COLOMBO : Le Premier ministre sri-lankais Mahinda Rajapaksa a démissionné lundi, peu après des affrontements entre ses partisans et des manifestants antigouvernementaux, qui ont fait trois morts et plus de 150 blessés.
Le Premier ministre de 76 ans a adressé sa lettre de démission à son frère cadet et président Gotabaya Rajapaksa. Son départ entraîne automatiquement la dissolution du cabinet.
"Je démissionne avec effet immédiat afin que vous puissiez nommer un gouvernement multipartite pour sortir le pays de la crise économique actuelle", a déclaré le Premier ministre dans sa lettre, dont l'AFP a pris connaissance.
Depuis des mois, l'île de 22 millions d'habitants subit de graves pénuries de produits alimentaires, de carburant et de médicaments.
Cette crise sans précédent, imputée à la pandémie de Covid-19 qui a privé le pays des devises du secteur touristique, a été aggravée par une série de mauvaises décisions politiques, selon des économistes.
Mais le plus grand parti d'opposition du pays avait déclaré avant les affrontements de lundi qu'il ne rejoindrait aucun gouvernement dirigé par un membre du clan Rajapaksa.
Des milliers de partisans de Gotabaya Rajapaksa et de son frère Mahinda, armés de bâtons et de matraques, ont attaqué lundi les manifestants qui campent devant le bureau du président depuis le 9 avril.
La police a tiré des gaz lacrymogènes et a fait usage de canons à eau après que les partisans du gouvernement eurent franchi les rangs des policiers pour détruire les campements de milliers de manifestants anti-gouvernementaux qui exigent le départ de Gotabaya Rajapaksa.
Un couvre-feu immédiat et d'une durée indéterminée a été décrété par les autorités avant d'être étendu au reste de l'île.
«Nous avons été battus»
Un peu plus tôt lundi, à Temple Tree, dans sa résidence toute proche du bureau présidentiel, Mahinda Rajapaksa avait promis de "protéger les intérêts de la nation" à quelque 3 000 de ses partisans, acheminés en bus depuis des zones rurales. En sortant, ils s'étaient attaqués aux tentes de manifestants qui réclamaient le départ du Premier ministre, et avaient incendié leurs banderoles et pancartes.
"Nous avons été battus, les médias ont été battus, les femmes et les enfants ont été battus", a déclaré à l'AFP un témoin, sous couvert de l'anonymat.
A Nittambuwa, à une cinquantaine de kilomètres au nord de la capitale, un député du parti au pouvoir, Amarakeerthi Athukorala, s'est suicidé après avoir ouvert le feu sur deux manifestants anti-gouvernementaux qui bloquaient sa voiture, a annoncé la police.
"Le député a fui la scène et s'est réfugié dans un bâtiment voisin", a déclaré un responsable de la police à l'AFP par téléphone, "des milliers de personnes ont encerclé le bâtiment et il a ensuite mis fin à ses jours avec son revolver".
Une des deux victimes, âgée de 27 ans a depuis succombé à ses blessures, et le garde du corps du député a été retrouvé mort, ajouté la police, sans autre précision.
Les Etats-Unis condamnent les violences
"Nous condamnons les violences perpétrées aujourd'hui contre des manifestants pacifiques et demandons au gouvernement de mener une enquête approfondie, y compris l'arrestation et la poursuite en justice de toute personne ayant incité à la violence", a déclaré sur Twitter, Julie Chung, l'ambassadrice des Etats-Unis en appelant au calme.
Plus 150 blessés ont été hospitalisés, a déclaré à l'AFP un porte-parole de l'hôpital de Colombo, Pushpa Soysa.
"Nous condamnons fermement les actes violents perpétrés par ceux qui incitent et participent", a déclaré sur Twitter le président Rajapaksa, "la violence ne résoudra pas les problèmes actuels".
Ces violences sont les plus graves depuis la répression d'une manifestation antigouvernementale qui avait fait un mort et 24 blessées, le 19 avril, au centre du pays.
Vendredi, le président Rajapaksa a décrété l'état d'urgence, pour la deuxième fois en cinq semaines, accordant des pouvoirs étendus aux forces de sécurité, les autorisant notamment à arrêter des suspects et à les détenir pendant de longues périodes sans supervision judiciaire. Il autorise également le déploiement de militaires pour maintenir l'ordre, en renfort de la police.
Selon les autorités, la brigade anti-émeute de l'armée a, pour la première fois, été appelée en renfort. Des soldats ont été régulièrement déployés ces dernières semaines, mais pour protéger les livraisons de carburant entre autres produits essentiels.