BEYROUTH: Les responsables d’organisations caritatives et les imams des mosquées libanaises ont fait part de leurs inquiétudes quant à leur capacité réduite d’aider le nombre croissant de personnes souffrant de la faim pendant le ramadan cette année, en raison des répercussions de la crise financière.
Ils affirment que les prix ont fortement augmenté au cours de l’année écoulée, que moins de personnes faisaient du bénévolat et que les dons de «personnes en capacité de les faire» sont en déclin, étant donné que «la situation des bienfaiteurs a changé».
Les conditions de vie deviennent de plus en plus difficiles pour un grand nombre de personnes, en raison de la crise économique, ce qui a entraîné une augmentation du nombre de familles dans le besoin. Dans le même temps, le montant des dons reçus pendant le ramadan par les organisations caritatives et les autres groupes qui fournissent des aides devrait chuter, ce qui affectera leur capacité à fournir des repas d’iftar quotidiens au nombre croissant de personnes en difficulté.
Focus
Faten Mneimneh de l’Islamic Charitable Guidance and Reform Association indique à Arab News que les repas de l’iftar seront de moindre qualité et moins variés pendant le ramadan cette année, alors qu’un nombre croissant de personnes ont faim, en raison des contraintes financières et du nombre réduit de bénévoles.
Un tel repas comprend traditionnellement du fattouche, ainsi qu’une assiette de riz et de viande. L’année dernière, le coût d’un seul repas était de 50 000 à 60 000 livres libanaises, soit de 33 à 40 dollars (1 dollar = 0,91 euro) sur la base du taux de change officiel de près de 1 500 livres pour 1 dollar.
Cette année, le coût a augmenté de façon considérable en raison de la hausse des prix du gaz et des autres combustibles, de l’électricité, des assiettes et emballages jetables, du transport et de la distribution. Il y a également moins de personnes qui se portent volontaires pour travailler dans les cuisines et livrer les repas. De plus, le taux de change officiel n’est pas facilement disponible et le taux non officiel au marché noir est bien pire.
«Les conditions pendant le mois de ramadan cette année seront beaucoup plus difficiles que l’année dernière», déclare Faten Mneimneh de l’Islamic Charitable Guidance and Reform Association, qui fournit de la nourriture et des vêtements aux personnes dans le besoin.
«L’année dernière, 1 dollar valait 7 000 livres, alors qu’il est désormais passé à 22 000 livres. Par ailleurs, les prix du carburant, des denrées alimentaires et même du pain ont énormément augmenté. Cette année, il n’y aura ni viande, ni poulet, ni fattouche dans les repas quotidiens de l’iftar. Nous donnerons aux gens de la laitue, deux tomates et un concombre avec lesquels ils pourront préparer leurs propres salades.»
Elle ajoute: «Le nombre de femmes qui se sont portées volontaires pour cuisiner les repas chez elles a nettement diminué, car le coût d’une bonbonne de gaz a atteint 500 000 livres. Nous devons nourrir 120 personnes chaque jour pendant un mois. Si nous recourons à la restauration, cela signifie que nous aurions besoin de 2 000 dollars pour acheter les repas de l’iftar et que nous ne pourrions pas fournir d’autres articles comme les vêtements ou les médicaments.»
«De plus, la distribution des repas de l’iftar est devenue très coûteuse en raison des fortes augmentations du prix de l’essence.»
Elle explique à Arab News que les repas de l’iftar seront de moindre qualité et moins variés pendant le ramadan cette année, alors qu’un nombre croissant de personnes ont faim, en raison des contraintes financières et du nombre réduit de bénévoles.
«Oui, les gens meurent de faim au Liban. Il y a quelques jours, une dame d’une cinquantaine d’années qui vit dans une chambre sous les escaliers d’un immeuble nous a appelés. Elle pleurait en disant qu’elle mourait de faim. Elle a ajouté que sa sœur l’aidait, mais qu’elle n’est plus en mesure de le faire. Elle a donc rechargé son téléphone avec l’argent que sa sœur lui a donné pour pouvoir nous appeler», soutient-elle.
Cheikh Zuhair Kibi, directeur général du Fonds zakat de Dar al-Fatwa, déclare: «Le plus grand problème auquel nous faisons face pour aider les gens est le manque de liquidités, car les banques refusent de nous donner de l’argent et ne fournissent que des chèques. Nos fonds sont donc gelés dans les banques. Toutes les associations caritatives sont confrontées au même problème.»
«En attendant, les besoins humanitaires augmentent, notamment le coût des médicaments et des soins hospitaliers, en plus des prix des denrées alimentaires et des coûts de transport qui érodent les salaires limités des employés.»
Il affirme que la crise financière touche les familles de tous les milieux: «Nous – le Fonds zakat – fournissons une aide à 1 100 familles et 2 300 orphelins. Nous donnons à 300 familles, une somme de 300 000 livres par mois, et à chaque orphelin, 700 000 livres par mois. Nous avons besoin de deux milliards de livres chaque mois pour subvenir à ces besoins, sans compter les salaires de nos employés.»
Le fonds a augmenté la rançon compensatoire de jeûne – une somme payée par ceux qui ne peuvent pas jeûner pendant le ramadan et qui est utilisée pour aider à nourrir les autres – à 35 000 livres (à peu près 1,60 dollar au taux de change du marché noir) cette année, contre 15 000 livres l’année dernière.
Faten Mneimneh ajoute: «Les personnes charitables donnent toujours de l’argent pour le zakat, car c’est à la fois une obligation et un soutien pour les pauvres. Cependant, les montants ont diminué en raison des procédures bancaires compliquées.»
«Toutes les personnes sont touchées par la crise, qu'elles soient riches ou pauvres, car les retraits auprès des banques sont limités. Nous comptons sur l’argent envoyé par les expatriés. Cependant, les banques entravent nos efforts pour accéder à cet argent.»
Afin d’illustrer le niveau de désespoir croissant ressenti par de nombreuses personnes, Faten Mneimneh raconte que dès que son association a annoncé dans une mosquée de Beyrouth que des repas du sahour gratuits seraient disponibles avant l'aube, des centaines de personnes ont afflué pour les obtenir au plus vite. Elle souligne qu'en raison des pressions financières, les repas du sahour fournis ne contiennent plus d'œufs, de fromage ou de sucreries.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com