PARIS: C’est une campagne par alternance, que le président Emmanuel Macron, candidat à sa propre succession, est dans l’obligation de mener en vue de l’élection présidentielle, prévue pour le 10 et 24 avril.
C’est une campagne qui n’en est pas une, puisqu’elle se résume à des apparitions ciblées, des mises au point ponctuelles à l’adresse des Français qu’Emmanuel Macron s’autorise quand son agenda le lui permet.
Cet agenda, les Français le savent, est accaparé par la guerre en Ukraine qui mobilise le président sortant de jour comme de nuit, avec ce qu’elle implique comme efforts et comme énergie pour éviter que cette guerre ne déborde du territoire ukrainien et pour parvenir à y mettre fin à un moment ou à un autre.
Un simple coup d’œil à son agenda, régulièrement diffusé par le palais de l’Élysée, suffit pour comprendre le degré de son implication dans le règlement de ce grave conflit, avec des sommets extraordinaires tantôt de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan), tantôt de l’Union européenne (UE) – dont il est le président en exercice –, ou du Groupe des sept (G7).
En dehors de ces rencontres improvisées, pour maintenir la mobilisation des grandes puissances à son plus haut degré, l’emploi du temps présidentiel est ponctué d’appels téléphoniques incessants avec les belligérants, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, et le président russe, Vladimir Poutine, ainsi qu’avec les différents dirigeants du monde pouvant contribuer à l’apaisement et la désescalade tant espérés depuis bientôt un mois.
Les événements de campagne dans tout ça?
Réduits au strict minimum, en dehors de l’incartade de presque quatre heures que le président sortant s’est octroyée pour dérouler son programme électoral à Aubervilliers.
Pas de bains de foules lors de déplacements électoraux dans les régions françaises, pas de grands meetings non plus, sauf celui prévu le 4 avril à la Défense, et surtout pas de débats avec les autres candidats, qui ne cachent pas leur frustration, voire leur amertume.
Nombre d’entre eux, dont la candidate de droite, Valérie Pécresse, l’accusent d’éviter le débat, parce que «son bilan est un boulet». D’autres lui reprochent de se draper dans son costume de chef de guerre pour éviter le corps-à-corps avec eux.
Cet état de fait ne peut en aucun cas être reproché à Emmanuel Macron qui voit sa campagne présidentielle laminée par la guerre en Ukraine, tout comme il a vu la pandémie de Covid-19 laminer les deux dernières années de son mandat, l’obligeant à revoir ses priorités.
Ces critiques sont légitimes dans la mesure où cette campagne présidentielle se déroule comme si chacun des candidats la menait seul dans son propre coin, loin de toute confrontation entre les idées et les mesures des uns et des autres.
Elles sont légitimes à partir du moment où les échanges entre les différents candidats font émerger des points d’accords ou de divergences qui éclairent le choix de l’électeur avant d’aller aux urnes.
Cette campagne échappe à cet exercice démocratique, ce qui a valu au président sortant de baisser de quelques points dans les sondages, même s’il est toujours en tête des sondages.
La déception n’épargne personne et elle touche les concurrents d’Emmanuel Macron, qui ont l’impression de donner des coups d’épée dans l’eau en s’attaquant au bilan de son quinquennat, sans qu’aucune riposte ne s’en suive.
Une frustration qui affecte également le président, car faute de temps, il se retrouve dans l’impossibilité de riposter aux critiques visant son bilan. De la même façon, il n’est pas en capacité de défendre les mesures arrêtées pour les cinq prochaines années s’il est réélu, ni de les développer et de les justifier.
D’ailleurs, certaines de ces mesures telles que les conditions qui assortiront le revenu de solidarité active(RSA) ou l’encadrement militaire des mineurs délinquants, ainsi que l’obligation de quitter le territoire français pour les déboutés du droit d’asile, sont à haut potentiel polémique.
Des polémiques vite disparues tant les esprits sont occupés par la guerre en Ukraine, «qui écrase tout» et rend «très difficile d’intéresser les gens et de faire vivre les propositions», selon un stratège de la campagne d’Emmanuel Macron cité par Le Figaro.
Une frustration qui affecte le président, car faute de temps, il se retrouve dans l’impossibilité de riposter aux critiques visant son bilan.
Cette campagne, sans relief ni intensité, peut nuire à la mobilisation des électeurs et grossir les rangs des abstentionnistes, tant l’impression d’un second tour entre le président sortant et la candidate de l’extrême droite, Marine Le Pen, est ancrée.
Cet état de fait ne peut en aucun cas être reproché à Emmanuel Macron qui voit sa campagne présidentielle laminée par la guerre en Ukraine, tout comme il a vu la pandémie de Covid-19 laminer les deux dernières années de son mandat, l’obligeant à revoir ses priorités.
Est-ce sa faute si l’Europe se retrouve face à un conflit armé qui se déroule sur son sol et qui est le plus grave depuis la Deuxième Guerre mondiale?
Peut-on lui reprocher de tenter d’apaiser et d’arrêter le déluge de feu lancé sur l’Ukraine par l’armée russe, une des dix armées les plus puissantes au monde?
Peut-on lui en vouloir de s’investir entièrement dans la recherche d’une issue pacifique à un conflit qui porte en lui la menace redoutable d’une guerre nucléaire?
Comment pouvait-il tourner le dos aux multiples crises et pénuries qui découlent de ce conflit et qui menacent le monde entier, sans chercher à anticiper et tenter de trouver des solutions?
Si tel avait été le cas, s’il avait esquivé les bruits des canons et les millions de réfugiés ukrainiens fuyant la guerre, pour battre la campagne à coups de slogans électoraux, aurait-il trouvé grâce aux yeux des Français et de ses adversaires?