PARIS : À l' entendre, il y a un vote Zemmour "caché", et le second tour de la présidentielle est encore accessible. Mais le candidat d'extrême droite Eric Zemmour dégringole dans les enquêtes depuis fin février, affaibli par ses positions radicales, par exemple sur les réfugiés ukrainiens.
Le 6 octobre dernier, son camp exulte. Pour la première fois, un sondage donne le futur candidat en deuxième position, devant Marine Le Pen. Un lointain souvenir pour celui qui patine aujourd'hui entre la quatrième et la cinquième place, au coude-à-coude avec la LR Valérie Pécresse, même si ses partisans promettent une "belle surprise" le 10 avril.
Dans cette campagne atone, "le seul phénomène atypique et particulièrement clivant, qui explique aussi sa percée, aura été Zemmour. Mais sur le mode du rejet et de l'inquiétude plutôt que de l'envie", estime le sondeur Brice Teinturier (Ipsos) dans Le Monde.
Que s'est-il passé en six mois ? "La guerre en Ukraine", répond inexorablement Eric Zemmour, qui exhorte ses troupes à ne pas se "laisser voler l'élection".
«Ferveur»
Le candidat Reconquête! ne "comprend pas", répète-t-il. Pourquoi tant de "ferveur" dans ses meetings pleins, "120 000 adhérents" à son parti et ce ressac sondagier qui n'en finit pas ?
Après une visite à l'aube du marché de gros de Rungis (Val-de-Marne), l'ancien polémiste de CNews peste, le 1er avril, attablé dans un café. "À chaque fois que je fais un meeting réussi, on me trouve une merde", grince-t-il.
La dernière en date, ce sont les "Macron Assassin!" sonores scandés par une partie de la foule le 27 mars lors du meeting du Trocadéro, sans être interrompus. Le candidat dit qu'il n'a "pas entendu" et son entourage s'y reprend à plusieurs fois pour "condamner" le slogan.
La "démonstration de force" espérée, grâce aux dizaines de milliers de personnes présentes, est parasitée par la polémique.
Comme le 5 décembre à Villepinte (Seine-Saint-Denis) où son grand meeting de plus de 10 000 personnes marque surtout les esprits par les violences commises contre des militants de SOS Racisme, chaises qui volent et courses poursuites à l'arrière du vaste hangar.
Soupçonné, le groupuscule d'extrême droite des Zouaves a été dissous depuis par le gouvernement. Eric Zemmour ne les "connaît pas", assure-t-il. Mais de tels profils se retrouvent dans la foule des partisans du seul candidat à dire qu'islam et islamisme "c'est la même chose" ou à faire campagne sur la théorie complotiste du grand remplacement des populations européennes par des immigrés non européens.
«Seul regret»
Comme un retour au Front National des années 80, alors que plusieurs identitaires font partie de l'équipe de campagne.
À l'extrême droite, Marine Le Pen se frotte les mains, en expliquant qu'Eric Zemmour la "recentre", malgré nombre de propositions similaires dans leur programme.
Un tournant a lieu avec la guerre en Ukraine, où l'ancien éditorialiste semble faire office de paratonnerre pour la candidate du RN, malgré leur attirance partagée pour la Russie de Vladimir Poutine. Dès décembre à la télévision, Eric Zemmour avait commis l'erreur de prendre le "pari" que la Russie n'envahirait pas l'Ukraine.
À propos des réfugiés ukrainiens, fin février, quand sa rivale dit qu'il faut "bien sûr les accueillir", il hésite trois jours avant de "privilégier" un accueil en Pologne, plutôt qu'en France.
La position déplaît à la frange catholique très conservatrice qui le soutient. "Ses propos ont été extrêmement choquants. Ca été perçu comme injuste, brutal", glisse à l'AFP un membre de la Manif' pour tous.
"C'est mon seul regret" de cette campagne, ajoute un proche du candidat.
Des divisions se manifestent en interne. Les regards se tournent vers Sarah Knafo, compagne et stratège du candidat, dont certains contestaient dès l'automne l'omniprésence.
Eric Zemmour choisit de continuer à radicaliser ses positions et ne "croit pas aux sondages" qui mettent pouvoir d'achat, environnement et santé, avant l'immigration dans les préoccupations des Français.
Le 21 mars, il promet un "ministère de la remigration" pour expulser un million d'étrangers en cinq ans: clandestins, délinquants, criminels et fichés S. Pas consultés, certains proches se crispent.
Le candidat enchaîne les déplacements chocs, dans des campements de fortune d'addicts au crack et de migrants - "c'est la France dans dix ans", dit-il - ou en banlieue pour promettre "d'éradiquer la racaille".
En fin de campagne, il vise surtout Valérie Pécresse, espérant au moins la devancer et faire exploser le parti de droite, et évoque sa candidature aux législatives.