BEYROUTH : Les Libanais se sont rendus dimanche aux urnes pour élire un nouveau Parlement, dans un contexte d'effondrement économique qui bouleverse le pays.
Des forces armées ont été déployées sur les routes qui mènent aux bureaux de vote.
Des observateurs arabes et étrangers ont fait le tour des bureaux de vote pour surveiller le processus électoral mais ont refusé de se prononcer et ont précisé que leurs observations seraient incluses dans un rapport.
L'Association libanaise pour les élections démocratiques a signalé des dizaines de violations, dont la soumission de représentants à des «pressions, des harcèlements» et des menaces d'expulsion.
L'Association a critiqué «l'incapacité des greffiers adjoints à remplir leurs tâches, ce qui entraîne l'annulation des votes.»
La Commission de surveillance des élections a noté «des centaines d'irrégularités résultant de la violation du silence électoral.»
L'Association, qui a également observé des irrégularités, a accusé «des candidats et des politiciens, y compris le président Michel Aoun», d'avoir commis des infractions.
Aoun et son épouse ont voté dans la ville natale du président, dans la banlieue sud de Beyrouth.
Il a exhorté les électeurs à ne pas se montrer «impartiaux face à une question aussi importante que celle de l'élection du nouveau gouvernement.»
Des politiciens et des membres du clergé, certains accompagnés de leurs enfants, ont voté devant les caméras, en tenue décontractée.
En cette longue journée électorale, les tensions ont atteint leur apogée pendant les dernières heures précédant la fermeture des bureaux de vote, surtout dans les zones où le Hezbollah a une forte présence.
La ville de Fneideq à Akkar a connu de violentes confrontations qui ont nécessité l'intervention rapide de l'armée libanaise et des forces de sécurité intérieure.
Malgré la forte polarisation qui a précédé les élections, le taux de participation était d'environ 25,6 % à 15 heures dans tout le Liban, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur.
Le taux de participation le plus élevé a été enregistré à Jbeil-Kesserwan, où il a atteint 42%.
Cependant, il n'a pas franchi la barre des 22% dans la circonscription de Beyrouth II, des 17% dans la circonscription de Beyrouth I et des 12% à Tripoli.
Les citoyens élisent 128 nouveaux députés au Parlement. Dans certaines régions où la compétition fait rage, les électeurs sont divisés en raison des nombreuses listes concurrentes, notamment à Beyrouth et dans le nord.
Le taux de participation a été important dans les endroits où les machines électorales des partis étaient actives et efficaces.
Les partis et certaines institutions électorales ont invité certains à voter tôt, mais ont demandé à d'autres de voter dans l'après-midi, avant la fermeture des urnes à 19 heures, après avoir examiné l'orientation des électeurs pendant la journée.
Ces pratiques consistaient également à offrir de l'argent aux électeurs.
Un responsable de l'une des machines électorales d'une liste de la contestation à Beyrouth a indiqué à Arab News que «le Hezbollah, le Mouvement Amal et l'Association des projets de bienfaisance islamiques (Al-Ahbash) étaient plus organisés que les autres.»
D'après les observations d'Arab News à Beyrouth, les représentants de certaines listes étaient complètement absents dans certains bureaux de vote, alors que ceux des listes de partis étaient présents.
Les électeurs sunnites de Beyrouth ont renoncé au boycott qu'ils avaient prévu à la suite de la décision de Saad Hariri – ancien Premier ministre et chef du Courant du Futur – de suspendre son activité politique.
Interrogée par Arab News, Neamat Naoum, une électrice, a dit: «Il fallait que je vote. J'ai voté pour l'intérêt des autres. Avant, j'avais l'habitude de voter pour Saad Hariri et avant lui, pour son père. Mais Saad a beaucoup négocié et a cédé, et ce sont les mafias qui nous contrôlent maintenant.»
«Pourquoi a-t-il fait cela ? Nous ne sommes pas contre lui mais nous nous projetons dans l'avenir. J'espère que ceux pour qui j'ai voté seront meilleurs. Je ne sais pas», a-t-elle poursuivi.
Bilal Haykal, accompagné de son fils Yehia au bureau de vote Khaled ben al-Walid dans la circonscription de Beyrouth II, a révélé qu'il avait d'abord décidé de boycotter entièrement les élections.
«Toutefois, lorsque le Dar al-Fatwa a appelé les gens à voter, j'ai décidé d'exercer mon droit constitutionnel. J'ai voté pour les candidats appelant au changement après avoir examiné leur dossier», a-t-il ajouté.
«Je ne veux pas voter pour le Hezbollah et ses alliés, afin qu'ils ne contrôlent pas les décisions du pays, sachant qu'en politique, il n'y a pas de noir et de blanc. C'est ainsi que fonctionne le pays.»
Le nombre d'électeurs dans la circonscription de Beyrouth II a atteint environ 370 000. Ils ont voté pour élire 11 députés sur 118 candidats répartis entre 10 listes concurrentes dont certaines étaient complètes et d'autres non.
Selon l'Association libanaise pour les élections démocratiques, «des chants pro-Hezbollah prononcés devant et à l'intérieur du bureau de vote du Lycée Abdel Kader à Beyrouth ont affecté le taux de participation».
Dans la circonscription de Beyrouth I, environ 135 000 personnes ont voté pour élire huit députés.
Le vote dans cette circonscription a été perçu comme un moyen de se venger de la classe dirigeante, la zone ayant été la plus sévèrement touchée par l'explosion du port de Beyrouth il y a deux ans.
De nombreux électeurs ont ouvertement affirmé qu'«ils ne rééliraient pas leurs tueurs.»
Trente-neuf candidats se sont affrontés dans la circonscription, où la lutte a principalement opposé le Courant patriotique libre, les Forces libanaises et le parti des Phalanges (Kataëb).
À Tripoli, 11 listes étaient en lice pour huit sièges parlementaires. Le nombre d'électeurs a atteint 438 254.
À Jbeil, les gens se sont rendus aux urnes pour élire deux députés maronites et un député chiite parmi 21 candidats.
La compétition était serrée parce que l’on se demandait si l'élu serait un député affilié au Hezbollah ou un député chiite opposé au parti.
Le Dr Mahmoud Awad, candidat de la liste des Forces libanaises, a été victime d'une agression physique, selon une déclaration de son parti.
«Des membres du Hezbollah ont harcelé les représentants des Forces libanaises dans l'un des centres, ce qui a entraîné l'intervention des forces armées ainsi que l'expulsion des agresseurs et des représentants du centre», indique le communiqué.
Les représentants des Forces libanaises ont été harcelés à Jezzine par des membres du Hezbollah et du mouvement Amal, même à l'intérieur d'un bureau de vote.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com