DUBAÏ: À une époque où le streaming musical en ligne domine, l’historien américain Andrew Simon fait partie de la vieille école. Son bureau est tapissé de livres et comprend un radiocassette rétro et une impressionnante collection de cassettes, achetées lors de ses incursions dans les kiosques égyptiens. Leur contenu est varié, allant des tubes des années 1980 de Madonna aux discours politiques de l’ancien président Gamal Abdel Nasser.
Le professeur au Dartmouth College, spécialisé dans les études du Moyen-Orient, publie un nouveau livre intitulé Media of the Masses, qui se penche la culture des cassettes dans l’Égypte moderne, pionnière de la production culturelle dans le monde arabe. L’auteur espère que son livre sera traduit en arabe et a l’intention de numériser sa collection pour la rendre accessible au public.
«N’importe qui au Moyen-Orient, ou ailleurs, pourra écouter les cassettes», déclare-t-il. «La qualité audio n’est pas aussi mauvaise qu’on pourrait le croire. On a l’impression que le son est moins filtré, plus brut et plus granuleux.»
M. Simon, qui a étudié l’arabe, a visité le Caire pour la première fois en 2007. «Dans cette ville, le son vous inonde et vous submerge», raconte-t-il à Arab News. «Le paysage sonore est tellement riche, qu’il s’agisse du bruit de la circulation ou des vidéoclips émanant des cafés-trottoirs. Mon exposition à tous ces sons, même avant la révolution de 2011, a éveillé ma curiosité pour la culture des cassettes. J’entendais des sermons islamiques, de la musique populaire chaabi, les Spice Girls et Amr Diab. J’entendais ces différents bruits autour de moi et je voulais donner un sens à tout cela.»
Dans son livre, M. Simon explore l’impact considérable des cassettes bon marché sur la société, la politique et la culture égyptiennes dans les années 1970 et 1980, l’opposant aux disques vinyles, plus coûteux.
«Pour moi, le véritable pouvoir de cette technologie est qu’elle a permis à d’innombrables personnes de passer du statut de consommateurs culturels à celui de producteurs», souligne-t-il. «Pour la première fois, n’importe qui a pu contribuer à la création de la culture, à faire circuler du contenu culturel et à défier les contrôleurs de la culture ou les autorités politiques... L’Internet est comme une itération de la cassette.»
Cette technologie revêt également un caractère émotionnel. «Ce qui m’a marqué, c’est de voir que de nombreuses personnes que j’ai rencontrées avaient conservé leurs cassettes, même si elles ne les écoutent plus nécessairement au quotidien», indique M. Simon. «Il y a tellement de souvenirs qui y sont associés.»
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com