PARIS : Premier acte de régulation d'un secteur régulièrement critiqué, les élections professionnelles des livreurs de repas et chauffeurs VTC avancent cahin-caha, freinées par des questions toujours sans réponse sur le contenu précis du futur dialogue social ou les moyens de contraindre les plateformes.
La première phase vient de désigner pas moins de seize listes (sept pour les VTC et neuf pour les chauffeurs-livreurs) pour le scrutin (9-16 mai) placé sous l'égide de l'Arpe (autorité de régulation des plateformes d'emploi).
«On a eu des candidats en nombre, ce n'était pas certain», se félicite Joël Blondel, le directeur général de l'Arpe.
Sur les listes électorales, figureront environ 39.000 chauffeurs VTC et 84.000 livreurs parmi les indépendants collaborant avec les plateformes de type Uber ou Deliveroo.
Selon les organisations du secteur, candidats ou non, c'est malheureusement à peu près tout pour les points positifs.
«Je dis depuis des années qu'on a mal à la tête et là on nous donne un médicament pour les pieds», ironise ainsi Sayah Baaroun, secrétaire général du syndicat des chauffeurs privés VTC (SCP), grand absent avec l'intersyndicale nationale VTC (INV) et le Clap (collectif des livreurs autonomes parisiens).
Associées aux discussions préliminaires, ces trois-là n'ont pas souhaité aller plus loin, dénonçant l'absence de cadre clair.
«C'est un premier exercice», leur répond le patron de l'autorité pour expliquer l'impression de «flou» entretenue notamment par la situation de FO : le syndicat, qui n'avait pas candidaté dans les temps, a finalement été retenu.
Côté plateformes, Uber se félicite de l'organisation de ce scrutin car «le dialogue social est une excellente façon de faire avancer les choses».
Cela «donne des résultats avec des accords obligatoires» qui vont «permettre d'asseoir le statut d'indépendant que les travailleurs appellent de leur vœux», a indiqué la firme américaine.
Un constat battu en brèche par Brahim Ben Ali (INV) pour qui l'introduction récente d'un amendement permettant de négocier des accords de couverture santé complémentaire «créé de la dépendance».
«Ça existe déjà en Angleterre. Pour avoir la caisse de retraite des VTC il faut atteindre des objectifs fixés par Uber», explique-t-il.
«dialogue social de pacotille»
A contrario, une organisation comme la CGT, candidate chez les coursiers, se bat depuis des années pour la reconnaissance du salariat.
Les détracteurs de l'initiative française l'accusent de faire le jeu des plateformes qui pourront s'abriter derrière un «dialogue social de pacotille», selon Jérôme Pimot (Clap), ou a minima permettre à un gouvernement «ultra-rétrograde» sur ces questions selon Ludovic Rioux (CGT) de jouer la montre.
«Il y aura très peu de votants», imagine le cégétiste qui liste les points faibles du scrutin : «vote électronique exclusif», «travailleurs précaires». «La conséquence c'est que cette instance risque d'être peu représentative».
Dans ces circonstances, si le taux de participation se situait «entre 5 et 10%», cela satisferait l'Arpe. M. Blondel jure néanmoins que deux décrets adoptés avant le scrutin viendront lever les nombreuses inconnues qui subsistent.
La représentativité patronale reste à définir. Tout comme le nombre de représentants sur chaque liste de travailleurs.
Mais le grand point d'interrogation reste le contenu du futur dialogue social.
«Les deux urgences, ce sont la rémunération et la protection sociale», clame ainsi M. Chevet (Union-Indépendant) en demandant que l'intégralité de la chaîne de valeurs des plateformes, qui monnayent leurs données numériques, ruisselle sur les travailleurs dont la rémunération repose exclusivement sur la livraison.
Pour la CGT, sécurité et conditions de travail doivent aussi être débattues.
«Il est également encore trop facile d'être déconnecté, de se faire licencier», insiste M. Rioux.
«On pourra discuter de l'essentiel de ce à quoi les travailleurs aspirent à discuter», promet néanmoins Joël Blondel.
Certains, comme Sayah Baaroun (SCP), dénoncent l'absence de «contrainte pour les plateformes hormis celle de siéger» et redoutent des négociations sans accords.