RIYAD: En raison des conséquences du conflit russo-ukrainien et de l'interdiction d'importation du Conseil de coopération du Golfe (CCG), le Liban tient à rétablir ses liens commerciaux avec l'Arabie saoudite qui, en 2020, représentaient plus de 200 millions de dollars (1 dollar = 0,91 euro) d'exportations.
Interrogé par Arab News, le ministre libanais de l'Économie et du Commerce, Amine Salam, précise qu'il s'emploie «activement à améliorer les relations économiques avec les pays du CCG, notamment l'Arabie saoudite».
Le pays se trouve confronté à une crise économique sans précédent qui a également affecté la région en raison de l'inflation et de l'affaiblissement des importations et des exportations.
Il est effectivement en grande difficulté depuis que la crise économique qui a commencé en 2019 a entraîné la dévaluation de la livre libanaise et la flambée des prix des biens de consommation. Selon la Banque mondiale, c'est l'une des pires crises que le monde ait connues.
En termes de valeur, le PIB du Liban est passé d'environ 52 milliards de dollars en 2019 à 33,38 milliards en 2020 et à environ 21,8 milliards en 2021, ce qui représente la baisse la plus importante parmi les 193 nations.
Cet effondrement, auquel s’ajoute l'explosion du port de Beyrouth en août 2020 – décrite comme l’explosion non nucléaire la plus grande du monde –, a touché 56% des entreprises privées de Beyrouth et a ralenti les opérations du port de la capitale, selon une étude menée par l'Observatoire des droits de l'homme (HRW).
Selon le Moniteur économique libanais de la Banque mondiale (LEM), le ralentissement volontaire du pays a également été alimenté par l'élite qui a longtemps été au pouvoir et a profité des rentes économiques de la nation.
Liens économiques entre le Liban et le CCG
Si l’on fait abstraction du fait que les politiciens libanais ont été soumis à plusieurs sanctions mondiales, le pays a également perdu ses liens commerciaux avec le CCG en raison des tentatives de contrebande de drogues, notamment de Captagon, dans la région. Pour corriger son passé peu flatteur, le Liban s'est lancé dans une mission de relance afin de rétablir ces partenariats économiques.
Les autorités libanaises luttent activement contre la contrebande de drogue vers le CCG et l'Arabie saoudite. En janvier dernier, les Forces de sécurité intérieure au Liban (FSI) ont déjoué une tentative de contrebande d'un volume important de pilules de Captagon dans une cargaison de café à destination de l'Arabie saoudite, via la Jordanie.
Ce pays en difficulté sait qu'il ne pourra reprendre ses échanges avec l'Arabie saoudite et les autres pays du Golfe qu'après avoir retrouvé la légitimité d'une nation exempte de drogue et de terrorisme.
Le ministre libanais de l'Économie et du Commerce souligne également l'importance du rôle que joue l'Arabie saoudite dans la balance commerciale de l'import-export du Liban.
«Si l'on compare les échanges bilatéraux, l'Arabie saoudite est probablement le seul pays à présenter une balance commerciale parfaite avec le Liban», souligne-t-il.
D'après Salam, le mécanisme d'amélioration de ces liens commerciaux est «un exercice continu, parce que la confiance doit être méritée».
«Nous sommes optimistes au sujet de la situation économique. Nous réussirons à surmonter cette épreuve et nous rétablirons les liens avec l'Arabie saoudite», affirme-t-il.
L’épuisement du panier alimentaire
Le commerce international des devises a été très volatil; il s’est orienté vers le Sud à cause de la crise ukrainienne et de la hausse des prix du pétrole et des matières premières.
Selon Salam, les réserves actuelles de blé du Liban ne suffiront que pour quarante-cinq à soixante jours, ce qui rend le problème encore plus grave. Effectivement, 60% des importations de blé du pays proviennent de l’Ukraine.
Toutefois, il a rassuré les citoyens libanais en leur demandant de ne pas s'inquiéter de la pénurie, puisque son ministère s'efforce de conclure, d'ici à la semaine prochaine, un accord qui consiste à importer 50 000 tonnes de blé.
«Il est inutile de s'inquiéter au sujet de la pénurie alimentaire», insiste Salam.
Le pays a connu un lourd déficit au niveau des réserves du gouvernement et de la Banque centrale. Les citoyens craignent toujours une hausse des prix sans précédent dans la mesure où le gouvernement ne peut plus subventionner les produits de première nécessité.
Cependant, le ministre a expliqué qu'ils «ne comptaient pas sur les réserves de la Banque centrale ni sur celles du ministère des Finances.»
«Nous travaillons sur de multiples pistes, parmi lesquelles le soutien de la Banque mondiale, qui pourrait financer nos besoins en matière de sécurité, en plus des donations que nous demandons à plusieurs pays», fait-il savoir.
Une crise de la sécurité alimentaire n'est pas la seule catastrophe que les Libanais redoutent dans un proche avenir.
Au début du mois, les prix officiels de carburant ont grimpé en flèche dans le pays. Le bidon de 20 litres d'essence a dépassé les 400 000 livres libanaises, soit 20 dollars, alors qu'un bidon de 20 litres de diesel coûtait 375 000 livres libanaises.
Cette hausse des prix a conduit les citoyens, qui redoutent la pénurie de carburant et l'hyperinflation potentielle des prix, à faire la queue devant les stations-service.
Bizarrement, les prix de l'essence continuent à augmenter au Liban alors que les prix mondiaux des carburants ont fortement baissé ces derniers jours.
Cette stagnation des prix s'explique principalement par le fait que les agences exclusives monopolisées et protégées par le gouvernement fixent généralement les prix plus haut que ceux du marché. Le mois dernier, le Parlement libanais a adopté le projet de loi tant attendu sur la concurrence, qui a éliminé les programmes exclusifs des concessionnaires.
Cependant, le problème au Liban réside dans l'exécution de ces lois et non dans leur rédaction. Le ministre Amine Salam a rappelé que la prochaine mission du gouvernement consistait à mettre en œuvre cette loi sur la concurrence.
«Elle a été appréciée par toutes les organisations internationales, notamment par le FMI [Fonds monétaire international, NDLR], parce qu'elle représente la première série de réformes qui répond aux conditions préalables du FMI et de l'OMC», signale Salam, qui a donné davantage de détails concernant la loi sur la concurrence.
Par ailleurs, le ministre a expliqué que cela pourrait améliorer le système de tarification au Liban dans la mesure où la situation de l'offre et de la demande serait régularisée. «La levée des protections des agences exclusives du gouvernement aura un fort impact positif sur l'économie et fera baisser les prix de 20 à 40 %», explique-t-il.
Le dernier recours
En outre, le Liban conclut actuellement des accords d'investissement avec le géant français du transport maritime CMA CGM ainsi qu’avec plusieurs autres entreprises dans le but de restaurer le port de Beyrouth et d’améliorer l'activité économique.
Le pays souhaite également attirer un plus grand nombre d'investisseurs afin d’augmenter progressivement ses performances économiques.
«La France est en tête de ces opportunités d'investissement. Elle s'est déjà engagée à participer à plusieurs projets. Nous espérons aussi voir une plus grande implication de la part d'autres pays», confie Salam.
Le FMI prévoit de visiter le Liban fin mars ou début avril. D'ailleurs, il entretient des discussions hebdomadaires avec le comité libanais et l'État s'efforce de respecter les exigences nécessaires qui lui permettraient d'obtenir une aide financière.
«La finalisation du budget et des audits de la Banque centrale fait partie des priorités [du FMI]», observe Salam.
Dans un contexte d'inflation, de pauvreté et de taux records de chômage et d'immigration, l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et la France œuvrent à la mise en place d'un mécanisme conjoint qui vise à soutenir financièrement plusieurs secteurs au Liban à travers des dons directs destinés à des initiatives locales.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com