JÉRUSALEM : Moins d'un an après son arrivée au pouvoir, la coalition du Premier ministre, Naftali Bennett, a perdu mercredi sa majorité au Parlement après le départ surprise d'une députée de droite, aussitôt courtisée par le chef de l'opposition, Benjamin Netanyahu.
La députée Idit Silman, élue de la formation de droite radicale Yamina de M. Bennett, a quitté dans la matinée la coalition qui disposait de 61 sièges, seuil de la majorité à la Knesset, le Parlement comptant 120 députés.
"J'ai tenté la voie de l'unité. J'ai énormément travaillé pour cette coalition, mais malheureusement je ne peux pas nuire à l'identité juive d'Israël", a déclaré Mme Silman dans un communiqué, donnant le "la" à une journée politique intense en Israël, pays qui a organisé quatre législatives en deux ans, de 2019 à 2021.
Naftali Bennett et le centriste Yaïr Lapid avaient finalement formé en juin dernier une coalition hétéroclite soutenue par 61 députés et réunissant la gauche, le centre, des partis de droite et une formation arabe, une première dans l'histoire du pays, pour mettre fin à plus de 12 ans consécutifs de règne de Benjamin Netanyahu.
"Je mets fin à ma présence dans la coalition et je vais tenter de parler à mes amis, afin de retourner à la maison et former un gouvernement de droite. Et je sais que je ne suis pas la seule à me sentir ainsi", a ajouté la députée Silman dont la déclaration a été aussitôt saluée par M. Netanyahu.
"Idit, tu viens de prouver que ce qui guide ton action est l'identité juive d'Israël, la terre d'Israël, et je t'accueille à nouveau dans le camp national", a déclaré dans une vidéo M. Netanyahu qui dirige un bloc réunissant son parti, le Likoud, des formations juives orthodoxes et de l'extrême droite.
Le pain de la colère?
Le travail législatif de la Knesset est actuellement en pause et le budget, qui doit être voté par une majorité pour éviter une dissolution, a déjà été approuvé par le Parlement.
La coalition dispose désormais de 60 sièges, soit autant que l'opposition. Mais si celle-ci parvenait à rallier au moins un autre député du gouvernement, elle pourrait initier une motion de censure et ainsi potentiellement mener le pays vers de nouvelles législatives.
"C'est un moment difficile pour la coalition. Les crises adviennent en politique et celle-ci est particulièrement difficile", a commenté la chef du parti travailliste (gauche) et ministre des Transports, Merav Michaeli.
Benjamin Netanyahu, qui cherche à revenir au pouvoir en dépit de son procès pour corruption, a appelé mercredi les autres élus de droite du gouvernement à rejoindre son camp, alors que l'opposition de droite avait déjà prévu une grande manifestation dans la soirée à Jérusalem contre la coalition gouvernementale.
"Le gouvernement est sur le point de chuter. Je ne citerai pas de noms, mais il y a d'autres transfuges. Nous sommes en dialogue avec deux autres députés qui considèrent l'idée de rejoindre notre camp", a dit de son côté le député du Likoud, Miki Zohar, sur les ondes de la radio publique Kan.
Le départ de la députée Silman intervient après une querelle cette semaine avec le ministre de la Santé, Nitzan Horowitz (gauche), après que celui-ci a demandé aux hôpitaux, en conformité avec une décision de la Cour suprême, d'autoriser la distribution de pain au levain - et non azyme comme le veut la tradition juive -- pendant la Pâque juive qui doit débuter la semaine prochaine.
Mais des commentateurs politiques remettent mercredi en cause ce seul motif, soulignant des tensions au sein de la coalition au Parlement réunissant à la fois des députés de la droite radicale et du parti arabe Ra'am, et des pressions sur cette députée pour quitter ce camp.
"C'est une femme religieuse, et il ne faut pas sous-estimer le pouvoir de la théologie, mais il y a un autre élément en jeu: elle était sous une pression constante" depuis qu'elle avait "pris la décision courageuse de s'engager dans la coalition", souligne à l'AFP l'analyste Dahlia Scheindlin.