CASABLANCA : Sans réseau, sans internet, sans plateformes aucune image des horreurs de la guerre, autres que celles filtrées par les belligérants, ne seraient accessibles au grand public. En conséquence, ni les vidéos de ces citoyens ukrainiens s’opposant aux soldats russes, ni les harangues publiées au milieu de la nuit par le président ukrainien Volodymir Zelensky, ni les exactions commises contre les soldats russes capturés aux premiers jours de l’invasion décrétée par Vladimir Poutine n’auraient fait le tour du monde. La bataille engagée sur le terrain est aussi une guerre de l’image menée, essentiellement, sur internet.
Sur le front russe
Selon la formule consacrée, un rideau de fer numérique s’est abattu sur le pays. Moscou a pris la décision de bloquer Facebook en réponse à la décision du groupe américain d'interdire la chaîne RT et le site Sputnik sur le Vieux continent. L'accès à Twitter et à Instagram est restreint, voir interdit, pour des raisons similaires. Enfin, Meta, la maison mère des deux géants du numérique californien a été classée organisation extrémiste.
La justice russe participe aussi à l’effort de guerre de l’information. Les tribunaux russes ont infligé une amende à YouTube, accusé de ne pas censurer, ce qu’elle qualifie, de «propagande» ukrainienne. Un tribunal russe a également condamné, jeudi, à une amende de 11 millions de roubles Google, pour ne pas avoir supprimé des contenus «illégaux» sur la guerre en Ukraine.
Le géant américain du numérique, s’est vu notamment reprocher la publication d’une conversation téléphonique présumée entre des militaires russes et leurs proches. Ces derniers se plaignaient de pertes conséquentes dans leurs rangs depuis le début de l’invasion.
Durcissement Hitorique
La stratégie d’indépendance du Net russe, à l’instar des dernières décisions prises par l’UE, s’est accélérée, dès 2015, avec l’obligation, pour les plateformes numériques étrangères, d’héberger sur le sol russe les données des citoyens russes.
Depuis, les géants du numérique américain dont les Gafa (Google, Apple, Facebook, Amazon) se sont exécutés. A l’exception remarquée du réseau professionnel LinkedIn, qui, depuis, a été inaccessible en Russie.
En 2016, les lois antiterroristes, ont instauré le stockage des messages et des données des utilisateurs pendant six mois, en les rendant accessibles au FSB selon nos confrères du site Ouest-France. Mais le tour de vis a été accentué en 2019 après l’adoption d’une loi fédérale mettant en place, pour les opérateurs et fournisseurs d’accès internet, des appareils de contrôles permettant au gendarme russe des télécommunications, d’avoir un droit de regard sur les données entrantes et sortantes du territoire national.
Sur le front ukrainien
Starlink service is now active in Ukraine. More terminals en route.
— Elon Musk (@elonmusk) February 26, 2022
Une armée de l'Internet, composée de volontaires, est chargée de dénoncer sur les réseaux sociaux les entreprises étrangères qui continuent à travailler en Russie.
La plupart de ces sociétés occidentales publiquement ciblées comme McDonald et Nestlé ont diminué ou carrément cessé leurs activités dans le pays.
Ces mises à l’index, selon le Wall Street Journal, sont partie intégrande d’une campagne de pression orchestrée par Mikhaïl Fedorov, 31 ans, et plus jeune ministre ukrainienne en charge de la Transformation numérique, pour dénoncer les entreprises qui continuent de faire des affaire avec le régime de Vladimir Putine.
Des dizaines de milliers de volontaires se sont joints à cet effort et les renforts sont chaque jour plus nombreux. Leurs relais se diffusent de façon capillaire et atteignent environ 100 millions d’utilisateurs à travers le monde.
Fedorov, pays, participe, en personne, à la guerre de l’information que ses troupes engagent sur le front du numérique.
Mark Zuckerberg, while you create Metaverse — Russia ruins real life in Ukraine! We ask you to ban access to @facebookapp and @instagram from Russia — as long as tanks and missiles attack our kindergartens and hospitals! @Meta.
— Mykhailo Fedorov (@FedorovMykhailo) February 27, 2022
L’objectif étant, côté russe, de soutenir le moral des troupes et de souder l’opinion publique autour de ses dirigeants ; côté ukrainien, l’on souhaite, explicitement, arrimer l’opinion mondiale et celle du peuple russe à lutte contre le régime de Vladimir Poutine et son Etat-major.