée de l'air après avoir été exclue du programme d'avions de chasse américains F-35, conséquence de l'achat par Ankara du système anti-missile russe S-400, perçu comme une menace pour le F-35.
En avril, l'administration américaine a déclaré que fournir à la Turquie des avions de chasse F-16 servirait les intérêts stratégiques de Washington.
«Les drones turcs tels que les Bayraktar TB2 sont de plus en plus répandus et de plus en plus importants dans les conflits modernes», relève Michael Boyle, spécialiste des drones à l'université Rutgers (Etats-Unis).
Longtemps, les principaux pays exportateurs de drones, comme les États-Unis et Israël, ont limité le nombre de pays auxquels ils les vendaient, ainsi que les modèles qu'ils étaient prêts à commercialiser, rappelle M. Boyle.
«Cela a créé un appel d'air que d'autres pays, dont la Turquie et la Chine, ont voulu combler.»
La Turquie investit dans l'industrie de la défense depuis les années 2000, mais le tournant date de 2014, avec de lourds investissements dans les technologies avancées et le passage à l'utilisation de produits fabriqués localement, souligne le haut-responsable turc.
Les exportations turques de technologies de défense, inférieures à 250 millions de dollars début 2000, ont dépassé les 3 milliards de dollars en 2021 et devraient atteindre 4 milliards de dollars en 2022, estime cette même source.
Aujourd'hui, la Turquie exporte ses drones relativement bon marché vers plus de 25 pays, en Afrique notamment.
Admiratif, un concurrent occidental estimait au début du conflit en Ukraine qu'avec ses drones, la Turquie a «réinventé la +kalach+ du 21e siècle» - référence à l'universel fusil d'assaut AK47, bon marché et facile d'emploi.
«Ces drones peuvent être utilisés pour des frappes directes, en particulier contre des insurgés ou des groupes terroristes, mais aussi comme outil de reconnaissance de champs de bataille afin d'accroître la précision et la létalité des frappes», détaille Michael Boyle.
«Ils sont un catalyseur des forces terrestres, ce qui les rend particulièrement utiles pour les pays.»