RAMALLAH: Les liens de l’Autorité palestinienne (AP) avec l’Union européenne (UE) sont devenues tendus à la suite de la suspension par le bloc européen de son soutien financier à plusieurs projets palestiniens au cours des quinze derniers mois.
L’UE lie cette aide au retrait de certains éléments des manuels scolaires palestiniens et à l’arrêt du versement des salaires aux prisonniers palestiniens, ont indiqué des responsables palestiniens à Arab News à Ramallah.
L’AP a envoyé une délégation de haut niveau à Bruxelles afin de persuader les États membres de l’UE de reprendre l’acheminement de l’aide. L’autorité a affirmé avoir presque réussi à surmonter les obstacles en obtenant l’approbation de l’UE pour consacrer 94 millions de dollars (1 dollar = 0,86 euro) à l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (Unrwa), 149 millions de dollars au budget de l’AP et 88,5 millions de dollars aux projets de développement de l’AP.
«Sur les 27 pays de l’UE, il n’y a qu’un seul pays, la Hongrie, qui s’est opposé au soutien financier de l’AP. Ils finiront par trouver une solution, et le soutien sera peut-être retardé, mais il ne s’arrêtera pas», a déclaré à Arab News un haut responsable de l’AP qui a requis l’anonymat.
L’UE est largement considérée comme le principal fournisseur de soutien à l’AP, avec un transfert d’aide annuel de 265 millions de dollars qui couvre 80% des salaires des 140 000 employés de l’AP dans les secteurs civil et de la sécurité.
Le problème a surgi il y a environ quinze mois, lorsque l’UE a suspendu son aide et a demandé aux autorités de modifier certains contenus des manuels scolaires qu’Israël considère comme antisémites et des exemples incitant à la haine raciale. L’UE a également appelé l’AP à cesser de verser des salaires aux centaines de prisonniers palestiniens détenus dans les prisons israéliennes, mais l’AP a rejeté cette demande.
«La Hongrie entretient de bonnes relations avec Israël, alors elle tente de nous faire chanter en imposant les conditions israéliennes, comme la modification des programmes scolaires et l’arrêt du versement des salaires aux prisonniers. Cependant, les Palestiniens n’ont pas besoin d’inciter à la haine contre Israël par le biais des livres scolaires», a expliqué le haut responsable de l’AP à Arab News.
Avec l’arrêt complet de l’aide fournie par les pays arabes et les États-Unis, l’AP dépend entièrement des recettes fiscales collectées par Israël en son nom et transférées chaque mois à l’autorité, ainsi que des impôts locaux, qui fournissent ensemble un total de 277 millions de dollars. Sa masse salariale mensuelle s’élève à 293 millions de dollars. Au cours des trois derniers mois, l’AP n’a pas été en mesure de verser l’intégralité des salaires à ses employés, qui n'ont reçu que 80% de leur rémunération.
Par ailleurs, les médias israéliens ont laissé entendre que l’UE avait récemment adopté une attitude ferme à l’égard de l’AP, mais des sources palestiniennes et européennes ont démenti cette information, la qualifiant de «souhaits israéliens».
Le 16 mars, Martin Konecny, chef du Projet européen pour le Moyen-Orient, un hub indépendant de la société civile à Bruxelles, a tweeté : «Pour tous ceux qui suivent cette affaire (...), le rapport comprend des informations erronées. La proposition de conditionnalité d’Oliver Varhelyi (représentant hongrois et commissaire à l’élargissement et à la politique européenne de voisinage) n’a pas été adoptée.»
Les Palestiniens prétendent qu’Israël veut supprimer le contenu des manuels scolaires qui reflètent fidèlement le point de vue palestinien, lequel est fondé sur une histoire exacte du conflit.
Ils soutiennent que les exigences de l’UE ne peuvent pas être suivies parce que le bloc ne contrôle pas les programmes scolaires israéliens, qui regorgent d’incitations à la haine contre les Palestiniens.
«En l’absence d’un véritable processus de paix et d’un contrôle sur les programmes scolaires israéliens, il est inacceptable de demander à la partie palestinienne de retirer sa version des faits, d’autant plus que les programmes scolaires palestiniens ne contiennent pas d’incitation au terrorisme, ne mentionnent pas le droit de retour ou ne sont pas en contradiction avec l’esprit de l’accord de paix d’Oslo», a indiqué à Arab News Samir Hulileh, ancien vice-ministre palestinien de l’Économie.
Les personnes les plus touchées par la baisse de l’aide européenne sont les 115 000 familles à faible revenu de Cisjordanie et de la bande de Gaza qui dépendent d’un salaire mensuel de 231 dollars ou moins. Ces familles n’ont pas touché leur dû au cours des cinq derniers mois, l’Autorité palestinienne n’ayant pas trouvé de source alternative pour ces paiements, selon des sources palestiniennes.
«Le budget de l’AP, l’Unrwa et les projets de développement peuvent attendre un certain temps, mais pas les familles à faibles revenus. L’UE n’aurait pas dû suspendre absolument toute aide, mais plutôt exclure l’aide fournie à ce groupe pauvre de la société palestinienne», estime M. Hulileh.
L’annonce du financement de l’UE intervient alors que l’AP continue de faire face à son plus grand défi: un déficit budgétaire de 61 millions de dollars par mois.
Ces difficultés ont été aggravées par une baisse considérable de l’aide internationale. En 2011, le volume de l’aide étrangère octroyée à l’AP s’élevait à 1,7 milliard de dollars, mais en 2021, il est tombé à 186 millions de dollars.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com