NEW YORK: Près de 14 milliards de dollars (1 dollar américain = 0,91 euro) d'aide internationale versés au Yémen au cours des sept dernières années ont fait une «énorme différence» pour la population du pays, a signalé Martin Griffiths, responsable de l’aide humanitaire des Nations unies.
Cette aide a permis d’éviter une famine généralisée et de stabiliser les taux de morbidité et de mortalité dans le pays ravagé par la guerre, a-t-il ajouté.
Toutefois, Griffiths a annoncé mardi au Conseil de sécurité que 75% de cette somme «exceptionnelle, extraordinaire et généreuse» provenaient de six donateurs seulement : les États-Unis, l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne et l'UE. Il a remercié tous les donateurs, en soulignant l'importance de mettre l’accent sur les contributions et les bénéfices humanitaires au Yémen qu’elles ont permis d’obtenir.
«Tout d’abord, il n'y a pas eu de famine de masse au Yémen, comme on nous l'a si souvent rappelé», a expliqué Griffiths. Il a aussi appelé à la poursuite des efforts dans le but de prévenir la famine et la malnutrition dans un contexte d'insécurité alimentaire croissante.
«Le Yémen s'est engagé à plusieurs reprises sur cette voie sombre, notamment au début de l'année dernière, pour être sauvé de cette situation par une action humanitaire opportune et bien financée. C’est un succès considérable.»
Griffiths a de plus signalé que l'aide a contribué à maintenir les taux de morbidité et de mortalité stables pendant le conflit.
«Autrement dit, sans le niveau de la réponse, beaucoup plus de personnes au Yémen seraient tombées malades et beaucoup seraient même mortes», a-t-il avisé. «C'est un autre résultat essentiel. Ces réalisations et d'autres sont le résultat d'une action collective, et non l'action d'un seul pays.»
Il s'exprimait lors d'une réunion du Conseil de sécurité afin de discuter de la situation au Yémen, avant un événement d’annonce de contributions de haut niveau des donateurs qui se tiendra mercredi, et qui sera co-organisé par la Suède et la Suisse. Les organisations humanitaires recherchent près de 4,3 milliards de dollars de financement pour continuer à aider plus de 17 millions de Yéménites à travers tout le pays.
«L'événement de demain n'est seulement une question d'argent, même si ceci reste extrêmement important», a affirmé Griffiths. «C'est aussi l’occasion pour la communauté internationale de montrer que nous n’abandonnons pas le Yémen, même après toutes ces années et avec l'émergence de nouvelles crises. Cela est un message très important.»
Selon lui, la situation au Yémen continue de représenter une situation d’«urgence chronique», car la faim, la maladie et «d'autres misères» augmentent plus rapidement que les agences d'aide humanitaire ne sont en mesure de les satisfaire.
«23,4 millions de personnes ont maintenant besoin d'une quelconque forme d'assistance», a dévoilé Griffiths. «Cela représente trois personnes sur quatre et c'est un chiffre étonnant qui est si profondément troublant.»
«Parmi elles, 19 millions souffriront de la faim, ce qui représente une augmentation de près de 20% par rapport à l'année dernière. Nous pensons, et j'utilise ces mots avec précaution, que plus de 160 000 de ces personnes seront confrontées à des conditions proches de la famine.»
Malgré les nombreux appels internationaux à un cessez-le-feu et à des pourparlers de paix pour résoudre le conflit au Yémen, les hostilités persistent encore dans environ 50 lignes de front, en particulier à Marib, où une offensive houthie se poursuit depuis deux ans, a avisé Griffiths.
«L'année dernière, les hostilités ont tué ou blessé plus de 2 500 civils et forcé près de 300 000 personnes à fuir leurs maisons», a-t-il expliqué. Il a ajouté que 4,3 millions de personnes ont été déplacées à l’intérieur du Yémen depuis 2015.
Le Yémen importe un tiers de son approvisionnement en blé d'Ukraine. La guerre qui fait rage dans ce pays après l'invasion russe le mois dernier pourra restreindre les importations et faire grimper le coût des denrées alimentaires, qui a déjà presque doublé au Yémen l'année dernière, a indiqué Griffiths. Les pénuries de carburant contribuent également à la hausse des prix des produits alimentaires, a-t-il ajouté.
Hans Grundberg, l'envoyé spécial du secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, pour le Yémen, a déclaré au Conseil de sécurité que le peuple yéménite s'est vu refuser la possibilité de vivre en paix pendant plusieurs années. Pour cette raison, un effort conjoint et concerté de la communauté internationale est nécessaire afin de briser «ce cycle sans fin de violence et jeter les bases d'une paix durable».
Pendant son briefing devant les membres du Conseil concernant les derniers développements de la situation sécuritaire au Yémen, Grundberg a déclaré que les hostilités sont toujours aussi intenses sur plusieurs fronts. Entre autres exemples, il a souligné que les Houthis continuent leur l'offensive contre Marib, qui «a fait beaucoup de dommages aux civils» depuis deux ans.
«La violence continue également de se propager dans la région», a-t-il affirmé. «Le 21 février, les éclats d'un drone interceptés au-dessus de l'aéroport Roi Abdallah de la ville de Jazan ont blessé 16 civils.»
Le fait est qu'il ne peut y avoir de solution militaire durable au conflit, a estimé Grundberg. «Comme toujours, nous voyons des civils payer un prix inacceptable pour des choix sur lesquels ils n'ont aucune influence.»
Selon, l'UNICEF, l’Organisation des Nations unies pour l'enfance, au moins 47 enfants ont été tués ou mutilés au Yémen au cours des deux premiers mois de cette année seulement. Plus de 10 200 enfants ont été confirmés tués ou blessés au cours des sept dernières années. Toutefois, le nombre réel est probablement beaucoup plus élevé, a indiqué l'organisation.
Grundberg a en outre averti que la crise économique continue de s'intensifier et risque de s'aggraver. La valeur de la monnaie yéménite a chuté de 20% par rapport au dollar à Aden et dans les gouvernorats environnants. Cela fait craindre une nouvelle baisse brutale du taux de change, une hausse des prix et une aggravation des divisions dans l'économie nationale. Il a appelé à des mesures tangibles de manière à aider à stabiliser la monnaie locale.
Les pénuries de carburant sont particulièrement graves dans les zones contrôlées par les Houthis, a révélé Grundberg. Ces pénuries, combinées à la dépréciation de la monnaie, affecteront encore plus les civils alors que les ménages se préparent au Ramadan. Les Yéménites continuent également de vivre avec de sévères restrictions à la liberté de mouvement, a-t-il ajouté.
«La fermeture de l'aéroport de Sanaa empêche de nombreux Yéménites du nord de voyager à l'étranger», a-t-il expliqué. «La poursuite des combats, la multiplication des postes de contrôle et la fermeture des points d'accès, notamment à Taïz, entravent également la circulation des Yéménites à l'intérieur du pays.»
Grundberg a ainsi confié qu'il s’efforce d’explorer avec les différentes factions yéménites les options de mesures de désescalade immédiates qui pourraient réduire la violence, atténuer la crise du carburant et améliorer la liberté de mouvement.
«À l'approche du Ramadan, j’espère que les parties s'engageront rapidement et de façon constructive dans mes propositions afin d’apporter au peuple yéménite l'espoir et le soulagement dont il a tant besoin», a-t-il ajouté.
«À cet égard, je me réjouis de pouvoir m’entretenir avec les dirigeants d'Ansar Allah (le nom officiel du mouvement Houthi) à Sanaa sur cette question, ainsi que sur la manière dont nous pouvons faire avancer le processus politique.»
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com