La Turquie dans une position délicate face à la crise Russie-Ukraine

Des manifestants scandent des slogans lors d’une manifestation contre l’opération militaire russe en Ukraine, devant le consulat de Russie à Istanbul, en Turquie, le 24 février 2022. (Reuters)
Des manifestants scandent des slogans lors d’une manifestation contre l’opération militaire russe en Ukraine, devant le consulat de Russie à Istanbul, en Turquie, le 24 février 2022. (Reuters)
Short Url
Publié le Samedi 26 février 2022

La Turquie dans une position délicate face à la crise Russie-Ukraine

  • Pour le professeur Emre Ersen, Ankara mettra en œuvre les clauses de la convention de Montreux de manière stricte, ce document donnant à la Turquie la possibilité de rester neutre
  • La Turquie continuera à soutenir la diplomatie et à s’opposer aux sanctions contre la Russie, car elle doit travailler avec Moscou dans d’autres régions, soutient l’analyste Samuel Ramani

ANKARA: Alors que la Russie a lancé des assauts aériens et terrestres contre l’Ukraine, la Turquie, membre de l’Otan, se trouve dans une position délicate pour maintenir ses bonnes relations avec les deux pays.

Son contrôle sur les détroits du Bosphore et des Dardanelles, routes vitales lors d’une telle crise, fait de la Turquie un partenaire indispensable pour l’Occident.

Jeudi, l’Ukraine a demandé à la Turquie de fermer le détroit aux navires russes. La Turquie, qui a des frontières maritimes avec l’Ukraine et la Russie, est légalement habilitée à contrôler les détroits en vertu de la convention de Montreux de 1936, qui confère à Ankara le droit exclusif de restreindre le passage des navires de guerre n’appartenant pas aux pays riverains de la mer Noire.

En temps de guerre ou en cas de menace d’agression, la Turquie peut fermer le détroit au transit de tous les navires de guerre étrangers, tandis que les pays non-riverains de la mer Noire et les États côtiers doivent informer Ankara de l’envoi de navires respectivement quinze jours et huit jours à l’avance.

Pour Soner Cagaptay, directeur du programme turc au Washington Institute, si Ankara refusait à la Russie l’accès naval à la mer Noire, cela ouvrirait la boîte de Pandore, la zone étant un condominium maritime partagé par la Turquie et la Russie.

«Dans ce cas, Moscou demanderait à renégocier la convention de Montreux et la Turquie n’obtiendrait plus jamais un accord aussi favorable que celui de Montreux. C’est la raison pour laquelle Ankara ne violera pas la convention existante», explique-t-il à Arab News. Le contrôle de la Turquie sur les détroits va maintenant tester les limites de sa neutralité vis-à-vis de la Russie et de l’Ukraine.

Mercredi, dans une déclaration à la presse, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a affirmé que son pays n’abandonnerait ni la Russie ni l’Ukraine. «La Turquie n’est actuellement pas en mesure de sacrifier ses relations avec l’Ukraine ou la Russie, car elle a développé des liens stratégiques importants avec les deux pays au cours des dernières années», affirme à Arab News le professeur Emre Ersen, un expert des relations entre la Russie et la Turquie à l’université de Marmara à Istanbul.

«Par conséquent, elle continuera très probablement à appeler à une résolution diplomatique immédiate du conflit». Par ailleurs, M. Ersen pense qu’Ankara s’efforcera de mettre en œuvre les clauses de la convention de Montreux de manière stricte, puisque ce document donne à la Turquie la possibilité de rester neutre sans avoir à choisir un camp dans la crise actuelle.

La Turquie, qui se trouve dans une situation difficile, entretient des liens étroits avec l’Ukraine dans le domaine de la défense, puisqu’elle lui vend ses drones et a conclu un accord de coproduction en matière de défense avec ce pays. Elle est également très dépendante du gaz et des armes russes.

La Turquie reçoit environ 33% de son gaz naturel et 66% de son blé de la Russie. À l’approche de la saison touristique, les touristes ukrainiens et russes représentent habituellement près d’un cinquième du nombre total de visiteurs en Turquie.

Toutefois, Ankara, qui a officiellement qualifié d’inacceptables les actions russes contre l’Ukraine, s’oppose toujours à l’imposition de sanctions à la Russie – que le porte-parole présidentiel, Ibrahim Kalin, a récemment qualifiées d’«inutiles» – et préfère une désescalade par la voie diplomatique et le dialogue.

Aydin Sezer, analyste de la Russie basé à Ankara, estime que la Turquie a jusqu’à présent opté pour une position modérée sur la crise ukrainienne en exhortant les parties à faire preuve de bon sens. «Cependant, depuis un an, la Turquie adopte une position strictement pro-ukrainienne, ce qui poussera la Russie à adopter une attitude plus prudente et sceptique à l’égard de toute démarche diplomatique du pays», indique-t-il à Arab News.

Selon lui, si la Turquie ouvre les voies navigables de la mer Noire aux flottes des puissances occidentales ou si elle partage avec l’Occident le moindre renseignement sur une menace aérienne contre l’Ukraine, la Russie y verra un Casus belli, une justification de la guerre.

Dans un communiqué publié jeudi, le ministère turc des Affaires étrangères a appelé la Russie à mettre immédiatement fin à cette «action injuste et illégale» et a souligné l’intégrité territoriale de l’Ukraine.

Conformément à la convention de Montreux, les porte-avions doivent également demander l’autorisation du gouvernement turc pour traverser le détroit. M. Ersen estime toutefois qu’en comparaison avec la guerre russo-géorgienne de 2008, il sera beaucoup plus difficile pour Ankara de suivre une politique de juste milieu entre la Russie et l’Occident.

En 2008, la Turquie a refusé aux grands navires militaires américains l’autorisation d’entrer dans la mer Noire, en vertu de la convention de Montreux, à la suite de l’intervention militaire de la Russie en Géorgie. «Les alliés de la Turquie au sein de l’Otan vont certainement accroître leur pression sur Ankara pour qu’elle reconsidère sa relation spéciale avec Moscou, ce qui pourrait également avoir des répercussions importantes sur les relations turco-russes, notamment sur des questions épineuses comme la guerre civile syrienne et les missiles S-400 de fabrication russe», fait remarquer M. Ersen.

Malgré ses liens tendus avec l’Otan après l’achat du système de défense russe, la Turquie a retrouvé son importance au sein de l’alliance en soutenant l’Ukraine.

Samuel Ramani, chercheur associé au Royal United Service Institute, pense que la Turquie tente de montrer sa solidarité avec l’Otan en soutenant l’intégrité territoriale de l’Ukraine. «La Turquie considère également l’Ukraine comme un partenaire clé depuis 2010, car elle renforce son statut de puissance de la mer Noire et lui fournit des accords commerciaux utiles, notamment dans le domaine des munitions et des drones», précise-t-il à Arab News.

«Au cours de cette crise, la Turquie a essayé de montrer sa valeur à l’Otan en proposant de participer à des pourparlers qui viendraient compléter ce que fait la France. Les négociations n’ont pas eu lieu et les États-Unis sont sceptiques quant au rôle de la Turquie», poursuit-il.

Selon M. Ramani, la Turquie continuera à soutenir la diplomatie et à s’opposer aux sanctions contre la Russie, car elle doit travailler avec Moscou dans d’autres régions comme la Syrie, la Libye et le Caucase du Sud. «Toutefois, la Turquie pourrait également utiliser son statut de dérivé de la Convention de Montreux pour renforcer son image de contributeur à la sécurité de la mer Noire et vendre des drones à l’Ukraine si elle le demande», souligne l’analyste.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com
 


Les États-Unis débloquent 117 millions de dollars pour les Forces libanaises

Drapeau américain agitant isolément sur fond blanc (Photo iStock)
Drapeau américain agitant isolément sur fond blanc (Photo iStock)
Short Url
  • Selon un communiqué du département d'État, ces fonds doivent aider les Forces armées libanaises (FAL) et les Forces de sécurité intérieure (FSI, chargées du maintien de l'ordre) à « garantir la souveraineté du Liban dans tout le pays ».
  • C'est ce dernier qui est à l'origine de la réunion des donateurs internationaux qui a eu lieu jeudi « avec partenaires et alliés pour évoquer le soutien crucial à la sécurité du Liban afin de pérenniser la cessation des hostilités avec Israël ».

WASHINGTON : Lles États-Unis ont annoncé  samedi le transfert de 117 millions de dollars destinés à soutenir les forces de l'ordre et l'armée libanaises, à l'issue d'une réunion de donateurs internationaux, jeudi.

Selon un communiqué du département d'État, ces fonds doivent aider les Forces armées libanaises (FAL) et les Forces de sécurité intérieure (FSI, chargées du maintien de l'ordre) à « garantir la souveraineté du Liban dans tout le pays ».

C'est ce dernier qui est à l'origine de la réunion des donateurs internationaux qui a eu lieu jeudi « avec partenaires et alliés pour évoquer le soutien crucial à la sécurité du Liban afin de pérenniser la cessation des hostilités avec Israël ».

Un cessez-le-feu a pris effet fin novembre entre le mouvement islamiste pro-iranien Hezbollah et Israël, après plus d'un an de bombardements de part et d'autre, ainsi qu'une incursion des forces israéliennes en territoire libanais à partir de fin septembre.

L'enveloppe annoncée samedi par le département d'État « démontre son engagement à continuer à travailler avec ses partenaires et alliés pour s'assurer que le Liban bénéficie du soutien nécessaire pour renforcer la sécurité du pays et de la région ».

Samedi, le président libanais, Joseph Aoun, a réclamé le retrait de l'armée israélienne « dans les délais fixés » par l'accord de cessez-le-feu.

Ce dernier prévoit le déploiement de l'armée libanaise aux côtés des Casques bleus dans le sud du pays et le retrait de l'armée israélienne dans un délai de 60 jours, soit d'ici au 26 janvier.

Le Hezbollah doit, pour sa part, retirer ses forces au nord du fleuve Litani, à environ 30 km de la frontière libano-israélienne. 


Manifestation pour revendiquer la libération de l'opposante Abir Moussi

Des partisans d'Abir Moussi, chef du Parti Destourien Libre (PDL), participent à une manifestation demandant sa libération, à Tunis le 18 janvier 2025. (Photo FETHI BELAID / AFP)
Des partisans d'Abir Moussi, chef du Parti Destourien Libre (PDL), participent à une manifestation demandant sa libération, à Tunis le 18 janvier 2025. (Photo FETHI BELAID / AFP)
Short Url
  • Plusieurs centaines de sympathisants du Parti destourien libre (PDL), qui revendique l'héritage des autocrates Bourguiba et Ben Ali, ont manifesté samedi en Tunisie pour réclamer la libération de leur dirigeante, l'opposante Abir Moussi.
  • Soupçonnée d'avoir voulu rétablir un pouvoir similaire à celui de Zine El Abidine Ben Ali, renversé en 2011 par la première révolte du Printemps arabe.

TUNIS : Plusieurs centaines de sympathisants du Parti destourien libre (PDL), qui revendique l'héritage des autocrates Bourguiba et Ben Ali, ont manifesté samedi en Tunisie pour réclamer la libération de leur dirigeante, l'opposante Abir Moussi.

Brandissant des pancartes sur lesquelles on pouvait lire « Liberté pour Abir » ou « Nous sommes des opposants, pas des traîtres ! », ils étaient entre 500 et 1 000, selon des journalistes de l'AFP. Beaucoup portaient des drapeaux tunisiens et des photos de la dirigeante du PDL.

Ils ont critiqué virulemment à la fois le président Kaïs Saied et le parti islamo-conservateur d'opposition Ennahdha. Mme Moussi, ex-députée de 49 ans, est en détention depuis son arrestation le 3 octobre 2023 devant le palais présidentiel, où, selon son parti, elle était venue déposer des recours contre des décrets de M. Saied.

Mme Moussi fait l'objet de plusieurs accusations, dont celle particulièrement grave de tentative « ayant pour but de changer la forme de l'État », soupçonnée d'avoir voulu rétablir un pouvoir similaire à celui de Zine El Abidine Ben Ali, renversé en 2011 par la première révolte du Printemps arabe.

Les manifestants ont dénoncé le décret 54 sur les « fausses nouvelles », en vertu duquel Mme Moussi est poursuivie dans cette affaire, et dont l'interprétation très large a entraîné l'incarcération depuis septembre 2022 de dizaines de politiciens, d'avocats, de militants ou de journalistes.

Pour Thameur Saad, dirigeant du PDL, emprisonner Mme Moussi pour des critiques envers l'Isie « n'est pas digne d'un pays se disant démocratique ». « Les prisons tunisiennes sont désormais remplies de victimes du décret 54 », a renchéri à l'AFP Karim Krifa, membre du comité de défense de Mme Moussi.

D'autres figures de l'opposition, dont le chef d'Ennahdha, Rached Ghannouchi, sont également emprisonnées.

Depuis le coup de force de M. Saied à l'été 2021, l'opposition et les ONG tunisiennes et étrangères ont déploré une régression des droits et des libertés en Tunisie. Le chef de l'État a été réélu à une écrasante majorité de plus de 90 % des voix le 6 octobre, lors d'un scrutin marqué toutefois par une participation très faible (moins de 30 %).


L'Égypte annonce que 50 camions-citernes de carburant entreront chaque jour dans la bande de Gaza

Le ministère palestinien de la Santé a déclaré qu'une frappe aérienne israélienne sur le camp de réfugiés de Jénine, en Cisjordanie occupée, a tué cinq personnes mardi, l'armée israélienne confirmant avoir mené une attaque dans la région. (Photo d'archives de l'AFP)
Le ministère palestinien de la Santé a déclaré qu'une frappe aérienne israélienne sur le camp de réfugiés de Jénine, en Cisjordanie occupée, a tué cinq personnes mardi, l'armée israélienne confirmant avoir mené une attaque dans la région. (Photo d'archives de l'AFP)
Short Url
  • Le ministre égyptien des Affaires étrangères, Badr Abdelatty, a annoncé samedi que 50 camions-citernes chargés de carburant devaient entrer dans la bande de Gaza à partir de dimanche, marquant le début du cessez-le-feu.
  • M. Abdelatty, dont le pays, le Qatar et les États-Unis ont servi de médiateur, a déclaré que l'accord prévoyait « l'entrée de 600 camions par jour dans la bande, dont 50 de carburant ».

LE CAIRE : Le ministre égyptien des Affaires étrangères, Badr Abdelatty, a annoncé samedi que 50 camions-citernes chargés de carburant devaient entrer dans la bande de Gaza à partir de dimanche, marquant le début du cessez-le-feu.

M. Abdelatty, dont le pays, le Qatar et les États-Unis ont servi de médiateur, a déclaré que l'accord prévoyait « l'entrée de 600 camions par jour dans la bande, dont 50 de carburant ».

La trêve devrait entrer en vigueur dimanche à 13 h 30 GMT, ouvrant ainsi la voie à un afflux massif d'aide, selon les médiateurs.

Des centaines de camions sont garés du côté égyptien du poste frontière de Rafah, un point d'entrée autrefois vital pour l'aide humanitaire, fermé depuis mai, lorsque les forces israéliennes ont pris le contrôle du côté palestinien du point de passage.

Au cours d'une conférence de presse conjointe avec son homologue nigérian, M. Abdelatty a déclaré : « Nous espérons que 300 camions se rendront au nord de la bande de Gaza », où des milliers de personnes sont bloquées dans des conditions que les agences humanitaires qualifient d'apocalyptiques.

Les travailleurs humanitaires ont mis en garde contre les obstacles monumentaux qui pourraient entraver les opérations d'aide, notamment la destruction des infrastructures qui traitaient auparavant les livraisons.