Le secteur bancaire libanais s’effondre au moment où la crise économique s’aggrave

Le secteur bancaire libanais est entaché d’allégations de corruption et de détournement de fonds. Nombreux sont ceux qui ont vu cela arriver. (AFP)
Le secteur bancaire libanais est entaché d’allégations de corruption et de détournement de fonds. Nombreux sont ceux qui ont vu cela arriver. (AFP)
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Publié le Samedi 09 avril 2022

Le secteur bancaire libanais s’effondre au moment où la crise économique s’aggrave

  • Le 24 mars, la juge libanaise Ghada Aoun a ordonné à l’administration des douanes libanaises d’empêcher six banques libanaises d’envoyer de l’argent à l’étranger
  • L’État devrait compenser la majeure partie des pertes, et non les déposants, puisqu’imposer le fardeau aux déposants entraînera une perte de confiance à long terme

RIYAD: Récemment, un tribunal libanais a interdit à plusieurs banques de transférer des fonds à l’étranger. Telle est la conséquence d’un système bancaire profondément gangréné depuis bien longtemps. Cette mesure intervient au moment où la dette du pays augmente et la situation économique se détériore. Beaucoup attribuent la responsabilité de la crise à la classe politique corrompue du Liban et au gouvernement qui n’a pas remboursé ses dettes aux banques.

Le 24 mars, la juge libanaise Ghada Aoun a ordonné à l’administration des douanes libanaises d’empêcher six banques libanaises d’envoyer de l’argent à l’étranger. Les banques ciblées sont Bank of Beirut, Bank Audi, Creditbank, Bankmed, SGBL et Blom Bank.

«Les banques libanaises sont techniquement en faillite mais, jusqu’à présent, elles ne le sont pas sur le plan juridique», déclare l’économiste Roy Badaro dans un entretien accordé à Arab News.

Il explique que le mot «illiquide» pourrait être plus approprié puisque personne ne connaît vraiment les éventuels actifs non déclarés des banques. De plus, aucune banque libanaise n’a jusque-là officiellement déclaré faillite.

M. Badaro affirme que les banques ferment les yeux sur la situation. «Leur principal problème est qu’elles ont été attirées par les profits malsains proposés par le gouvernement pour financer sa dette. Pendant ce temps, elles se sont abstenues de financer l’économie», précise-t-il.

Crise de liquidité

Alors que le gouvernement libanais est impliqué dans des accusations de corruption massives, l’État a accumulé plus de 90 milliards de dollars de dette qu’il n’est plus en mesure de rembourser ce qui, à son tour, a affecté la liquidité des banques.

Le secteur bancaire a répondu au gel des avoirs par une grève de deux jours les 21 et 22 mars. Cela pourrait se répéter si plus de pressions étaient exercées sur le secteur bancaire, avertit une source bancaire sous couvert d’anonymat.

La juge Aoun est proche du président Michel Aoun, qui exige un audit juricomptable de la Banque du Liban, à la suite du défaut de paiement d’une dette de plus de 90 milliards de dollars – conséquence de la mauvaise gestion et de la corruption au sein de l’État.

Ironiquement, le parti du président Aoun est au pouvoir depuis une décennie et gère exclusivement le portefeuille d’électricité. Les experts estiment que ce dernier représente plus de 40% de la dette. Les observateurs de l’industrie ont peur que la crise d’insolvabilité du secteur bancaire, déclenchée par l’incapacité de l'État à honorer sa dette, s’aggrave avec le temps. Le secteur continuera de se détériorer et les banques devront éventuellement fermer.

La juge Aoun avait auparavant gelé les avoirs de ces banques, y compris ceux des membres de leurs conseils d’administration. Elle est en train d’enquêter sur les transactions entreprises avec la Banque du Liban.

De plus, la juge Aoun a imposé des interdictions de voyager aux présidents des conseils d’administration de ces banques.

Alors que les banques sont accusées d’être à l’origine de la crise économique actuelle, les observateurs du secteur estiment que la classe politique corrompue du pays devrait être tenue responsable puisqu’elle n’a pas rempli ses devoirs et ses responsabilités.

«La classe politique tente de détourner l’attention de ses échecs avant les élections (législatives de mai). Les dirigeants veulent montrer qu’ils font quelque chose en faisant du secteur bancaire leur bouc émissaire», affirme, sous couvert d’anonymat, l’un des banquiers dont les avoirs ont été gelés, dans un entretien à Arab News.

En mai, le Liban organisera ses premières élections législatives après le soulèvement populaire. En octobre 2019, les Libanais ont manifesté pour mettre fin à la corruption des partis politiques.

 «Si les autorités mettaient en place des mesures officielles de contrôle des capitaux, nous ne ferions pas actuellement face aux procès et au gel des avoirs, entre autres décisions judiciaires», déclare Nassib Ghobril, économiste en chef à la Byblos Bank, dans un entretien accordé à Arab News.

L’un des principaux objectifs d’une loi sur le contrôle des capitaux est de traiter tous les déposants sur un pied d’égalité, souligne-t-il. La loi sur le contrôle des capitaux limitera en outre le traitement préférentiel que les déposants aisés et qui ne résident pas au pays peuvent se permettre en engageant des avocats à des coûts élevés. Par ailleurs, les décisions judiciaires locales portent atteinte aux déposants en donnant l’avantage à l’un sur plusieurs autres, poursuit M. Ghobril.

Un secteur bancaire plus restreint

La dynamique antérieure du marché a favorisé la mise en place de quarante-sept groupes bancaires commerciaux, dit-il, ajoutant que les forces du marché détermineront le futur nombre de banques au Liban.

M. Ghobril estime que la conjoncture de chaque banque sera déterminée par le plan de solvabilité et de liquidité et le modèle économique que les banques soumettront à la Banque du Liban.

À leur tour, les autorités définiront certains critères de recapitalisation qui détermineront quelles banques continueront leurs activités et quelles banques devront quitter le marché.

Selon M. Badaro, seules quelques banques survivront.

«Comme nous prévoyons un PIB inférieur à trente milliards de dollars au cours des cinq prochaines années et que le ratio des actifs des banques au PIB sera d’environ 100%, cela signifie que nous finirons par avoir sept à douze banques», soutient-il.

Le rôle du secteur évoluera également. M. Badaro suppose que ses principales fonctions seront axées sur le financement du commerce et les petits prêts à court terme.

Selon les données fournies par M. Badaro, les banques possèdent actuellement environ quatre milliards de dollars, ce qui signifie que l’argent n’est pas accessible pour la plupart des déposants.

Le gouvernement et la Banque du Liban évaluent le déficit financier à 69 milliards de dollars, ou ce qu’ils considèrent comme des «pertes», précise M. Ghobril.

Selon les informations communiquées aux médias, 74% de ce montant devra être payé par les déposants et les banques commerciales, tandis que l’État et le secteur public s’en tireront sans porter aucune part du fardeau, ajoute-t-il.

«C’est absurde, puisque c’est l’abus de pouvoir, la mauvaise gestion du secteur public et la mauvaise gestion de la crise qui en a résulté qui font que l’économie et le secteur bancaire libanais sont dans cette situation aujourd’hui», s’indigne l’économiste de la Byblos Bank.

Par conséquent, M. Ghobril affirme que l’État devrait compenser la majeure partie des pertes, et non les déposants, «puisqu’imposer le fardeau aux déposants entraînera une perte de confiance à long terme».

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Le Parlement libanais approuve un projet de loi sur le secret bancaire

Le Parlement a adopté des amendements à "la loi relative au secret bancaire" et à la législation monétaire, selon le bureau de son président, Nabih Berri. (AFP)
Le Parlement a adopté des amendements à "la loi relative au secret bancaire" et à la législation monétaire, selon le bureau de son président, Nabih Berri. (AFP)
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  • La communauté internationale exige depuis longtemps d'importantes réformes pour débloquer des milliards de dollars afin d'aider à la relance de l'économie libanaise, plongée depuis 2019 dans une profonde crise
  • Selon le groupe de défense des droits libanais Legal Agenda, les amendements autorisent "les organes de contrôle et de régulation bancaire (...) à demander l'accès à toutes les informations" sans fournir de raison particulière

BEYROUTH: Le Parlement libanais a approuvé jeudi un projet de loi sur la levée du secret bancaire, une réforme clé réclamée par le Fonds monétaire international (FMI), au moment où des responsables libanais rencontrent à Washington des représentants des institutions financières mondiales.

Le Parlement a adopté des amendements à "la loi relative au secret bancaire" et à la législation monétaire, selon le bureau de son président, Nabih Berri.

La communauté internationale exige depuis longtemps d'importantes réformes pour débloquer des milliards de dollars afin d'aider à la relance de l'économie libanaise, plongée depuis 2019 dans une profonde crise imputée à la mauvaise gestion et à la corruption.

La récente guerre entre Israël et le Hezbollah a aggravé la situation et le pays, à court d'argent, a désormais besoin de fonds pour la reconstruction.

Selon le groupe de défense des droits libanais Legal Agenda, les amendements autorisent "les organes de contrôle et de régulation bancaire (...) à demander l'accès à toutes les informations" sans fournir de raison particulière.

Ces organismes pourront avoir accès à des informations telles que les noms des clients et les détails de leurs dépôts, et enquêter sur d'éventuelles activités suspectes, selon Legal Agenda.

Le Liban applique depuis longtemps des règles strictes en matière de confidentialité des comptes bancaires, ce qui, selon les critiques, rend le pays vulnérable au blanchiment d'argent.

En adoptant ce texte, le gouvernement avait précisé qu'il s'appliquerait de manière rétroactive pendant 10 ans. Il couvrira donc le début de la crise économique, lorsque les banquiers ont été accusés d'aider certaines personnalités à transférer d'importantes sommes à l'étranger.

Le feu vert du Parlement coïncide avec une visite à Washington des ministres des Finances, Yassine Jaber, et de l'Economie, Amer Bisat, ainsi que du nouveau gouverneur de la Banque centrale, Karim Souaid, pour des réunions avec la Banque mondiale et le FMI.

M. Jaber a estimé cette semaine que l'adoption des amendements donnerait un "coup de pouce" à la délégation libanaise.

En avril 2022, le Liban et le FMI ont conclu un accord sous conditions pour un programme de prêt sur 46 mois de trois milliards de dollars, mais les réformes alors exigées n'ont pour la plupart pas été entreprises.

En février, le FMI s'est dit ouvert à un nouvel accord avec Beyrouth après des discussions avec M. Jaber. Le nouveau gouvernement libanais s'est engagé à mettre en oeuvre d'autres réformes et a également approuvé le 12 avril un projet de loi pour restructurer le secteur bancaire.


Syrie: Londres lève ses sanctions contre les ministères de la Défense et de l'Intérieur

Abdallah Al Dardari, chef régional pour les Etats arabes au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), lors d'une interview avec l'AFP à Damas le 19 avril 2025. (AFP)
Abdallah Al Dardari, chef régional pour les Etats arabes au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), lors d'une interview avec l'AFP à Damas le 19 avril 2025. (AFP)
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  • "Les entités suivantes ont été retirées de la liste et ne sont plus soumises à un gel des avoirs: ministère de l'Intérieur, ministère de la Défense", indique notamment le communiqué du département du Trésor
  • Des agences de renseignement sont également retirées de la liste. La totalité d'entre elles ont été dissoutes par les nouvelles autorités en janvier

LONDRES: Le Royaume-Uni a annoncé jeudi avoir levé ses sanctions contre les ministères syriens de l'Intérieur et de la Défense ainsi que contre des agences de renseignement, qui avaient été imposées sous le régime de Bachar al-Assad.

"Les entités suivantes ont été retirées de la liste et ne sont plus soumises à un gel des avoirs: ministère de l'Intérieur, ministère de la Défense", indique notamment le communiqué du département du Trésor.

Des agences de renseignement sont également retirées de la liste. La totalité d'entre elles ont été dissoutes par les nouvelles autorités en janvier.

Ces autorités, issues de groupes rebelles islamistes, ont pris le pouvoir le 8 décembre.

Le Royaume-Uni avait début mars déjà levé des sanctions à l'égard de 24 entités syriennes ou liées à la Syrie, dont la Banque centrale.

Plus de trois cents individus restent toutefois soumis à des gels d'avoirs dans ce cadre, ainsi qu'une quarantaine d'entités, selon le communiqué du Trésor.

Les nouvelles autorités syriennes appellent depuis la chute d'Assad en décembre dernier à une levée totale des sanctions pour relancer l'économie et reconstruire le pays, ravagé après 14 années de guerre civile.


1983 – L'attaque contre les Marines américains à Beyrouth

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  • Les dégâts sont énormes au quartier général des Marines
  • Quatre couches de ciment s'étaient effondrées pour former des tas de décombres, des incendies brûlaient et l'on entendait beaucoup de cris au milieu du sang

BEYROUTH: Le 23 octobre 1983, aux alentours de 6h25, une violente déflagration secoue Beyrouth et sa banlieue, jusque dans les hauteurs montagneuses. Le souffle, sourd et diffus, fait d’abord penser à un tremblement de terre.

Mais sept minutes plus tard, une seconde explosion, bien plus puissante, déchire la ville et ses environs, dissipant toute confusion: Beyrouth venait de vivre l’un des attentats les plus meurtriers de son histoire.

Je travaillais alors pour le journal libanais As-Safir en tant que correspondant de guerre. Beyrouth était assiégée, dans sa banlieue sud, dans les montagnes et dans la région du Kharoub, par des affrontements entre le Parti socialiste progressiste et ses alliés d'une part, et les Forces libanaises d'autre part, dans ce que l'on appelait la «guerre des montagnes».

Le sud du pays a également été le théâtre de la résistance armée des combattants libanais contre l'occupation israélienne. Ces combattants étaient liés à des partis de gauche et, auparavant, à des factions palestiniennes.

Des forces multinationales, notamment américaines, françaises et italiennes, avaient été stationnées à Beyrouth après le retrait des dirigeants et des forces de l'Organisation de libération de la Palestine, à la suite de l'agression israélienne contre le Liban et de l'occupation de Beyrouth en 1982.

Quelques minutes après les explosions, la réalité s’impose avec brutalité: le quartier général des Marines américains, situé sur la route de l’aéroport de Beyrouth, ainsi que la base du contingent français dans le quartier de Jnah, ont été ciblés par deux attaques-suicides coordonnées.

Les assaillants, non identifiés, ont lancé des camions piégés – chargés de plusieurs tonnes d’explosifs – contre les deux sites pourtant fortement sécurisés, provoquant un carnage sans précédent.

Comment nous l'avons écrit

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Au lendemain des attentats, Arab News faisait état de 120 morts parmi les Marines et de 20 morts parmi les Français, un chiffre nettement inférieur au décompte final.

L'attaque de la base américaine a tué 241 militaires américains – 220 Marines, 18 marins et trois soldats – et en a blessé des dizaines. Le bombardement du site militaire français a tué 58 parachutistes français et plus de 25 Libanais.

Ces attentats étaient les deuxièmes du genre à Beyrouth; un kamikaze avait pris pour cible l'ambassade des États-Unis à Aïn el-Mreisseh six mois plus tôt, le 18 avril, tuant 63 personnes, dont 17 Américains et 35 Libanais.

Les dégâts sont énormes au quartier général des Marines. Quatre couches de ciment s'étaient effondrées pour former des tas de décombres, des incendies brûlaient et l'on entendait beaucoup de cris au milieu du sang, des morceaux de corps et de la confusion. Voici ce que nous, journalistes, avons pu voir au milieu du chaos qui régnait immédiatement après la catastrophe, et ce qui reste gravé dans ma mémoire plus de 40 ans plus tard.

La nuit précédente, un samedi, les Marines avaient fait la fête, divertis par un groupe de musique qui avait fait le voyage depuis les États-Unis pour se produire devant eux. La plupart dormaient encore lorsque la bombe a explosé.

Aucun groupe n'a revendiqué les attentats ce jour-là, mais quelques jours plus tard, As-Safir a publié une déclaration qu'il avait reçue et dans laquelle le «Mouvement de la révolution islamique» déclare en être responsable.

Environ 48 heures après l’attentat, les autorités américaines pointent du doigt le mouvement Amal, ainsi qu’une faction dissidente dirigée par Hussein al-Moussawi, connue sous le nom d’Amal islamique, comme étant à l’origine de l’attaque.

Selon la presse locale de l’époque, la planification de l’attentat aurait eu lieu à Baalbeck, dans la région de la Békaa, tandis que le camion utilisé aurait été aperçu garé devant l’un des bureaux du mouvement Amal.

Le vice-président américain, George H.W. Bush, s'est rendu au Liban le lendemain de l'attentat et a déclaré: «Nous ne permettrons pas au terrorisme de dicter ou de modifier notre politique étrangère.»

La Syrie, l'Iran et le mouvement Amal ont nié toute implication dans les deux attentats.

En riposte à l’attaque visant leurs soldats, les autorités françaises ont lancé une opération militaire d’envergure: huit avions de chasse ont bombardé la caserne Cheikh Abdallah à Baalbeck, que Paris considérait comme un bastion de présences iraniennes.

À l’époque, les autorités françaises ont affirmé que les frappes avaient fait environ 200 morts.

Un responsable de l'Amal islamique a nié que l'Iran disposait d'un complexe dans la région de Baalbeck. Toutefois, il a reconnu le lien idéologique fort unissant son groupe à Téhéran, déclarant: «L’association de notre mouvement avec la révolution islamique en Iran est celle d’un peuple avec son guide. Et nous nous défendons.»

Le 23 novembre, le cabinet libanais a décidé de rompre les relations avec l'Iran et la Libye. Le ministre libanais des Affaires étrangères, Elie Salem, a déclaré que la décision «a été prise après que l'Iran et la Libye ont admis qu'ils avaient des forces dans la Békaa».

Un rapport d'As-Safir cite une source diplomatique: «Les relations avec l'Iran se sont détériorées en raison des interventions, pratiques et activités illégales qu'il a menées sur la scène libanaise, malgré de nombreux avertissements.»

Les attentats du 23 octobre étaient jusqu'alors le signe le plus évident de l'évolution de l'équilibre des forces régionales et internationales au Liban et de l'émergence d'un rôle iranien de plus en plus important dans la guerre civile.

Le chercheur Walid Noueihed m'a expliqué qu'avant 1982, Beyrouth avait accueilli toutes les formes d'opposition, y compris l'élite éduquée, appelée «opposition de velours», et l'opposition armée, dont les membres étaient formés dans des camps ou des centres d'entraînement palestiniens dans la vallée de la Békaa et au Liban-Sud.

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Vue aérienne de l'ambassade américaine à Beyrouth après l'explosion qui a fait 63 morts, dont 46 Libanais et 17 Américains. (AFP)

Il a indiqué que l'opposition iranienne au chah était présente parmi ces groupes et a décrit Beyrouth comme une oasis pour les mouvements d'opposition jusqu'en 1982. Toutefois, cette dynamique a changé lorsqu'Israël a envahi le Liban et assiégé Beyrouth, ce qui a entraîné le départ de l'OLP en vertu d'un accord international qui exigeait en échange qu'Israël s'abstienne de pénétrer dans Beyrouth.

Si les factions palestiniennes ont quitté le Liban, ce n'est pas le cas des combattants libanais associés à l'OLP, pour la plupart des chiites qui constituaient la base des partis de gauche libanais.

Les attaques contre les bases militaires américaines et françaises ont entraîné le retrait des forces internationales du Liban, explique M. Noueihed, laissant une fois de plus Beyrouth sans protection. Les opérations de résistance se sont multipliées, influencées par des idéologies distinctes de celles de la gauche traditionnelle, des groupes comme l'Amal islamique affichant ouvertement des slogans prônant la confrontation avec Israël.

En 1985, le Hezbollah est officiellement créé en tant qu'«organisation djihadiste menant une révolution pour une république islamique». Il s'est attiré le soutien des partis de gauche libanais et palestiniens, en particulier après l'effondrement de l'Union soviétique.

Selon M. Noueihed, l'émergence du Hezbollah a coïncidé avec le déclin des symboles existants de la résistance nationale, ce qui semble indiquer une intention d'exclure toutes les autres forces du pays du mouvement de résistance, laissant le Hezbollah comme parti dominant.

L'influence iranienne au Liban est devenue évidente lors des violents affrontements entre le Hezbollah et Amal, qui ont fait des dizaines de victimes et se sont terminés par la consolidation du contrôle du Hezbollah au milieu de la présence des forces militaires syriennes.

Beyrouth se vide peu à peu de son élite intellectuelle, a souligné M. Noueihed. Des centaines d’écrivains, d’intellectuels, de chercheurs et de professionnels des médias ont fui vers l’Europe, redoutant pour leur sécurité, laissant derrière eux une ville désertée par ceux qui faisaient autrefois vibrer sa vie culturelle et académique.

Najia Houssari est rédactrice pour Arab News, basée à Beyrouth. Elle était correspondante de guerre pour le journal libanais As-Safir au moment du bombardement de la caserne des Marines américains.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com