Ukraine : Macron appelle à la désescalade des mots, répit à MykolaÏv

Emmanuel Macron a mis en garde dimanche contre une «escalade des mots et des actions en Ukraine» (Photo, AFP).
Emmanuel Macron a mis en garde dimanche contre une «escalade des mots et des actions en Ukraine» (Photo, AFP).
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Publié le Dimanche 27 mars 2022

Ukraine : Macron appelle à la désescalade des mots, répit à MykolaÏv

  • Macron a indiqué qu'il parlerait au président russe «demain ou après-demain» pour organiser une opération d'évacuation de la ville de Marioupol
  • Plusieurs tentatives visant à établir des itinéraires sûrs pour que les civils puissent quitter la ville ont échoué, les deux parties s'accusant mutuellement de violations de cessez-le-feu

KIEV: Le président français Emmanuel Macron a mis en garde dimanche contre "l'escalade des mots et des actions" en Ukraine, au lendemain des propos de son homologue américain Joe Biden sur Vladimir Poutine qu'il a qualifié  de "boucher".  

"Je n’utiliserai pas ce genre de propos parce que je continue de discuter avec le président Poutine", a déclaré M. Macron, qui a demandé à éviter "l’escalade des mots des actions" pour "arrêter la guerre que la Russie a lancée en Ukraine sans faire la guerre". 

M. Macron a par ailleurs indiqué qu'il parlerait au président russe "demain ou après-demain" pour organiser une opération d'évacuation de la ville de Marioupol, dans le sud-est de l'Ukraine, assiégée depuis des semaines.  

De nouveaux couloirs humanitaires ont été organisés dimanche pour permettre l'évacuation de civils de ce port ukrainien stratégique situé sur la mer d'Azov, où plus de 2.000 civils ont été tués, selon la municipalité.  

Plusieurs tentatives visant à établir des itinéraires sûrs pour que les civils puissent quitter la ville ont échoué, les deux parties s'accusant mutuellement de violations de cessez-le-feu. 

Ces évacuations devraient se dérouler dans un contexte diplomatique très tendu entre  Washington et Moscou, qui a dénoncé les propos tenus par M. Biden en Pologne samedi contre Vladimir Poutine qu'il a qualifié de "boucher" et dont il a jugé qu'il ne pouvait "pas rester au pouvoir".  

"Après tout, un chef d'Etat doit rester sobre", a déclaré samedi soir le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, cité par l'agence TASS. "Et bien sûr, à chaque fois de telles insultes personnelles réduisent la fenêtre d'opportunité pour nos relations bilatérales sous l'administration actuelle" américaine, a-t-il ajouté. 

Les déclarations du président Biden ont été immédiatement tempérées par la Maison Blanche. "Ce que le Président voulait dire, c'est que Poutine ne peut pas être autorisé à exercer un pouvoir sur ses voisins ou sur la région", a-t-elle voulu nuancer. "Il ne parlait pas du pouvoir de Poutine en Russie, ni d'un changement de régime", a-t-elle ajouté. 

« Le temps est magnifique »

Sur le terrain militaire, l'étau russe semble se desserrer dans certaines régions du sud de l'Ukraine. 

A Mykolaïv, les habitants ont retrouvé un peu d'espoir, après des semaines terribles pendant lesquelles l'armée russe a tenté en vain de faire sauter cette ville-verrou sur la route d'Odessa, plus grand port d'Ukraine, a constaté l'AFP. 

Le front a même sensiblement reculé, avec une contre-offensive ukrainienne sur Kherson, à quelque 80 kilomètres au sud-est, seule ville d'importance dont l'armée russe avait revendiqué la prise totale. 

"Le temps est magnifique", a commenté samedi le gouverneur de la région, Vitaly Kim, dans une de ces vidéos sur les réseaux sociaux qui ont fait sa popularité depuis le début de l'invasion russe. "Et sans frappes, il le serait encore plus". 

C'est une toute autre situation à environ 120 km au nord-est de Kiev, où la ville de Tcherniguiv est encerclée par les forces russes et il est impossible d'en évacuer massivement les civils et les blessés, a annoncé son maire, Vladislav Atrochenko.  

Dans la région de Tcherniguiv, l'armée russe "distribue de force sa soit-disant aide humanitaire à des fins de propagande dans les médias russes", affirme l'armée ukrainienne. 

Dans cette situation chaotique, les forces ukrainiennes ont toutefois affirmé avoir repris le contrôle de la ville de Trostianets, dans le nord-est du pays, selon le ministère de la Défense ukrainien. 

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a appelé dans sa dernière vidéo samedi soir à la fourniture de plus d'armes, et mis en cause l'inaction, à ses yeux, de l'Otan. 

"Nous avons besoin de plus d'armement. Nous devons non seulement protéger l'Ukraine mais aussi les autres pays d'Europe de l'Est, sous la menace d'une invasion russe. Nous l'avons dit clairement lors de nos entretiens avec nos homologues américains en Pologne", a-t-il dit. "Que fait l'Otan? Est-elle dirigée par la Russie? Qu'attendent-ils?", a-t-il critiqué. 

« Félicitations » de Poutine 

Le président Poutine a félicité dimanche dans une adresse vidéo la Garde Nationale (Rosgvardia) qu’il a créée il y a six ans, et particulièrement ceux qui participent à "l’opération militaire spéciale sur le territoire du Donbass et de l'Ukraine". 

"Oui, une situation de combat réelle est associée à un risque accru", a-t-il ajouté, affirmant: "Notre vaste pays tout entier est à juste titre fier de chacun de vous", a-t-il dit. 

Un peu plus d'un mois après l'invasion russe de l'Ukraine, le 24 février, le commandement russe a créé la surprise vendredi en annonçant "concentrer le gros des efforts sur l'objectif principal: la libération" du bassin minier du Donbass, tranchant avec la volonté affichée par Moscou jusque là de "démilitariser et dénazifier l'Ukraine" dans son ensemble et non pas seulement dans cette région orientale où se trouvent deux "républiques" séparatistes pro-russes. 

L'armée ukrainienne assure, dans le dernier bulletin de son état-major publié dimanche à l'aube, que dans le Donbass, dans les zones de Donetsk et Lougansk, "sept attaques ennemies ont été repoussées" et huit chars russes détruits. 

Les autorités ukrainiennes ont également annoncé samedi une série de frappes russes sur des dépôts de carburant, qui ont fait cinq blessés à Lviv, grande ville de l'ouest de l'Ukraine relativement épargnée par les combats pour l'instant. 

De son côté, le ministère russe de la Défense a confirmé dimanche ces frappes près de Lviv opérées avec des armes aériennes à longue portée de haute précision qui ont détruit une grande base de carburant utilisée par les troupes ukrainiennes. A Lviv encore, des missiles ont détruit les ateliers d'usine de réparation de radio militaire. 

Le ministère russe a également annoncé la destruction d’un dépôt de missiles dans un village situé à 30 km au sud-ouest de Kiev. 

A Kiev, "les groupes de sabotage de l'ennemi essayent toujours de pénétrer" dans la ville, selon l'état-major ukrainien dans son dernier bulletin. Une alerte antiaérienne a été déclenchée sur Kiev, et dans plusieurs autres villes dans la nuit de samedi à dimanche, et les habitants appelés à se mettre à l'abri. 

Il est cependant très difficile de vérifier de source indépendante ce qui se passe sur le théâtre des opérations. 

Référendum à Lougansk ? 

Le territoire séparatiste de Lougansk, dont Moscou a reconnu l'indépendance, pourrait bientôt organiser un référendum pour rejoindre la Russie, a déclaré dimanche le leader de ce territoire, Léonid Passetchnik. 

"Je pense que dans un avenir proche, un référendum aura lieu sur le territoire de la république (autoproclamée de Lougansk, ndlr), au cours duquel le peuple exercera son droit constitutionnel absolu et exprimera son opinion sur l'adhésion à la Fédération de Russie", a-t-il déclaré, cité par les agences russes. 

Selon les autorités régionales ukrainiennes, l'armée russe a pris le contrôle de la ville de Slavoutitch, où réside le personnel de la centrale nucléaire de Tchernobyl, arrêtant brièvement le maire et suscitant des manifestations pro-ukrainiennes. 

"Il n'y a pas eu de rotation des employés depuis près d'une semaine", soit depuis le 20 mars, sur le site de Tchernobyl, a indiqué l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) dans un communiqué, s'inquiétant de la capacité des employés qui gèrent les opérations quotidiennes de rentrer chez eux se reposer.


France: prières et recueillement pour le pape François à Paris et Marseille

Des fidèles participent à un défilé aux flambeaux et à un service de prière après la mort du pape François, devant le sanctuaire Notre-Dame à Lourdes, dans le sud de la France, le 21 avril 2025. (AFP)
Des fidèles participent à un défilé aux flambeaux et à un service de prière après la mort du pape François, devant le sanctuaire Notre-Dame à Lourdes, dans le sud de la France, le 21 avril 2025. (AFP)
  •  De nombreux fidèles se sont à nouveau déplacés vendredi pour le pape François, lors d'une messe à Notre-Dame à Paris puis d'une veillée de prières à Notre-Dame de la Garde à Marseille dans le sud de la France
  • A Paris, le Premier ministre français François Bayrou a assisté à la messe dans la cathédrale, chef d'oeuvre de l'art gothique récemment rénové après l'incendie de 2019

PARIS: De nombreux fidèles se sont à nouveau déplacés vendredi pour le pape François, lors d'une messe à Notre-Dame à Paris puis d'une veillée de prières à Notre-Dame de la Garde à Marseille dans le sud de la France, à la veille de ses funérailles au Vatican.

A Paris, le Premier ministre français François Bayrou a assisté à la messe dans la cathédrale, chef d'oeuvre de l'art gothique récemment rénové après l'incendie de 2019.

"J'ai vu les foules de la place Saint-Pierre et du parvis (de Notre-Dame) depuis lundi. Je me réjouis beaucoup de l'attachement des catholiques, du peuple d'une façon générale, à cette personnalité qui nous a marqués et a fait bouger les lignes dans l'Eglise et dans la société", a salué Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Paris, auprès de journalistes.

"La transformation des coeurs humains a pu s'opérer sous son aura", a poursuivi le prélat, qui a présidé la messe solennelle "d'action de grâce et pour le repos de l'âme du Saint Père" décédé lundi à Rome.

Une heure avant l'office, une queue de plusieurs centaines de mètres composée de fidèles attendait déjà de pouvoir entrer dans l'édifice.

"Les institutions françaises ont le devoir d'être présentes chaque fois qu'une partie importante du peuple français est bouleversée, touchée, est en deuil", a estimé M. Bayrou, à l'issue de cette cérémonie, estimant que le pape François "était une figure que beaucoup de Français ressentaient comme de bonté, de générosité et du côté des plus faibles et des plus fragiles".

A Marseille, une centaine de personnes ont participé à une veillée de prière à la basilique Notre-Dame de la Garde, la "Bonne mère", symbole de la deuxième ville de France, juchée sur une colline face au soleil couchant.

Le pape François s'était rendu dans cette basilique néo-byzantine aux murs recouverts d'ex-votos lors d'un déplacement à Marseille en septembre 2023. Il y avait dénoncé le sort des migrants en Méditerranée, martelant son message de secours et d'accueil.

- "Valeurs d'humanité" -

A Marseille, la veillée a débuté par une procession sur l'esplanade de la basilique, jusqu'au mémorial aux marins et migrants disparus en mer. Ce même monument devant lequel le jésuite argentin avait souhaité "prier pour les morts en mer, particulièrement les migrants", a rappelé à l'AFP le recteur de la basilique, le père Olivier Spinosa.

"Nous ne pouvons plus assister aux tragédies des naufrages provoqués par des trafics odieux et le fanatisme de l'indifférence", avait lancé le pape à cet endroit, assurant que "les personnes qui risquent de se noyer, lorsqu'elles sont abandonnées sur les flots, doivent être secourues".

"C'est un devoir d'humanité, c'est un devoir de civilisation", avait-il insisté.

"Marseille est cosmopolite, le pape aimait cela, et il avait demandé à ce que la Méditerranée ne soit pas un cimetière", s'est remémoré Robert Olivieri, 73 ans, qui avait assisté à la messe du pape dans le stade de la ville, lors de ce déplacement orchestré par l'archevêque de Marseille, le cardinal Jean-Marc Aveline.

"J'aurais aimé pouvoir aller à Rome mais ce n'est pas possible. Je me sens proche des écrits de François, sa proximité avec les pauvres et les migrants. Ça me touche beaucoup plus que Benoît XVI qui était plus un théologien", a témoigné Sandrine Gougeon, 46 ans, auprès de l'AFP. Pour elle, "le décès de François rajoute de l'incertitude, une forme d'insécurité au monde".

Les funérailles du pape François, décédé lundi à 88 ans, se déroulent samedi. Après la messe en plusieurs langues, place Saint-Pierre, son cercueil sera transporté à la basilique Sainte-Marie-Majeure, dans le centre de Rome, où il sera inhumé.


Arrivée de 115 personnes évacuées de Gaza à l'aéroport de Paris-Orly

Selon une source diplomatique, "500 personnes" ont été évacuées par la France depuis l'attaque du 7 octobre. (AFP)
Selon une source diplomatique, "500 personnes" ont été évacuées par la France depuis l'attaque du 7 octobre. (AFP)
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  • Le groupe est constitué de "ressortissants français et de leurs ayants droit, de personnels de l'Institut français de Gaza et leurs familles, de personnalités palestiniennes proches de notre pays"
  • La semaine dernière, 59 personnes étaient déjà arrivées en région parisienne, selon la même source

ORLY: Un groupe de 115 personnes évacuées de la bande de Gaza, à l'initiative de la France, est arrivé à l'aéroport de Paris-Orly vendredi, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Le groupe est constitué de "ressortissants français et de leurs ayants droit, de personnels de l'Institut français de Gaza et leurs familles, de personnalités palestiniennes proches de notre pays", a détaillé une source diplomatique, précisant que cette arrivée depuis Gaza est la plus importante depuis le début de la guerre lancée en représailles à l'attaque du Hamas en Israël le 7 octobre 2023.

La semaine dernière, 59 personnes étaient déjà arrivées en région parisienne, selon la même source.

Les familles déjà présentes en France ont attendu en fin de matinée l'arrivée de leurs proches dans une ambiance joyeuse, ont constaté les journalistes de l'AFP.

Parmi les nouveaux arrivés, il y a "des étudiants, boursiers du gouvernement français, qui ont leur bourse depuis 15 ou 18 mois à peu près, mais qui n'avaient pas encore pu venir effectuer leurs études en France", ainsi que des "chercheurs et artistes", venus "pour la plupart avec leur famille", selon Annick Suzor-Weiner, professeure émérite à l'université Paris-Saclay, vice-présidente du réseau Migrants dans l'enseignement supérieur.

Selon une source diplomatique, "500 personnes" ont été évacuées par la France depuis l'attaque du 7 octobre.

Rompant une trêve de près de deux mois dans la guerre déclenchée il y a plus d'un an et demi, Israël a repris le 18 mars son offensive aérienne puis terrestre dans la bande de Gaza et au moins 1.978 Palestiniens ont été tués depuis, selon les chiffres publiés jeudi par le ministère de la Santé du Hamas.

Ce bilan porte à 51.355 le nombre de morts dans la bande de Gaza, selon la même source, depuis le début de la guerre.

Cette attaque sans précédent a entraîné la mort de 1.218 personnes côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles.


Accusé de complicité de crimes de guerre en Syrie, un ex-rebelle salafiste jugé à partir de mardi à Paris

Des automobilistes passent devant un grand panneau représentant le nouveau drapeau syrien, datant à l'origine de la période d'indépendance et utilisé par les rebelles contre le gouvernement dirigé par Assad, avec un slogan en arabe indiquant « La Syrie pour tous », dans la ville de Lattaquié, à l'ouest de la Syrie, le 9 mars 2025. (AFP)
Des automobilistes passent devant un grand panneau représentant le nouveau drapeau syrien, datant à l'origine de la période d'indépendance et utilisé par les rebelles contre le gouvernement dirigé par Assad, avec un slogan en arabe indiquant « La Syrie pour tous », dans la ville de Lattaquié, à l'ouest de la Syrie, le 9 mars 2025. (AFP)
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  • Pour les avocats de l'accusé, Romain Ruiz et Raphaël Kempf, la chute en décembre 2024 du régime de Bachar al-Assad ouvre de nouvelles perspectives et pose la "question de la légitimité" de ce procès
  • Ex-officier de l'armée syrienne, Majdi Nema avait fait défection en novembre 2012 pour rejoindre Zahran Alloush, fondateur et commandant en chef de Liwa al-Islam, devenu JAI en 2013

PARIS: Un an après avoir condamné par défaut trois hauts responsables du régime syrien de Bachar al-Assad à la perpétuité, la justice française juge à partir de mardi un ex-rebelle salafiste syrien pour complicité de crimes de guerre commis entre 2013 et 2016 dans son pays.

Placé en détention provisoire depuis janvier 2020, Majdi Nema, ancien membre de Jaysh al-Islam (JAI, Armée de l'islam), conteste les accusations, affirmant n'avoir eu qu'un "rôle limité" dans ce groupe prônant la charia et qui combattait le régime syrien.

Agé de 36 ans, il sera jugé, en vertu de la compétence universelle de la justice française, pour complicité de crimes de guerre et pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation de crimes de guerre. Il est notamment soupçonné d'avoir aidé à enrôler des enfants ou des adolescents dans les rangs des "Lionceaux de l'islam" et à les former à l'action armée.

Pour ces faits, il encourt 20 ans de réclusion criminelle.

"Ce dossier sera l'occasion de mettre en lumière toute la complexité du conflit syrien qui ne se limitait pas aux crimes du régime", estime Marc Bailly, avocat de la Fédération internationale des droits humains et de plusieurs parties civiles aux côtés de Me Clémence Bectarte.

Ex-officier de l'armée syrienne, Majdi Nema avait fait défection en novembre 2012 pour rejoindre Zahran Alloush, fondateur et commandant en chef de Liwa al-Islam, devenu JAI en 2013. Ce groupe avait pris dès 2011 le contrôle de la Ghouta orientale, au nord-est de Damas.

Proche du chef du mouvement, l'accusé avait pris comme nom de guerre Islam Alloush.

Etudiant en France 

Aux enquêteurs, il a affirmé avoir quitté la Ghouta orientale fin mai 2013 pour rejoindre la Turquie, d'où il agissait comme porte-parole de JAI, ce qui prouverait qu'il n'a pu commettre les crimes reprochés. Il dit avoir quitté le groupe en 2016.

En novembre 2019, il était arrivé en France pour suivre comme étudiant un cycle de conférences à l'Institut de recherche sur le monde arabe et musulman de l'université Aix-Marseille (sud-est).

Alors qu'une plainte avait été déposée en France contre JAI quelques mois auparavant, il avait été interpellé en janvier 2020 et inculpé par un juge du pôle crimes contre l'humanité du tribunal de Paris.

Au terme de la procédure, il avait aussi été renvoyé devant les assises pour complicité de disparitions forcées. Il était mis en cause, en tant que membre de JAI, dans l'enlèvement le 9 décembre 2013 de quatre militants des droits humains, dont l'avocate et journaliste syrienne Razan Zeitouneh, jamais retrouvés.

Mais la cour d'appel de Paris a annulé ces poursuites en novembre 2023 pour des raisons procédurales, même si elle affirmait dans son arrêt que "Jaysh al-Islam doit être considéré comme responsable de la disparition" des quatre activistes. Ce qui avait été ensuite validé par la Cour de cassation, la juridiction la plus élevée de l'ordre judiciaire français.

Pendant l'instruction, la défense de Majdi Nema a contesté le principe de la compétence universelle de la justice française, qui lui permet de juger un étranger pour des crimes contre l'humanité ou des crimes de guerre commis à l'étranger contre des étrangers, mais la Cour de cassation a rejeté son pourvoi.

Légitimité du procès 

Pour les avocats de l'accusé, Romain Ruiz et Raphaël Kempf, la chute en décembre 2024 du régime de Bachar al-Assad ouvre de nouvelles perspectives et pose la "question de la légitimité" de ce procès.

"Il est incontestable qu'à travers l'organisation de ce procès, la justice française manifeste une forme de mépris envers les Syriens", désireux de juger sur leur sol leurs ressortissants, estiment-ils.

"En l'état actuel, il est impossible de faire un procès en Syrie pour ces crimes. Il n'y a pas d'autorité diplomatique, pas d'autorité judiciaire, et à ce stade pas de réelle séparation des pouvoirs", rétorque Me Bailly.

D'autant que le flou règne sur les rapports entre le groupe et les nouvelles autorités syriennes.

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme, JAI avait des liens avec le groupe rebelle islamiste Hayat Tahrir al-Sham, dirigé par Ahmad al-Chareh, désormais président par intérim du pays. JAI pourrait agir sous d'autres noms depuis que le nouveau pouvoir a annoncé la dissolution des groupes armés et leur intégration dans la nouvelle armée.

Le procès est prévu jusqu'au 27 mai devant la cour d'assises de Paris.