Débat d'entre-deux tours: Macron et Le Pen opposent leurs visions

Cette photo montre le plateau qui accueillera le débat de l'entre-deux-tours de la présidentielle, qui opposera Emmanuel Macron à Marine Le Pen. (Photo, AFP)
Cette photo montre le plateau qui accueillera le débat de l'entre-deux-tours de la présidentielle, qui opposera Emmanuel Macron à Marine Le Pen. (Photo, AFP)
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Publié le Jeudi 21 avril 2022

Débat d'entre-deux tours: Macron et Le Pen opposent leurs visions

  • Le débat, orchestré par Léa Salamé et Gilles Bouleau, dure 2h30 et est retransmis en direct sur TF1 et France 2
  • Il s'agit du premier débat d'Emmanuel Macron depuis son entrée en campagne

PARIS : Des millions de Français scrutent le grand débat de l'entre-deux-tours qui oppose le président candidat, Emmanuel Macron, à la candidate du Rassemblement national, Marine Le Pen.

Le débat, orchestré par Léa Salamé et Gilles Bouleau, dure 2h30 et est retransmis en direct sur TF1 et France 2. Cette confrontation finale se déroule à La Plaine-Saint-Denis, un quartier de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) proche du stade de France, au sein du plateau n°5 des studios de Lendit. Il s'agit d'un plateau de plus de 1 000 m². 

Il s'agit par ailleurs du premier débat d'Emmanuel Macron depuis son entrée en campagne. 

C'est Marine Le Pen, tirée au sort, qui entame ce débat. «Je serai la présidente du régalien, des protections collectives, des libertés, de la souveraineté et de la sécurité. La présidente du quotidien, du pouvoir d'achat, de l'école, de la santé partout et pour tous, de l'assimilation républicaine. Je serai la présidente de la concorde, de la justice, de la fraternité civile, de la paix civile» affirme-t-elle en guise d'introduction.

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Cette photo montre un écran de télévision montrant Marine Le Pen, candidate à la présidence du parti d'extrême droite français Rassemblement national (RN), lors d'un débat télévisé en direct avec le président français et candidat du parti La République en marche (LREM) à la réélection d'Emmanuel Macron. (Photo, AFP)

Pour sa part, Emmanuel Macron introduit son propos en évoquant son projet pour la France :  «Nous pouvons et nous devons rendre notre pays plus fort, nous pouvons et devons améliorer la vie du quotidien. Je crois que notre France sera plus forte si elle sait se saisir de la question écologique et devenir une grande puissance écologique».

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Cette photo montre un écran de télévision montrant le président français et candidat du parti La République en marche (LREM) à la réélection Emmanuel Macron lors d'un débat télévisé en direct avec le parti d'extrême droite français Rassemblement national (RN) candidat à la présidentielle Marine Le Pen. (Photo, AFP)

Le pouvoir d'achat

Marine Le Pen  présente trois leviers d'actions : «agir de manière pérenne et non pas avec des chèques temporaires», «défendre la valeur travail» et intervenir sur les personnes vulnérables qui ont été "particulièrement maltraitées" durant le quinquennat selon elle.

De son côtéEmmanuel Macron veut maintenir le bouclier contre la hausse des prix de l'énergie, une mesure qu'il juge «deux fois plus efficace que la baisse de la TVA» défendue par Marine Le Pen. Il affirme que cette mesure protectrice n'est pas pérenne mais bien une «mesure de crise» instaurée pour aider les Français.

Le débat se poursuit sur l’augmentation des salaires, que Marine Le Pen ambitionne de remonter de manière pérenne, alors qu’Emmanuel Macron revendique l’utilisation de prime pour le faire dans son programme. «Vous n’allez pas faire les salaires, Mme Le Pen, et vous ne ferez pas non plus des primes !», lui rétorque Emmanuel Macron.

Passe d'armes Macron-Le Pen autour du voile

Emmanuel Macron et Marine Le Pen ont eu une rude passe d'armes autour du voile et de la laïcité mercredi lors de leur débat d'entre deux tours, le chef de l'Etat accusant son adversaire de "trahir l'esprit français et de la République".

"Je suis pour l'interdiction du voile dans l'espace public, je l'ai dit de la manière la plus claire" car "le voile est un uniforme imposé par les islamistes" et "une grande partie des jeunes femmes qui le mettent ne peuvent pas faire autrement en réalité", a assuré la candidate du Rassemblement national vers la fin de ce débat.

"Il faut libérer l'ensemble de ces femmes, il faut faire reculer les islamistes et pour cela, je le crois, il faut interdire le voile dans l'espace public", a-t-elle martelé.

"Ce que vous proposez est une trahison de l'esprit français et de la République", a rétorqué M. Macron en accusant son adversaire: "vous allez créer la guerre civile si vous faites ça".

"Mme Le Pen, on parle de religion, (...) vous ne pouvez pas expliquer qu'une loi qui interdit le voile dans l'espace public est une loi contre l'islamisme radical", a lancé M. Macron. "Eh bien si", a répliqué son adversaire. "Les bras m'en tombent", a lancé Emmanuel Macron.

Politique internationale et la guerre en Ukraine

Le débat se poursuit, cette fois, c'est la politique internationale et notamment la guerre en Ukraine qui est sur la table.

«Une Europe forte est importante» a lancé Emmanuel Macron. Il estime que la France occupe une place centrale en Europe, «nous ne sommes les vassaux de personne».  Marine Le Pen a commencé par défendre ses positions sur les sanctions prises à l'Union européenne contre la Russie. Elle dit être favorable à toutes les sanctions prises, toutes sauf une : «La seule sanction contre lequel avec laquelle je suis en désaccord, c'est le blocage de l'importation du gaz et du pétrole russe. Ce n'est pas ce qui fera du mal, en réalité, à la Russie. Et surtout, cela va faire énormément de mal au peuple français. Et que les conséquences de ce blocage, auraient des conséquences cataclysmiques sur les entreprises».

Accusée de complaisance envers Vladimir Poutine, Marine Le Pen est attaquée sur ce point par Emmanuel Macron. Le président sortant a lancé à sa rivale : «Vous dépendez du pouvoir russe et du pouvoir de M. Poutine. Parce que vous avez contracté un prêt auprès d'une banque russe. Vous ne parlez pas à votre dirigeant quand vous parlez de la Russie, vous parlez à votre banquier». Cette dernière se défend en affirmant qu'elle a été obligée de contracter un prêt à l'étranger en 2015, puisque les banques françaises ne lui ont pas accordé de prêt. 

L'Union Européenne 

Sur la question de l'Europe,  Marine Le Pen défend une "Europe des Nations" et par une "primauté du droit français sur le droit européen". "Votre projet, si on le remet brique par brique, c'est un projet qui ne dit pas son nom, mais qui consiste à sortir de l'Union européenne", rétorque Emmanuel Macron avant d'ajouter, "Vous mentez sur la marchandise".

"C'est faux, tout le monde sait que ce que je souhaite, c'est l'Europe des nations (...) Vous avez une vision rabougrie de la France, la France est une puissance mondiale et non continentale", a répondu Marine Le Pen.

"Je ne souhaite pas sortir de l’Union européenne", réaffirme Marine Le Pen qui défend tout de même la primauté du droit national et la préférence nationale. "Je souhaite que la Commission européenne respecte les nations souveraines, respecte le choix des Français, y compris leurs choix de société, répond la candidate RN.

Retraites

Le débat se poursuit sur l'un des sujets récurrents de la campagne présidentielle, à savoir les retraites. "Plus on travaille tôt et plus on travaille du, plus on doit partir tôt", estime Marine Le Pen, qui juge le projet d'Emmanuel Macron de la retraite à 65 ans serait une "injustice insupportable". De son côté, la candidate RN veut accorder la retraite à 60 ans avec 40 annuités, réservée aux Français entrés dans la vie active avant l'âge de 20 ans; et la retraite entre 60,75 ans et 62 ans pour les Français entrés dans la vie active entre 20 ans et 24,5 ans, système inchangé au-delà de 25 ans.

Emmanuel Macron promet d’augmenter la pension minimale à taux plein à 1100 euros par mois, y compris pour les retraités actuels. "Ce que vous proposez n'est pas juste puisque vous proposer la même retraite pour quelqu'un qui n'a jamais travaillé de sa vie et quelqu'un qui a une vie de labeur. Dans les deux cas, vous leur proposer 1000 euros", rétorque Emmanuel Macron à Marine Le Pen. 

Marine Le Pen défend le fait que les Français partiront à la retraite « entre 60 et 62 ans pour avoir une retraite pleine. Il leur faudra entre 40 et 42 annuités », si elle est élue. Selon la candidate du Rassemblement national, « la retraite à 65 ans est une injustice absolument insupportable ».

Durant l’entre-deux-tours, Emmanuel Macron a proposé de fixer l’âge de départ à la retraite à 65 ans en 2027.

Salaires et chômage

La candidate du Rassemblement national s’en prend au bilan du quinquennat Macron. Marine Le Pen n'a pas manqué de critiquer les actions du président sortant et de leurs conséquences : "Les chômeurs A, B, C étaient 5,5 millions quand vous avez été élu et aujourd’hui ils sont 5,4 millions. Des gens qui cherchent activement un emploi, il y en avait 5,5 millions quand vous avez été élu et aujourd’hui, ils sont 5,4 millions.

"En matière de succès sur le chômage, permettez-moi d’être dubitative" tance Marine Le Pen, avant de poursuivre "Il y a 400 000 pauvres supplémentaires dans le pays et ça aussi, c'est votre résultat. Il y a 85 milliards de déficit de la balance commercial, on ne peut pas pipeauter ce chiffre, c’est un record absolu. Et peut-être le chiffre le plus cruel pour vous, c'est le chiffre de la productivité: il décroche à compter de votre élection. L'augmentation de la productivité est de 0,1% en France, alors qu’elle est de 1,8% pour le reste des pays européens. Le Mozart de la finance a un bilan économique qui est très mauvais. J’ai oublié les 14 500 emplois industriels perdus".

A ce bilan, Marine Le Pen ajoute le montant de la dette liée à la Covid-19. "Vous êtes le président qui a créé 600 milliards d’euros de dette supplémentaire, dont deux tiers n’ont strictement rien à voir avec la Covid. Ce sont les chiffres de vos propres ministères. Vos ministères évoquent 145 milliards pour la Covid." Ce à quoi Emmanuel Macron rétorque : "Ne confondez pas tout, lâche Emmanuel Macron. Les 600 milliards de dette, c’est 200 milliards de la partie Etat et le reste, c'est la Sécurité sociale, les collectivités locales. Pourquoi? Parce que comme les gens ne pouvaient plus travailler, on n'a pas prélevé leurs cotisations. Le quoiqu’il en coûte, vous avez voté contre mais vous auriez fait quoi pendant la crise covid ?"

Hôpital et santé 

Le débat bifurque sur la thématique de la santé et des déserts médicaux. Emmanuel Macron défend ses actions : "J'ai mis fin à la baisse de ce qu'on appelle le tarif hospitalier, j'ai mis fin à ce qu'on appelle le numerus clausus, on ne formait pas assez de médecins", il ne manque pas de rappeler son investissement de plus de 19 milliards d'euros dans les hôpitaux et la revalorisation salariale de 183 euros par mois. Il reconnaît qu'il reste encore à faire : "Je sais la situation très dure, je sais le manque de soignants et de médecins. Je sais que les conditions de travail sont dures. On va continuer à investir dans le système de santé pour redresser l'hôpital et réembaucher".

Le candidat est critiqué par Marine Le Pen qui l'accuse d'avoir attendu la crise pour se mobiliser pour l'hôpital. "Vous n'avez pas fait preuve de beaucoup d'empathie à l'égard du personnel soignant quand vous avez licencié 15 000 soignants, du jour au lendemain parce que vous refusiez qu'ils puissent se tester avant de venir travailler et que vous voulez à tout prix qu'ils soient vaccinés. Ce n'était pas bien de faire ça. Je les réintégrerai, en ce qui concerne", tacle Marine Le Pen.

Environnement et énergie nucléaire

"J'arrête l'hypocrisie qui consiste à refuser de voir que c'est le modèle économique sur le libre-échange qui est responsable d'une grande partie des émissions de gaz à effet de serre en France", commence Marine Le Pen.

 "Quand vous parlez de remettre en cause le système de nos importations", attaque Emmanuel Macron. "En termes de bilan carbone, c'est notre dépendance aux hydrocarbures et vous avez proposé la plus grosse subvention aux hydrocarbures possible puisque vous baissez la TVA sur ces derniers. Je dis juste que votre programme n'a ni queue ni tête à cet égard."

Le président-candidat veut implanter 50 parcs éoliens en mer d’ici à 2050 après “concertations”, tandis que Marine Le Pen veut arrêter les projets éoliens et démanteler progressivement les parcs existants, en commençant par ceux qui arrivent en fin de vie, et en stoppant les subventions.
La candidate RN veut prononcer un moratoire pour toute nouvelle installation éolienne, ainsi que pour le solaire, avec de possibles exceptions dans le sud de la France ou en outre-mer et assure qu'elle commencera par démanteler les parcs éoliens qui causent du trouble au voisinage, tout en ajoutant vouloir le proposer par voie de référendum. 

L'attractivité de la France

"Comment faire pour avoir demain un Steve Jobs français ?", demande Léa Salam, abordant l'économie numérique et la technologie. "Autant l'Union européenne se mêle d'absolument tout […] , autant le Google européen, cela fait des années qu'il aurait dû être lancé", attaque d'emblée Marine Le Pen. La candidate souhaite créer des initiatives technologiques européennes.

Les proposition d'Emmanuel Macron et de Marine Le Pen  sur l’école

Emmanuel Macron promet d’« investir sur l’école », s’il est réélu. Le président candidat défend le sport à l’école, il veut « développer l’éducation artistique et culturelle », un projet « essentiel » à ses yeux. Il veut également « réformer le lycée professionnel » et proposer une réforme de l’université « en ouvrant des filières et des débouchés plus clairs ». Enfin, le président sortant prône une revalorisation des salaires des enseignants.

Marine Le Pen affirme que « la jeunesse française a tellement souffert ces deux dernières années » que, pour elle, « c’était une évidence de faire de la jeunesse sa priorité ». Elle souhaite augmenter les apprentis « de 200 à 300 euros par mois en fonction de leur âge ». Selon Marine Le Pen, « le baccalauréat est dévalorisé ».

Marine Le Pen s'est montrée offensive sur ce sujet durant ce débat de second tour."La réforme que vous proposez est une réforme qui consiste à payer les professeurs en fonction des résultats de leurs élèves. Je ne sais pas si c’est McKinsey qui a proposé ça", a-t-elle lancé. "Ce que vous souhaitez, c’est en réalité les payer en fonction des résultats donnés, en fonction de ce qu’ils seraient capables de faire. A côté, d’ailleurs, moi, je souhaite les revaloriser", a-t-elle dit

Insécurité

"Nous sommes confrontés à une vraie barbarie, un ensauvagement. Les gens me disent on est cernés par l'insécurité, dans les villes et dans les campagnes. Je le dis très clairement l'immigration anarchique engendre un problème d'insécurité chez nous."  

« Il faut de la fermeté », a affirmé Marine Le Pen. Elle défend la présomption de légitime défense pour les policiers et les gendarmes.

Sur la même question que celle posée à Mme Le Pen pour lutter contre l’insécurité, Emmanuel Macron a plaidé en faveur du bilan du quinquennat. Il a cité la création de « 10 000 postes de policiers et de gendarmes », la hausse des moyens de la justice.

Le débat entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen regardé en France

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Dans une brasserie de Lyon, en France, le mercredi 20 avril (Photo, AFP).
Dans une brasserie de Lyon, en France, le mercredi 20 avril (Photo, AFP).
Une femme regarde le débat à la télévision dans la commune de Cognocoli-Monticchi en Corse, le mercredi 20 avril 2022 (Photo, AFP).
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Un chat est assis dans un fauteuil, le 20 avril 2022, à Givors, près de Lyon, alors qu'un écran de télévision affiche le débat télévisé en direct entre  Emmanuel Macron et Marine Le Pen (Photo, AFP).

Marine Le Pen veut un référendum sur l'immigration

Marine Le Pen veut organiser un référendum sur un projet de loi révisant la Constitution pour y inscrire la "maîtrise" de l'immigration, la "priorité nationale" et la primauté du droit national sur le droit international et européen.

"Il y aura l'expulsion des criminels et des délinquants étrangers, il y aura le droit du sol, parce que je pense que la nationalité française s'hérite ou se mérite, il y aura la priorité nationale au logement social, il y aura l'interdiction de la régularisation des clandestins, il y aura la modification du droit d'asile", liste-t-elle.

En matière d'immigration, Emmanuel Macron souhaie faire la distinction entre les immigrations et la défense du droit d'asile. Il mise sur une réforme de l'espace Schengen "On doit réussir à mieux protéger nos frontières. Il faut renforcer nos protections intérieures et la coopération entre Etats européens parce que nous ne sommes pas le point d'arrivée", poursuit-il, citant l'Espagne, l'Italie, la Grèce, en conséquence il souhaite une meilleure coopération européenne sur le sujet.

Fin du débat

Neuf thèmes ont été programmé lors de ce débat qui a duré 2h 50mn.Les échanges étaient courtois mais tendus. 

Pour sa carte blanche finale : Emmanuel Macron a défend l’idée que cette élection « est un référendum » sur l’Union européenne, l’écologie et l’avenir du pays.

De son côté, Marine Le Pen conclut à son tour en ayant le dernier mot du débat. Elle déplore la "fatigue et la lassitude" des Français après "cinq années de confrontation permanente, de dégradation niveau de vie, de privations, y compris de liberté, individuelle et de liberté collective, aspire, je crois, à la tranquillité".


Voter une loi pour «sauver Marine Le Pen» est «impensable», estime Xavier Bertand

Xavier Bertrand a martelé que Marine Le Pen "n'était pas une victime" et regrette que certains soient tombés dans le "piège de la victimisation", appelant les responsables politiques à préserver "la stabilité des institutions et donc le respect de la séparation des pouvoirs". (AFP)
Xavier Bertrand a martelé que Marine Le Pen "n'était pas une victime" et regrette que certains soient tombés dans le "piège de la victimisation", appelant les responsables politiques à préserver "la stabilité des institutions et donc le respect de la séparation des pouvoirs". (AFP)
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  • Il a dénoncé la pression que subissaient les magistrats, ajoutant ne pas vouloir "qu'on joue un mauvais remake du Capitole", faisant référence à l'assaut du Capitole par les soutiens de Donald Trump après sa défaite à l'élection présidentielle de 2020
  • Xavier Bertrand a déploré un traitement de faveur envers la patronne des députés RN à l'Assemblée pour laquelle "on trouverait la place pour une loi d'exception pour (la) sauver", alors qu'"on ne trouve pas la place" pour voter les "urgences"

PARIS: Il est "impensable" de faire un traitement de faveur avec "une loi d'exception pour sauver Madame Le Pen", a fustigé mercredi Xavier Bertrand, en référence à la proposition de loi pour supprimer l'exécution provisoire qu'Eric Ciotti veut déposer.

"Ce serait impensable parce que ça voudrait dire que l'Assemblée nationale remplace la Cour d'appel, que l'Assemblée nationale intervient avant la Cour d'appel, arrêtons cette confusion des genres", s'est insurgé le président LR de la région Hauts-de-France sur RTL.

Eric Ciotti, patron des députés UDR à l'Assemblée et allié du RN, a annoncé mardi que son groupe déposerait une proposition de loi en juin pour "supprimer" l'exécution provisoire après la condamnation choc de Marine Le Pen à une peine d'inéligibilité de cinq ans avec effet immédiat.

Xavier Bertrand a déploré un traitement de faveur envers la patronne des députés RN à l'Assemblée pour laquelle "on trouverait la place pour une loi d'exception pour (la) sauver", alors qu'"on ne trouve pas la place" pour voter les "urgences", évoquant notamment la loi sur les homicides routiers ou celle sur la justice des mineurs.

Pour l'élu LR, cette proposition de "loi Ciotti, Le Pen" reviendrait à "contourner la justice".

Il a dénoncé la pression que subissaient les magistrats, ajoutant ne pas vouloir "qu'on joue un mauvais remake du Capitole", faisant référence à l'assaut du Capitole par les soutiens de Donald Trump après sa défaite à l'élection présidentielle de 2020.

M. Bertrand se réjouit de l'annonce de la Cour d'appel qui devrait rendre une décision à "l'été 2026", qui prouve selon lui qu'"il n'y a aucun complot contre Madame Le Pen" qui va pouvoir "épuiser les voies de recours".

Xavier Bertrand a martelé que Marine Le Pen "n'était pas une victime" et regrette que certains soient tombés dans le "piège de la victimisation", appelant les responsables politiques à préserver "la stabilité des institutions et donc le respect de la séparation des pouvoirs".


L'Assemblée s'empare de la sensible réforme du scrutin à Paris, Lyon et Marseille

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  • La commission des lois doit examiner dans la matinée une proposition de loi initialement portée par le député Sylvain Maillard, ancien président du groupe Renaissance, et chef des macronistes à Paris.
  • Le texte a le soutien du Premier ministre, à défaut de celui de Bruno Retailleau.

PARIS : Modifier le mode d'élection à Paris, Lyon et Marseille à un an des municipales : une gageure, tant le sujet est épineux et les oppositions nombreuses, y compris au sein de la coalition gouvernementale. Mais alors que le sujet fait ses premiers pas à l'Assemblée mercredi, les défenseurs du texte veulent croire au succès d'une réforme « populaire ».

La commission des lois doit examiner dans la matinée une proposition de loi initialement portée par le député Sylvain Maillard, ancien président du groupe Renaissance, et chef des macronistes à Paris. Son arrivée dans l'hémicycle est prévue en début de semaine prochaine.

Le texte a le soutien du Premier ministre, à défaut de celui de Bruno Retailleau, qui se fait l'écho des sénateurs LR dont il était encore il y a peu le chef. 

Selon les promoteurs de la proposition de loi, les sénateurs LR de Paris rejettent une réforme qui fragiliserait leur réélection.

Pour l'essentiel, cette réforme prévoit de mettre en place deux scrutins distincts pour les trois métropoles : l'un pour élire les conseillers d'arrondissement ou de secteur, l'autre pour élire ceux du conseil municipal, sur une circonscription unique.

Actuellement, les électeurs votent dans chaque arrondissement pour une liste de conseillers d'arrondissement, et les élus du haut de la liste siègent à la fois au conseil d'arrondissement et au conseil municipal.

Ce mode de scrutin est décrié, car il peut aboutir à l'élection d'un maire ayant réuni une minorité de voix. De plus, l'élection se joue dans une poignée d'arrondissements clés.

Dans ces trois villes, « tout se joue sur deux ou trois arrondissements, tout le reste ça ne compte pas », ce qui conduit les maires à s'occuper « en priorité » des arrondissements qui les ont élus, explique M. Maillard à l'AFP. « On pense que c’est un problème démocratique », ajoute-t-il, en défendant le principe « un électeur, une voix », et en soulignant le soutien dont bénéficie la réforme dans l'opinion.

Le texte prévoit aussi de modifier la prime majoritaire accordée à la liste arrivée en tête, en l'abaissant à 25 % au lieu de 50 % comme c'est le cas actuellement dans l'ensemble des communes.

- LR grand perdant ? 

Mais les oppositions sont multiples, issues de la droite comme de la gauche hors LFI (le RN et les Insoumis se montrant plus enclins au changement, alors qu'ils n'ont quasiment pas d'élus dans ces villes). Les députés Léa Balage, El Mariky (EELV), Sandrine Runel (PS) et Olivier Marleix (LR) ont ainsi déposé des amendements de suppression du principal article du texte.

La porte-parole du groupe écologiste dénonce une « réforme précipitée, sources d'inégalités, de déséquilibres démocratiques et d'évidentes difficultés pratiques ».

Sur le fond, certains s'étonnent notamment qu'une réforme prétendant rapprocher le scrutin municipal des trois villes opte pour une prime majoritaire spécifique. D'autres encore craignent une dilution du rôle des arrondissements.

Sur la forme, beaucoup contestent la volonté d'appliquer le texte dès 2026, alors que le code électoral prévoit qu'on ne puisse modifier le mode de scrutin ou le périmètre des circonscriptions moins d'un an avant le premier tour d'une élection.

Désigné rapporteur du texte, le député MoDem Jean-Paul Mattei s'est efforcé de déminer le sujet en multipliant les rencontres et en proposant des amendements de réécriture avec différents scénarios.

Cet effort a contribué à décaler l'examen en commission, initialement prévu le 12 mars. Il a aussi conduit le président de la Commission des lois, Florent Boudié (Renaissance), à demander au ministère de l'Intérieur des projections sur les conséquences des modifications envisagées, en se fondant sur les résultats de 2020.

Selon ces projections consultées par l'AFP, le nombre de sièges de LR connaîtrait un très net recul, tandis que celui des macronistes augmenterait. À Paris, par exemple, la droite aurait obtenu, avec la réforme proposée par Sylvain Maillard, 34 sièges de conseillers de Paris, contre 55, et les listes conduites par Agnès Buzyn et Cédric Villani 31 sièges, au lieu de 11.

« On ne peut pas dire qu'il y ait un énorme consensus », convient M. Mattei, qui ne désespère pas cependant de parvenir à une réforme qui s'applique dès 2026.


Après les tensions, Paris et Alger entament un nouveau chapitre

Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune sont convenus de relancer les échanges bilatéraux et de jeter les bases de cette reprise. (AFP)
Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune sont convenus de relancer les échanges bilatéraux et de jeter les bases de cette reprise. (AFP)
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  • Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune ont décidé de relancer les échanges bilatéraux
  • L'échange téléphonique a permis de formaliser une feuille de route ambitieuse et pragmatique

Après avoir frôlé la rupture, un nouveau chapitre s'ouvre dans les relations entre la France et l'Algérie.

Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune sont convenus de relancer les échanges bilatéraux et de jeter les bases de cette reprise.

Le communiqué publié par le palais de l'Élysée fait suite à plusieurs signes récents de rapprochement, notamment l'entretien accordé par Tebboune aux journalistes des médias publics algériens, où il a exprimé sa volonté de renouer le dialogue avec son homologue français et de mettre fin à ce qu'il a qualifié de «période d'incompréhension» entre leurs deux pays.

L'échange téléphonique a permis de formaliser une feuille de route ambitieuse et pragmatique, centrée sur trois axes prioritaires: la coopération sécuritaire, la gestion des flux migratoires et les questions mémorielles.

Le communiqué conjoint, publié à l’issue de cet échange, souligne la volonté des deux chefs d’État de dépasser les crises récentes pour amorcer une relation apaisée et mutuellement bénéfique.

Premier résultat concret dans le cadre de cette volonté affichée, le ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot se rend à Alger le 6 avril pour des entretiens avec son homologue algérien Ahmed Attal.

Les ministres devront détailler un programme de travail ambitieux et en décliner les modalités opérationnelles et le calendrier de mise en œuvre.

La coopération sécuritaire doit reprendre sans délai, notamment pour lutter contre le terrorisme au Sahel et sécuriser les frontières de la région.

La gestion des migrations irrégulières et la question des réadmissions de ressortissants algériens en situation irrégulière en France sont au cœur des discussions. 

Cette dynamique s’inscrit dans la continuité de l’engagement du président français, exprimé dès le début de son premier mandat et même avant, lors de sa campagne électorale en Algérie, où il avait qualifié la colonisation de «crime contre l’humanité».

Plus tard et dès son élection en 2017, Macron a affiché sa volonté de regarder «la vérité en face». Sa première visite officielle en Algérie marquait la priorité qu’il entend donner à la relation franco-algérienne, en posant les bases d’un dialogue sincère et apaisé. 

Cet engagement a été réaffirmé par la déclaration d’Alger en août 2022, qui prévoyait la mise en place d’une «commission mixte des historiens» chargée d’examiner les archives et de favoriser une meilleure compréhension mutuelle.

Les enjeux de ce rapprochement, dont l’objectif est la poursuite du travail de refondation des relations bilatérales, dépassent le cadre strictement bilatéral et s’inscrivent dans un contexte géopolitique et sécuritaire complexe.

La coopération entre Paris et Alger est essentielle pour répondre aux défis régionaux, notamment dans le Sahel, où le terrorisme et l’instabilité menacent la sécurité de l’Afrique du Nord et de l’Europe. 

La France et l’Algérie partagent un intérêt commun pour la lutte contre les groupes armés et leur coopération stratégique revêt une importance capitale pour stabiliser la région.

La gestion des flux migratoires reste un point de tension récurrent, car si la France souhaite des mécanismes de réadmission efficaces, l’Algérie demande le respect de la dignité et des droits de ses ressortissants. 

Malgré la volonté de réconciliation affichée, le dossier mémoriel reste un obstacle majeur.

La question des excuses officielles pour les crimes coloniaux demeure sensible. Si Emmanuel Macron a reconnu des «crimes contre l’humanité» en 2017, les demandes d’excuses formelles de l’Algérie n’ont pas encore été pleinement satisfaites. 

Les travaux de la commission mixte des historiens, lancés à l’été 2022, doivent permettre d’approfondir la recherche sur cette période sombre et de poser les bases d’un dialogue apaisé.

Malgré les gestes d’ouverture, les relations entre Paris et Alger restent fragiles, en partie en raison d’une méfiance réciproque, alimentée par des perceptions contradictoires des enjeux bilatéraux.

L’un des points de friction les plus marquants est la question du Sahara occidental. La position française, perçue comme favorable au Maroc, a suscité des crispations du côté algérien, allant jusqu’au rappel de l’ambassadeur d’Algérie en France. 

Pour Alger, le soutien implicite de Paris au plan d’autonomie marocain est perçu comme un alignement qui remet en cause l’équilibre diplomatique régional.

Bien que la France ait tenté de clarifier sa position, en affirmant vouloir accompagner une dynamique internationale de sortie de crise, ce dossier demeure une source de tension. 

Au-delà des relations diplomatiques, les opinions publiques des deux pays jouent un rôle crucial dans l’évolution du partenariat.

En Algérie, une partie de la population reste méfiante vis-à-vis des intentions françaises, nourrie par un sentiment de souveraineté exacerbée et par la mémoire toujours vive des exactions coloniales. 

En France, la question algérienne suscite également des clivages politiques. Certains considèrent les gestes mémoriels comme une forme de repentance excessive, tandis que d’autres appellent à une reconnaissance plus franche des torts commis pendant la colonisation. 

La relance des relations entre la France et l’Algérie repose sur un équilibre délicat entre la reconnaissance du passé, la gestion des défis actuels et la mise en œuvre d’une coopération tournée vers l’avenir. 

Malgré la volonté politique manifeste, la concrétisation de ce partenariat dépendra de la capacité des deux dirigeants à dépasser les clivages historiques et à impulser une dynamique durable.