MARRAKECH : La plus grande arène du cinéma international au Maroc a lieu tous les ans, au Palais des congrès de Marrakech, au début du mois de novembre. À la suite de la crise de la Covid-19, la direction du festival réfléchit encore à un éventuel report de l’édition 2020, à son annulation ou à son maintien sous une forme alternative.
Tapis rouge, compétition de premiers et seconds films, sections parallèles, avant-premières, master class, soirées gala, le Festival international du film de Marrakech est devenu le rendez-vous du cinéma national et international. Des festivals comme Cannes, Annecy ou encore Locarno ont annoncé l’annulation des événements et leur report à l’année prochaine alors que d’autres, comme le Krakow Film Festival en Pologne, ont décidé de faire une édition digitale à distance. Le Festival international du film francophone de Namur a promis une édition uniquement belge, voire européenne, limitée à un certain nombre de personnes. Sous quelle forme le Festival de Marrakech pourrait avoir lieu et dans quelles conditions ? « Nous ne pouvons pas nous prononcer pour le moment » a signalé Sarim Fassi Fihri, directeur du Centre cinématographique marocain et vice-président de la fondation du festival. Le comité d’organisation ne peut se prononcer, pour l’heure, sur l’avenir du festival.
Entre rêves et réalités
« J’ai deux sentiments contradictoires par rapport au festival de Marrakech cette année… Je suis à la fois très impatiente à l’idée d’un événement qui nous sorte de notre marasme que la crise provoque après quatre mois d’enfermement ; je suis sûre que nous sommes nombreux à ressentir cela... Nous avons hâte de participer à un festival pour nous immerger de nouveau dans le milieu et échanger avec les gens du métier sur la situation. La création et la bonne humeur sont contagieuses et un festival constitue souvent le lieu idéal pour cela » explique Lamia Chraibi, productrice et habituée du festival, puisque les films qu’elle produit sont souvent en compétition ou en lice dans des sections parallèles.
« C’est aussi une arène où l’on choisit des projets à développer, où l’on prend des décisions de coproduction sur nos projets, de ventes de nos projets... on doit garder la foi, même si la période complique les choses. L’enthousiasme et le plaisir du métier sont communicatifs et on en a besoin », poursuit Lamia Chraibi, qui reste néanmoins réaliste. « D’un autre côté, si je dois être sincère, nous naviguons à vue d’une manière générale, avec une incertitude totale sur la reprise ou l’éventualité d’un autre confinement… Organiser un festival, c’est beaucoup d’anticipation et de travail de préparation, je ne suis pas certaine que ce soit envisageable. »
Un collaborateur du festival, qui travaille dans la partie production et logistique de l’événement et qui souhaite conserver l’anonymat, est plus pessimiste. Pour lui, il sear compliqué de préserver l’événement, dans la mesure où les sponsors ne peuvent pas s’engager après une telle crise, et que les hôtels ne peuvent pas se permettre d’héberger les équipes après autant de mois de confinement. « Cela me parait bien compliqué, hélas. »
Cependant, les artistes demeurent optimistes. « Nous sommes des gens qui créons des rêves auxquels nous croyons et c'est ce qui fait de nous des cinéastes. Le Festival international du film de Marrakech (FIFM) est un lieu de rencontre annuel où nos rêves fixés sur des supports numériques se croisent et se projettent sur un grand écran. Des rêves autour desquels des grands débats se créent. Rien que pour cette raison, je ne me contente pas de me demander si ce festival devrait avoir lieu ou non, mais je souhaiter seulement, je rêver qu’il se déroule, certes dans des conditions difficiles », confie Mohamed Mouftakir, cinéaste et réalisateur de Pégase, et de L’Orchestre des aveugles (en compétition au FIFM) ainsi que de L’Automne des Pommiers.
« C'est le cinéaste que je suis qui le dit, le pense, le souhaite et le rêve ! Mais d'autres facteurs dépassent de loin nos rêves, nos pensées et nos souhaits, et relèvent d'un autre domaine dont nous ne détenons ni les secrets ni les rouages. Le monde vit un grand bouleversement dont nous ne pouvons prédire ni le début ni la fin… Cela ne nous empêchera pas de continuer de penser, de rêver et de souhaiter que ces rencontres ne disparaissent subitement après que des liens si solides, si étroits se sont tissés au fil de ces vingt dernières années. » Selon l’organisation, le sort du festival se décidera dans les semaines à venir…