DUBAÏ: L’illustratrice libanaise présente son dernier dessin numérique, qui rend hommage à la journaliste américano-palestinienne Shireen Abu Akleh, tuée à Jénine au début du mois.
Lorsque j’ai appris la nouvelle du décès de Shireen Abu Akleh, j’étais au Portugal avec mes parents pour des vacances de trois jours. J’ai vu quelques messages sur les réseaux sociaux, mais je ne comprenais pas très bien ce qui se passait, alors j’ai effectué une recherche sur Google et j’ai lu quelques articles très courts, alors que la nouvelle commençait à circuler. Je suis retournée sur les réseaux sociaux et mes amis palestiniens publiaient de plus en plus d’informations à ce sujet.
C’était un vrai choc. J’ai senti que je devais retourner à l’hôtel et la dessiner pour lui rendre hommage. La fait de la voir étendue sur le sol était vraiment intense et j’ai été profondément perturbée pendant un moment. Il m’a fallu du temps pour comprendre ce qui se passait. J’ai l’impression qu’elle a beaucoup donné au monde: elle a fait des reportages pendant tant d’années et elle était la voix du peuple, risquant sa vie presque tous les jours.
L’illustration me permet de communiquer mes pensées et mes sentiments plus clairement. La plupart de mes œuvres sont des illustrations numériques et j’utilise un iPad. Mes doigts bougeaient si vite, presque avec rage, mais j’ai dû m'arrêter pour transmettre une émotion plus douce. Je devais exprimer mon appréciation et mon admiration pour qui elle était. Je voulais que cela se traduise dans l’œuvre, et non que ce soit une œuvre pleine de colère.
C’était une personne très douce et gentille et je pense que cela explique pourquoi elle a un halo autour de la tête. Au début, je voulais que les fleurs soient colorées, puis j’ai voulu qu’elles soient plus discrètes, qu’elles soient blanches et très paisibles. Elle avait un visage angélique et était gracieuse jusqu’à la fin de sa vie, et je voulais que cela soit mis en évidence dans l’illustration.
Elle portait un gilet pare-balles siglé «presse» lorsqu’elle a été abattue, et une partie de moi voulait rappeler non seulement le travail qu’elle a accompli jusqu’à son dernier souffle, mais aussi le fait qu’elle a été attaquée et que cela a blessé beaucoup de gens.
Quant aux yeux blancs et vides, ils peuvent être dérangeants pour certains, mais pour moi ils sont apaisants. Ils servent à rappeler aux gens que, oui, il y a un être humain derrière cette personne, mais il y a aussi une âme.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com