Ankara réitère sa proposition de médiation pour accueillir les négociations de paix entre Kiev et Moscou

Le président russe, Vladimir Poutine, et son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan, mangent des glaces alors qu’ils visitent le salon aéronautique MAKS 2019 à Joukovski, dans la banlieue de Moscou, en Russie, le 27 août 2019. (Reuters)
Le président russe, Vladimir Poutine, et son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan, mangent des glaces alors qu’ils visitent le salon aéronautique MAKS 2019 à Joukovski, dans la banlieue de Moscou, en Russie, le 27 août 2019. (Reuters)
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Publié le Mardi 01 mars 2022

Ankara réitère sa proposition de médiation pour accueillir les négociations de paix entre Kiev et Moscou

Le président russe, Vladimir Poutine, et son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan, mangent des glaces alors qu’ils visitent le salon aéronautique MAKS 2019 à Joukovski, dans la banlieue de Moscou, en Russie, le 27 août 2019. (Reuters)
  • L’assaut militaire en Ukraine «aura des répercussions durables sur la sécurité du peuple turc».
  • Il est essentiel de savoir si la Turquie peut jouer un rôle efficace de médiateur entre les parties belligérantes à un moment où Ankara tente de maintenir ses bonnes relations avec l’Ukraine et la Russie

ANKARA: Dimanche soir, la Turquie a effectué un changement de terminologie en définissant l’assaut russe en cours en Ukraine comme une «guerre» – une formulation plus ferme par rapport à ses déclarations précédentes qui la décrivaient comme une «intervention militaire inacceptable».

Ankara a également réitéré sa proposition de médiation pour accueillir les négociations de paix entre Kiev et Moscou.

La dernière initiative d’Ankara a suscité des débats sur la question de savoir si la Turquie mettra en œuvre les articles de guerre de la convention de Montreux sur ses détroits des Dardanelles et du Bosphore. Ces articles interdiraient aux navires de guerre russes non associés à la flotte de la mer Noire de traverser les détroits turcs durant toute la durée du conflit.

«Nous assistons à une nouvelle guerre dans notre région. Le président Erdogan a proposé de servir de médiateur entre la Russie et l’Ukraine, car nous entretenons des relations solides avec ces deux pays. Il a également appelé à une position unifiée de la part des alliés», a tweeté Fahrettin Altun, chef des communications de la Turquie.

Il est également essentiel de savoir si la Turquie peut jouer un rôle efficace de médiateur entre les parties belligérantes à un moment où Ankara tente de maintenir ses bonnes relations avec l’Ukraine et la Russie afin de préserver à la fois ses importations d’énergie et les flux touristiques en provenance de Russie, ainsi que sa coopération en matière de défense avec l’Ukraine.

Dans le même ordre d’idées, le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, a déclaré dans une interview accordée à la chaîne d’information turque CNN Turk que «la situation en Ukraine est officiellement une guerre, selon l’article 19 de la convention de Montreux».

Le premier jour de la guerre, l’ambassadeur ukrainien à Ankara, Vasyl Bodnar, a exhorté Ankara à fermer les détroits pour empêcher le passage des navires de guerre russes.

Cependant, M. Cavusoglu a souligné que la Turquie ne pouvait pas bloquer l’accès de tous les navires de guerre russes à la mer Noire, car une clause de la convention de Montreux exempte ceux qui retournent à leurs bases enregistrées.

La décision d’Ankara de qualifier les événements en Ukraine de guerre en vertu de la convention de Montreux donne à la Turquie le droit d’agir en conséquence. Jusqu’à dimanche, elle qualifiait le conflit d’«intervention militaire» ou d’ «opération» inacceptable.

Jusqu’à présent, les hauts responsables turcs n’ont cessé d’exhorter les parties à entamer des négociations en vue d’un cessez-le-feu et à mettre immédiatement fin aux attaques russes.

La Turquie attache une grande importance à la médiation en tant qu’outil diplomatique. Il y a dix ans, elle a lancé avec la Finlande l’initiative «Médiation pour la paix», un groupe de pays qui travaillent sur différentes pratiques de médiation.

Les propositions de médiation de la Turquie ont toujours été bien accueillies par la partie ukrainienne, tandis que la Russie accueillerait favorablement tout effort de la Turquie pour convaincre l’Ukraine de se conformer au protocole de Minsk en vigueur depuis 2015 à la suite d’une proposition de médiation.

Selon Ryan Bohl, analyste principal pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord chez Rane Intelligence, l’annonce de la Turquie de fermer partiellement le détroit du Bosphore à l’activité militaire russe donnera probablement l’impression que le pays est moins neutre dans d’éventuels pourparlers de paix russo-ukrainiens.

«Cela dit, la Russie se sent très isolée en ce moment et pourrait chercher à donner à la Turquie une sorte de victoire symbolique pour améliorer les relations de Moscou dans l’après-guerre», a-t-il expliqué à Arab News.

Toutefois, M. Bohl a ajouté que la possibilité que la Turquie serve de médiateur dans les pourparlers repose sur l’hypothèse que la Russie est intéressée par des négociations sérieuses en vue d’un cessez-le-feu.

«On ignore encore si les objectifs maximalistes de Poutine, qu’il a exposés dans ses discours à l’échelle nationale, resteront au cœur de la stratégie de la Russie à l’avenir», a-t-il indiqué.

«Si c’est la cas, alors tout rôle que la Turquie pourrait jouer dans les négociations serait symbolique», a-t-il ajouté.

Dimanche, M. Cavusoglu a entretenu des contacts diplomatiques intenses avec des personnalités clés pour la résolution du conflit, notamment la secrétaire générale de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, Helga Maria Schmid; le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres; et le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov.

Selon Jonathan Katz, chargé de recherche et directeur des initiatives pour la démocratie au German Marshall Fund, basé aux États-Unis, la Turquie devrait soutenir l’Ukraine par une assistance militaire et humanitaire directe et renforcer la défense de l’Otan et de ses partenaires, notamment en mer Noire et dans le Caucase du Sud.

«Par conséquent, il est également essentiel qu’Ankara ferme le Bosphore et les Dardanelles aux navires de guerre russes», a-t-il déclaré à Arab News.

«La guerre de Poutine avec l’Ukraine est une menace directe pour la sécurité de la Turquie et aura des répercussions durables sur la sécurité du peuple turc.»

Au moins six navires de guerre et un sous-marin russes ont emprunté les détroits de la Turquie ce mois-ci.

Bien qu’Ankara ne se soit pas encore prononcée en faveur des sanctions occidentales contre la Russie, la partie russe demeure sceptique quant au rôle que la Turquie pourrait jouer dans les pourparlers de paix, surtout depuis qu’Ankara a ouvertement qualifié l’invasion russe de «guerre» et l’annexion de la Crimée par la Russie d’«occupation».

Andrey Kortunov, directeur général du Conseil russe des affaires internationales, un groupe de réflexion proche du Kremlin, a affirmé qu’il serait difficile pour le président russe, Vladimir Poutine, d’accepter la proposition de médiation d’Erdogan.

«La raison est que ce dernier s’est toujours rangé du côté de l’Ukraine depuis 2014. C’est comme avoir deux Zelensky à la table en face de Poutine au lieu d’un seul», a-t-il observé.

Depuis 2018, la Turquie a vendu des drones Bayraktar TB2 à l’Ukraine, ce qui a permis à l’armée de détruire d’importantes quantités de blindés russes, alors que les deux pays ont également convenu de produire conjointement certaines technologies de défense et de sécurité.

«Bien que le fait d’être un médiateur entre l’Ukraine et la Russie serait le scénario de rêve de la Turquie, il est de plus en plus improbable que cela se produise, surtout si la Turquie décide vraiment de fermer le détroit aux navires de guerre russes, car ce serait un signal politique clair qu’elle choisit le côté pro-ukrainien», a expliqué à Arab News Karol Wasilewski, analyste de la Turquie à l’Institut polonais des affaires internationales.

«Je doute également que les Russes soient d’accord avec cela», a-t-il poursuivi.

«Le régime est de plus en plus isolé et déduira certainement que le changement de rhétorique de la Turquie en ce qui concerne l’agression russe – le fait que la Turquie commence à parler de «guerre» – est intervenu juste après le sommet de l’Otan», a conclu M. Wasilewski.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Au Liban, la plupart des sites militaires du Hezbollah ont été cédés à l'armée dans le sud du pays

L'armée libanaise est entrée mercredi dans la ville de Hawsh Al-Sayyid Ali, à la frontière orientale du Liban avec la Syrie. (X/@mdbarakat)
L'armée libanaise est entrée mercredi dans la ville de Hawsh Al-Sayyid Ali, à la frontière orientale du Liban avec la Syrie. (X/@mdbarakat)
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  • « Sur les 265 positions militaires du Hezbollah identifiées au sud du fleuve Litani, le mouvement en a cédé environ 190 à l'armée », a indiqué la source, qui a requis l'anonymat.
  • Le président libanais, Joseph Aoun, dont l'élection a été permise par l'affaiblissement du Hezbollah, a affirmé lundi que la question devait être résolue « par le dialogue », car le « Hezbollah est une composante libanaise ».

BEYROUTH : Selon une source proche du mouvement pro-iranien, l'AFP a appris samedi que la plupart des sites militaires du Hezbollah dans le sud du Liban avaient été placés sous le contrôle de l'armée libanaise.

« Sur les 265 positions militaires du Hezbollah identifiées au sud du fleuve Litani, le mouvement en a cédé environ 190 à l'armée », a indiqué la source, qui a requis l'anonymat.

Dimanche, une émissaire américaine en visite à Beyrouth a exhorté les autorités libanaises à accélérer le désarmement du Hezbollah.

« Nous continuons d'exhorter le gouvernement à aller jusqu'au bout pour mettre fin aux hostilités, ce qui inclut le désarmement du Hezbollah et de toutes les milices », a déclaré Morgan Ortagus sur la chaîne locale LBCI. 

Le président libanais, Joseph Aoun, dont l'élection a été permise par l'affaiblissement du Hezbollah, a affirmé lundi que la question devait être résolue « par le dialogue », car le « Hezbollah est une composante libanaise ».

« Nous allons bientôt élaborer une stratégie de défense nationale dans ce cadre », a-t-il ajouté.

Le Hezbollah est le seul groupe libanais à avoir conservé ses armes après la fin de la guerre civile en 1990, au nom de la « résistance » contre Israël.

Depuis le début de la guerre à Gaza, le Hezbollah a ouvert un front contre Israël en tirant des roquettes à partir du sud du Liban pour soutenir son allié palestinien.

Ces hostilités ont dégénéré en guerre ouverte en septembre 2006 avec des bombardements israéliens intenses au Liban, principalement contre les bastions du Hezbollah, dont la direction a été quasiment décimée. La guerre a fait plus de 4 000 morts.

Israël, qui a maintenu sa présence militaire au Liban dans cinq points « stratégiques » le long de la frontière, continue de mener régulièrement des frappes au Liban, disant viser des infrastructures et des membres du Hezbollah.


Gaza : une délégation du Hamas est attendue au Caire samedi pour discuter d'une trêve

Des Palestiniens prient pour l'Aïd Al-Adha près des ruines de la mosquée Al-Al Rahma détruite par les frappes aériennes israéliennes à Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, le 16 juin 2024. Le Hamas a déclaré qu'il était prêt à conclure un accord global pour la paix à Gaza. (Reuters)
Des Palestiniens prient pour l'Aïd Al-Adha près des ruines de la mosquée Al-Al Rahma détruite par les frappes aériennes israéliennes à Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, le 16 juin 2024. Le Hamas a déclaré qu'il était prêt à conclure un accord global pour la paix à Gaza. (Reuters)
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  • « Nous espérons que cette rencontre permettra d'avancer concrètement vers un accord mettant fin à la guerre a déclaré ce responsable sous couvert d'anonymat.
  • « Mais les contacts et les discussions avec les médiateurs sont en cours », a-t-il affirmé.

LE CAIRE : Une délégation du Hamas est attendue samedi au Caire pour des discussions avec les médiateurs égyptiens en vue d'une nouvelle trêve dans la bande de Gaza, a indiqué à l'AFP un responsable du mouvement islamiste palestinien.

« Nous espérons que cette rencontre permettra d'avancer concrètement vers un accord mettant fin à la guerre et à l'agression, et garantissant le retrait complet des forces d'occupation de la bande de Gaza », a déclaré ce responsable sous couvert d'anonymat, en référence à Israël.

Selon lui, le Hamas n'a reçu aucune nouvelle offre de trêve, malgré des informations de médias israéliens rapportant que l'Égypte et Israël avaient échangé des projets de documents portant sur un accord de cessez-le-feu et de libération d'otages.

« Mais les contacts et les discussions avec les médiateurs sont en cours », a-t-il affirmé.

La délégation est conduite par Khalil al-Hayya, le négociateur en chef du Hamas, a-t-il précisé.

Selon le Times of Israel, la proposition égyptienne prévoirait le retour en Israël de 16 otages, huit vivants et huit morts, en échange d'une trêve de 40 à 70 jours ainsi que de la libération d'un grand nombre de prisonniers palestiniens.


Reconnaissance de l'État palestinien : de nombreuses conditions à réunir pour que la France agisse

Emmanuel Macron a répété vendredi dans un message posté sur X en français, anglais, arabe et hébreu que la seule solution au conflit israélo-palestinien était « politique » (Photo AFP)
Emmanuel Macron a répété vendredi dans un message posté sur X en français, anglais, arabe et hébreu que la seule solution au conflit israélo-palestinien était « politique » (Photo AFP)
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  • - Le projet du président français : « Je défends le droit légitime des Palestiniens à un État et à la paix, comme celui des Israéliens à vivre en paix et en sécurité, l'un et l'autre reconnus par leurs voisins », a résumé Emmanuel Macron. 
  • Il a dévoilé le projet d'une telle reconnaissance par Paris dans une « dynamique collective », impliquant la reconnaissance de l'État d'Israël par les pays avoisinants.

PARIS : Toute reconnaissance de l'État palestinien par la France ne contribuera à mettre la solution des deux États avec Israël sur les rails que si elle réunit une myriade de conditions qui semblent pour le moment inatteignables.

Emmanuel Macron a répété vendredi dans un message posté sur X en français, anglais, arabe et hébreu que la seule solution au conflit israélo-palestinien était « politique ». Les obstacles sont de taille.

- Le projet du président français : « Je défends le droit légitime des Palestiniens à un État et à la paix, comme celui des Israéliens à vivre en paix et en sécurité, l'un et l'autre reconnus par leurs voisins », a résumé Emmanuel Macron. 

L'an passé, il avait déclaré que la reconnaissance d'un État palestinien n'était pas un tabou, à condition que ce geste symbolique soit « utile ».

Mercredi, il a dévoilé le projet d'une telle reconnaissance par Paris dans une « dynamique collective », impliquant la reconnaissance de l'État d'Israël par les pays avoisinants.

La conférence pour les deux États, prévue en juin à New York sous l'égide de la France et de l'Arabie saoudite, doit être « un tournant », a-t-il dit. 

Des frontières à définir 

« Les attributs juridico-politiques de l'État palestinien en question n'existent pas aujourd'hui. C'est une pure fiction diplomatique », souligne néanmoins David Khalfa, de la Fondation Jean-Jaurès à Paris.

« Pour qu'un État palestinien soit viable, il faut une continuité territoriale entre Gaza et la Cisjordanie », note Karim Bitar, enseignant à Sciences Po Paris. Or, « on ne voit pas aujourd'hui le gouvernement israélien accepter d'entamer un processus de décolonisation, de mettre un terme à l'occupation de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est, et de demander aux 700 ou 800 000 colons israéliens de quitter ces territoires occupés », dit-il. 

Une autre question épineuse est celle du désarmement du Hamas, qui a perpétré les attentats sanglants du 7 octobre 2023 en Israël et provoqué les représailles meurtrières de l'armée israélienne à Gaza.

Israël a fait de l'éradication du groupe sa priorité. 

Démilitarisation du Hamas et exfiltration

Quoiqu'affaibli, le groupe « a réussi à recruter des milliers de jeunes miliciens » et dispose encore d'un arsenal lui permettant de « mener des actions de guérilla contre les soldats israéliens et de réprimer dans le sang les leaders de la contestation anti-Hamas à Gaza », observe-t-il.

S'agissant de l'exfiltration de certains cadres du Hamas, la question est complexe à explorer avec ceux qui parlent au Hamas, reconnaît-on à Paris. Comment les exfiltrer et vers quelle destination, en plus du Qatar et de la Turquie ? Des interrogations  qui restent sans réponse actuellement. 

Revitaliser l'Autorité Palestinienne

« Les Israéliens doivent être convaincus que le Hamas va être désarmé, qu'il est exclu de la gouvernance de Gaza et que l'Autorité palestinienne va réellement se réformer », a expliqué à l'AFP une source diplomatique française.

Cela passe par le renforcement de la légitimité de l'Autorité palestinienne, alors que la popularité du Hamas augmente au sein de la population. 

Normalisation avec Israël

Selon Hasni Abidi, enseignant au Global Studies Institute de l'Université de Genève, il faut un changement de personnel politique en son sein pour qu'une Autorité palestinienne revitalisée soit en mesure d'assurer une gouvernance crédible dans la bande de Gaza. Or, ses dirigeants ne manifestent aucun désir de passer la main, ce qui permet à Israël d'entretenir l'idée qu'ils n'ont pas d'interlocuteur crédible.

La source diplomatique rappelle que la normalisation est un processus et pas un acte isolé. Elle souligne que ce processus peut se faire progressivement et que d'autres pays peuvent participer. Cependant, la France est réaliste et ne s'attend pas à un règlement immédiat du conflit israélo-palestinien.