Le Pen portée par le pouvoir d'achat et sa «métamorphose»

Marine Le Pen (C), candidate à la présidence du parti d'extrême droite français RN, visite un marché dans le cadre de son voyage de campagne dans l'île des Caraïbes françaises de la Guadeloupe, le 27 mars 2022 à Saint-Anne. (AFP)
Marine Le Pen (C), candidate à la présidence du parti d'extrême droite français RN, visite un marché dans le cadre de son voyage de campagne dans l'île des Caraïbes françaises de la Guadeloupe, le 27 mars 2022 à Saint-Anne. (AFP)
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Publié le Mardi 29 mars 2022

Le Pen portée par le pouvoir d'achat et sa «métamorphose»

  • Marine Le Pen resserre l'écart avec le président sortant, avec 21% des intentions de vote (+2,5 points en une semaine) contre 28% (stable) pour son principal adversaire
  • Réunion dans la cour d'une ferme, chansons avec un accordéoniste, visites chez le fromager, la candidate multiplie les déplacements dans les territoires ruraux

PARIS: Marine Le Pen progresse dans les sondages, notamment en cas de duel face à Emmanuel Macron au second tour, portée par une campagne axée sur le pouvoir d'achat, et une "métamorphose" que les macronistes pointent comme un "risque".

La candidate du Rassemblement national a fait le choix "de normaliser, d'adoucir, de lisser son discours" même si son programme "n'a guère changé" sur l'immigration et l'identité, explique à l'AFP Cécile Alduy, professeure à la Stanford University et chercheuse associée au Cevipof, spécialiste du discours de l'extrême droite.

Et "elle a choisi un autre vocabulaire pour le justifier: c'est au nom de la laïcité et des valeurs républicaines, voire du féminisme, qu'elle attaque l'islam et veut limiter drastiquement l'immigration non-européenne", note-t-elle.

Marine Le Pen resserre l'écart avec le président sortant, avec 21% des intentions de vote (+2,5 points en une semaine) contre 28% (stable) pour son principal adversaire, selon un sondage "rolling" Ifop-Fiducial publié lundi.

Au second tour aussi la marge se réduit: le candidat LREM l'emporterait par 53% (-3 points) des suffrages face à Mme Le Pen à 47% (+3 points). "Je n'ai jamais été aussi près de la victoire", se targue désormais Marine Le Pen.

- Comme Chirac -

Réunion dans la cour d'une ferme, chansons avec un accordéoniste, visites chez le fromager, la candidate multiplie les déplacements dans les territoires ruraux.

Marine Le Pen "va passer sa vie en province" comme Jacques Chirac en 1995, avait prévenu son équipe à l'automne, en rappelant que l'ancien candidat, pourtant devancé dans son camp par Edouard Balladur, avait fini par l'emporter.

"Au fur et à mesure que l'on pénètre dans la France rurale et périphérique, Marine Le Pen prend très clairement l'ascendant (en intentions de vote) sur Éric Zemmour" dans cet électorat, souligne une étude de la Fondation Jean-Jaurès parue samedi.

La candidate a également réussi à conserver la plus grande partie de ses ex-électeurs ouvriers (67%) ou employés (72%).

Distancé à 10% d'intentions de vote, son rival à l'extrême droite n'en reste pas moins un réservoir de voix. 

Si bien que "l'agrégation du vote Le Pen et du vote Zemmour rend la reconduction du président dans ses fonctions plus incertaine", relève dans Marianne Stéphane Rozès, enseignant à SciencesPo.

A Dijon lundi, Emmanuel Macron a aussi été vivement interpellé sur le pouvoir d'achat, insistant sur la remise de 18 centimes par litre de carburant ou le "bouclier" pour limiter le prix du gaz.

- "On s'est habitué" -

"Entre Macron et nous, c'est le choix entre le pouvoir de l'argent qui profite à quelques uns et le pouvoir d'achat qui profite à tout le monde", estime Marine Le Pen, qui propose de réduire la TVA sur la carburants de 20% à 5,5%.

Le sentiment de perte de pouvoir d'achat "se mesure à la pompe alors que pour l'exécutif, qui raisonne en grandes masses (...), le pouvoir d'achat a progressé", et il pense avoir "énormément débloqué d'argent et d'aides", analyse le spécialiste en communication politique Philippe Moreau-Chevrolet.

Ainsi, les propositions de Marine Le Pen contre l'immigration ou l'insécurité passent au second plan, participant à sa "dédiabolisation".

Marque de cette "normalisation", elle a pu se rendre samedi en Guadeloupe, où son père n'avait jamais pu atterrir, même si elle a été chahutée par des manifestants.

La candidate n'a cessé en outre d'édulcorer son projet, qui prévoit toujours d'inscrire dans la Constitution la "priorité nationale": elle ne veut plus supprimer la double nationalité, promet de rembourser la dette.

Trois ministres réunis samedi dans l'Eure ont raillé sa "métamorphose stupéfiante".

Marine Le Pen "se rend sympathique et elle en joue. Et on s'est habitué aux extrêmes", a regretté Julien Denormandie (Agriculture) tandis que Sébastien Lecornu (Outre-mer) mettait en garde contre "un risque d'accident", en pointant l'abstention. 

La candidate assure pour sa part qu'Emmanuel Macron "ne bénéficiera absolument pas (du) front républicain" tellement les Français ont "souffert" avec lui.

Mais elle admet que l'abstention, qui concerne surtout son électorat et a contribué à son échec aux régionales, reste un souci et veut croire que "si le peuple vote, le peuple gagne".


Macron aux investisseurs: «mon job pour les deux ans, c'est la stabilité»

La France a besoin de "stabilité" avec un "rapprochement des familles politiques" et "ce sera mon job" pour les deux dernières années du quinquennat, a affirmé jeudi Emmanuel Macron devant un parterre d'investisseurs internationaux à Paris. (AFP)
La France a besoin de "stabilité" avec un "rapprochement des familles politiques" et "ce sera mon job" pour les deux dernières années du quinquennat, a affirmé jeudi Emmanuel Macron devant un parterre d'investisseurs internationaux à Paris. (AFP)
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  • "En France, nous avons besoin de stabilité. C'est le job pour les deux ans à venir. Car si l'on rapproche différentes familles politiques qui n'ont pas l'habitude de travailler ensemble, cela fonctionnera et c'est mon objectif et c'est mon job"
  • "Mon objectif, c'est la stabilité et la durabilité parce que les résultats sont là en terme de création d'emplois et d'attractivité économique"

PARIS: La France a besoin de "stabilité" avec un "rapprochement des familles politiques" et "ce sera mon job" pour les deux dernières années du quinquennat, a affirmé jeudi Emmanuel Macron devant un parterre d'investisseurs internationaux à Paris.

"En France, nous avons besoin de stabilité. C'est le job pour les deux ans à venir. Car si l'on rapproche différentes familles politiques qui n'ont pas l'habitude de travailler ensemble, cela fonctionnera et c'est mon objectif et c'est mon job", a plaidé M. Macron dans un discours en anglais.

"Si l'on regarde l'Allemagne et d'autres pays en Europe, c'est exactement ce qui se passe. Le chancelier allemand dispose d'une excellente coalition avec les socialistes et la droite. Et c'est ce qu'il faut faire en France pour consolider ce que nous avons fait", a-t-il ajouté.

"Mon objectif, c'est la stabilité et la durabilité parce que les résultats sont là en terme de création d'emplois et d'attractivité économique", a insisté le chef de l'Etat à qui l'on a beaucoup reproché d'avoir créé de l'instabilité par sa dissolution de l'Assemblée nationale il y a bientôt un an.

Emmanuel Macron s'exprimait au 20ème anniversaire de la "Global Markets Conference" qui rassemble des investisseurs internationaux à l'invitation de Jamie Dimon, directeur général de la banque américaine JP Morgan Chase. Celle-ci en a profité pour annoncer une extension de ses locaux dans le centre de Paris pour accueillir plus confortablement son millier d'employés.

Cette conférence se tenait en amont du sommet Choose France, organisé lundi par l'Elysée au château de Versailles et à l'occasion duquel de nombreuses entreprises étrangères doivent annoncer de nouveaux projets d'investissements.

Jugeant qu'il y a "trop de domaines dans lesquels nous avons encore 27 systèmes de réglementation" dans l'UE, M. Macron a plaidé pour la mise en oeuvre "rapide" des réformes décidées pour améliorer la compétitivité européenne, insistant particulièrement sur celle du marché unique de capitaux.

"Lorsque vous regardez le panorama, c'est totalement fou. L'Union européenne est le premier lieu en termes d'épargne. Mais nous n'utilisons pas cette épargne pour investir dans notre innovation rapidement. Un tiers de cette épargne part vers les Etats-Unis parce que les marchés sont beaucoup plus efficaces et parfois pour financer les obligations américaines. Je suis super content pour les Etats-Unis, mais je pense que ce n'est pas le meilleur usage de notre propre épargne", a-t-il ainsi déploré.

 


France: Le syndrome méditerranéen ou quand le racisme médical met des vies en péril

Dans le domaine de la santé, les femmes, les personnes en situation de handicap et les patients perçus comme étrangers sont les premières victimes du syndrome méditerranéen. (AFP)
Dans le domaine de la santé, les femmes, les personnes en situation de handicap et les patients perçus comme étrangers sont les premières victimes du syndrome méditerranéen. (AFP)
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  • Tous les patients ne sont pas soignés de la même manière, et l’égalité devant l’accès aux soins reste, pour beaucoup, un idéal lointain
  • Cette réalité, longtemps dissimulée derrière les murs aseptisés des établissements médicaux, a été mise en lumière par le dernier rapport annuel du Défenseur des droits

PARIS: À mesure que l’extrême droite gagne du terrain en Europe de l’Ouest, les préjugés racistes et les discriminations s’enracinent plus profondément dans les sociétés.

En France, ces discriminations se manifestent de manière tangible, notamment sur le marché du travail et dans l’accès au logement, touchant de nombreux citoyens issus de l’immigration. Mais aujourd’hui, un domaine particulièrement sensible n’échappe plus à ce fléau: celui de la santé.

Tous les patients ne sont pas soignés de la même manière, et l’égalité devant l’accès aux soins reste, pour beaucoup, un idéal lointain. Cette réalité, longtemps dissimulée derrière les murs aseptisés des établissements médicaux, a été mise en lumière par le dernier rapport annuel du Défenseur des droits.

Parmi les formes de discrimination relevées, un préjugé médical en particulier illustre à lui seul un système de stigmatisation bien ancré: le «syndrome méditerranéen». Ce prétendu syndrome, largement discrédité par la communauté scientifique, cible des patients perçus comme originaires du bassin méditerranéen, auxquels on prête – à tort – une propension à exagérer leurs douleurs ou symptômes. Une vision biaisée qui, au-delà du cliché, entraîne des conséquences graves sur la qualité des soins prodigués à ces patients.

Bien qu’il ne repose sur aucun fondement scientifique, il continue à influencer, parfois inconsciemment, le comportement de certains soignants, avec comme résultats une douleur minimisée, une écoute biaisée, une prise en charge retardée. Et parfois, des conséquences tragiques.

Le rapport du Défenseur des droits, Claire Hédon, publié en mars 2025, illustre cette discrimination par des cas concrets. 

Celui d’une jeune femme perçue comme noire est particulièrement édifiant. 

Après de multiples appels au SAMU (service des urgences) pour des douleurs abdominales et des vomissements, elle se voit refuser l’intervention médicale et se fait conseiller de manger des yaourts. 

Ce n’est que grâce à l’insistance de son frère qu’elle est finalement conduite aux urgences, où le diagnostic est sans appel: une pancréatite aiguë qui est une pathologie sérieuse nécessitant une prise en charge rapide.

Derrière le cas de cette jeune femme, c’est toute une mécanique d’inégalités systémiques que pointe le rapport. 

Dans le domaine de la santé, les femmes, les personnes en situation de handicap et les patients perçus comme étrangers sont les premières victimes. 

Leurs douleurs sont souvent jugées excessives, leurs propos soupçonnés d’exagération, leur souffrance minorée. 

«Un patient, quel qu’il soit, doit être écouté. Homme ou femme, blanc ou non, valide ou handicapé», rappelle le Défenseur, appelant à un sursaut collectif.

Créé en 2011, le Défenseur des droits est une autorité administrative indépendante chargée de veiller au respect des droits et libertés sur l’ensemble du territoire. 

Ses domaines de compétence sont vastes: lutte contre les discriminations, défense des droits de l’enfant, protection des lanceurs d’alerte, médiation avec les services publics. 

Chaque année, l’entité reçoit des milliers de saisines de citoyens en quête de justice. En 2024, plus de 125 000 demandes ont été enregistrées, dont un nombre croissant pour des faits de discrimination.


 


Nouvelle «édition historique» attendue pour le 8ème sommet Choose France

Le président français Emmanuel Macron prononce un discours lors du septième "Sommet Choose France", visant à attirer les investisseurs étrangers dans le pays, au Château de Versailles, en banlieue de Paris, le 13 mai 2024. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron prononce un discours lors du septième "Sommet Choose France", visant à attirer les investisseurs étrangers dans le pays, au Château de Versailles, en banlieue de Paris, le 13 mai 2024. (AFP)
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  • La huitième édition du sommet Choose France, destiné à attirer en France d'importants investissements étrangers, qui se tiendra lundi à Versailles, devrait être de nouveau "historique", espère l'Elysée, en battant les records de projets précédents
  • Les participants au sommet peuvent à la fois organiser des rencontres avec leurs pairs, mais aussi avec les membres du gouvernement, voire, pour quelques-uns, le président de la République en personne

PARIS: La huitième édition du sommet Choose France, destiné à attirer en France d'importants investissements étrangers, qui se tiendra lundi à Versailles, devrait être de nouveau "historique", espère l'Elysée, en battant les records de projets précédents.

Ceux-ci avaient représenté 15 milliards d'euros l'an dernier, contre 13 milliards en 2023 et 6,8 milliards l'année précédente. L'Elysée a indiqué à la presse avoir "bon espoir de dépasser le chiffre de l'année dernière" et être "en bonne voie" d'y parvenir.

L'an dernier, révèle jeudi le cabinet EY, la France a gardé sa première place européenne des investissements étrangers pour la 6ème année consécutive, malgré un nombre de projets et d'emplois à la clé en baisse.

Les participants au sommet peuvent à la fois organiser des rencontres avec leurs pairs, mais aussi avec les membres du gouvernement, voire, pour quelques-uns, le président de la République en personne.

Deux cents patrons (BYD, Blackstone, Goldman Sachs, IKEA, BASF, les fonds souverains du Golfe...) ont confirmé leur participation. 40% d'entre eux viennent d'Europe, et 19% des Etats-Unis.

Depuis 2017, 178 annonces d'investissements ont été faites, pour plus de 47 milliards d'euros.

L'édition de cette année est placée sous le thème "France, terre de créativité", en lien avec la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques, vue dans le monde entier, et la réouverture de Notre-Dame.

Parmi les nouveautés, une séquence sera consacrée aux investissements dans le secteur du tourisme et du patrimoine, une autre à l'attractivité de la France pour la production cinématographique et audiovisuelle, en profitant de la concomitance entre le sommet et le festival de Cannes.

Une table ronde sera réservée aux patrons sud-coréens, tandis qu'Emmanuel Macron participera à deux autres, l'une sur l'Intelligence artificielle, dans la foulée du sommet de l'IA tenu à Paris en février, au cours duquel 109 milliards d'euros d'investissements privés dans l'IA ont été annoncés, et une autre sur la transition énergétique.

Il recevra aussi personnellement le magnat mexicain des affaires Carlos Slim, la présidente du constructeur automobile chinois BYD, Stella Li, et le directeur général de l'entreprise saoudienne Qiddiya.

Outre Versailles, il effectue quatre déplacements en marge du sommet, notamment à la banque américaine JP Morgan ou à l'inauguration du bureau parisien du fonds souverain saoudien PIF.