CASABLANCA : Dans un communiqué de presse publié le vendredi 11 mars, Qu Dongyu, le directeur de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a détaillé les principaux défis de la sécurité alimentaire mondiale, dans le contexte du conflit russo-ukrainien qui empire de jour en jour.
Dans ce communiqué, Qu Dongyu explique en préambule que la Covid-19 a été source de nombreuses difficultés pour la sécurité alimentaire mondiale ces deux dernières années et que les événements qui se déroulent en Russie et en Ukraine viennent aggraver la situation. Les deux pays occupent en effet une place importante dans la production et l’offre mondiales de produits alimentaires. Pour appuyer son propos, le directeur de la FAO précise que ces deux pays assurent à eux deux 19 % de l’offre d’orge, 14 % de l’offre de blé et 4 % de l’offre de maïs mondiales, et réalisent plus d’un tiers des exportations mondiales de céréales. L’offre mondiale d’engrais est aussi extrêmement concentrée, la Russie en étant le premier producteur.
Ainsi, selon Qu Dongyu, «les perturbations subies par la production et les filières d’approvisionnement et d’acheminement des céréales et des graines oléagineuses, ainsi que les restrictions imposées aux exportations de la Russie, auront des répercussions sensibles sur la sécurité alimentaire». Il ajoute que cela est particulièrement vrai pour «la cinquantaine de pays qui dépendent des importations de blé et se procurent 30 %, voire plus, de leur blé auprès de la Russie et de l’Ukraine. Nombre d’entre eux, qui se situent en Afrique du Nord, en Asie et au Proche-Orient, comptent parmi les pays les moins avancés ou à faible revenu et à déficit vivrier». De nombreux pays d’Europe et d’Asie centrale importent de la Russie plus de 50 % de leurs engrais, et les pénuries dans ces pays pourraient se prolonger jusqu’à l’année prochaine.
Détaillant sa démonstration par des chiffres, il explique que «les prix des denrées alimentaires, déjà en hausse depuis le second semestre 2020, ont atteint un niveau record en février 2022 en raison de la forte demande, des coûts des intrants et du transport, mais aussi des perturbations du trafic portuaire». Il note ainsi que «les prix du blé et de l’orge, par exemple, ont augmenté de 31% dans l’ensemble du monde en 2021» et que «la forte demande et la volatilité des prix du gaz naturel ont également fait grimper les coûts des engrais».
Mettant le doigt cette fois-ci sur le problème des sanctions contre la Russie et le risque d’une pénurie de gaz, Qu Dongyu explique que le pays dirigé par Vladimir Poutine est un acteur de premier plan du marché mondial de l’énergie, réalisant 18 % des exportations mondiales de charbon, 11% de celles de pétrole et 10 % de celles de gaz. L’agriculture consomme en effet de l’énergie, qu’il s’agisse de carburants, de gaz ou d’électricité, mais a aussi besoin d’engrais, de pesticides et de lubrifiants.
Le président de la FAO prévient que le conflit actuel pourrait entraîner une réduction soudaine, et d’ampleur dramatique, des exportations de blé de la Russie et de l’Ukraine, alors que blé est un aliment de base pour plus de 35 % de la population mondiale. «On ne sait toujours pas si d’autres pays exportateurs seraient en mesure de combler ce manque», s’interroge-t-il.
Face à cet état des lieux alarmant, Qu Dongyu préconise de privilégier cinq axes en matière de politiques publiques: maintenir le commerce mondial des aliments et des engrais ouvert, trouver des fournisseurs de denrées alimentaires nouveaux et plus diversifiés, aider les catégories de population vulnérables, notamment les personnes déplacées à l’intérieur des frontières nationales, éviter les réponses politiques au cas par cas et enfin renforcer la transparence du marché et le dialogue.