WASHINGTON: Rarement l'allocution d'un président américain n'aura été aussi attendue: Joe Biden doit s'adresser aux Américains jeudi, quelques heures après que Vladimir Poutine a lancé l'invasion de l'Ukraine, et annoncer des représailles massives contre l'économie russe.
Il prendra la parole à 18h30 GMT (12h30 locale).
Dans une première réaction nocturne à l’annonce par le président russe du lancement d'une "opération militaire" contre l'Ukraine, le président américain avait dénoncé, par communiqué, "une guerre préméditée qui entraînera des souffrances et pertes humaines catastrophiques".
Joe Biden, qui a exclu toute intervention militaire américaine, a réuni jeudi matin en urgence ses conseillers à la sécurité nationale dans la célèbre "Situation Room" de la Maison Blanche.
Puis il a tenu, de 09h17 à 10h27 locale (14h17 à 15h27 GMT) une réunion virtuelle avec les chefs d'Etat et de gouvernement du G7, afin de coordonner la riposte des grandes démocraties occidentales.
Le président et ses homologues du Canada, de France, d'Allemagne, d'Italie, du Japon et du Royaume-Uni, ainsi que des représentants de l'Union européenne et de l'Otan, ont dénoncé, dans un communiqué, "une menace sérieuse pour l'ordre international".
Sanctions à court et long terme
Les Etats-Unis avaient déjà dévoilé mardi, puis mercredi, des premières salves de représailles économiques, en réponse à la décision de Vladimir Poutine de reconnaître l'indépendance des territoires sécessionnistes dans l'est de l'Ukraine.
Les Américains entendent à la fois ébranler à court terme la Russie en tarissant ses flux financiers, et saper à long terme les projets de diversification industrielle d'un pays ultra-dépendant de ses ventes d'hydrocarbures.
Le tout en tapant au portefeuille des oligarques russes, qui ont investi leurs immenses fortunes à l'étranger et qui dépensent sans compter dans les lieux de villégiature du monde entier.
Sont d'ores et déjà sanctionnés par Washington: l'entreprise chargée d'exploiter le gazoduc Nord Stream 2 - soit 11 milliards de dollars d'investissement qui gisent désormais "au fond de la mer", pour reprendre une terminologie chère à l'administration américaine.
Mais aussi deux banques publiques russes (Vnesheconombank, VEB, et Promsvyazbank, PSB), et cinq oligarques proches du président russe, qui voient leurs avoirs gelés et se retrouvent interdits de toute transaction avec des entités américaines.
Les Américains ont par ailleurs d'ores et déjà décidé de couper l'accès du gouvernement russe au marché international de la dette souveraine.
Cartouches au sec
Mais Joe Biden a assuré que la première puissance économique mondiale avait encore des cartouches au sec.
Et sa porte-parole Jen Psaki a dévoilé une piste mercredi: "Il existe d'autres institutions financières, par exemple les deux plus grandes banques russes, qui ne font pas partie" des sanctions déjà annoncées.
En l’occurrence Sberbank et VTB Bank, deux établissements qui ensemble détiennent "750 milliards de dollars d'actifs, la moitié du système bancaire russe", avait rappelé mercredi le porte-parole du département d'Etat, Ned Price.
Le président américain a, de plus, déjà fait savoir qu'il n'excluait pas de sanctionner financièrement Vladimir Poutine lui-même, et qu'il envisageait aussi d'interdire l'exportation vers la Russie de technologies américaines.
Les Etats-Unis ont aussi laissé entendre qu'ils pourraient couper l’accès de la Russie aux transactions en dollars, la devise reine des échanges mondiaux.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a par ailleurs réclamé jeudi une sanction massive: interdire aux banques russes d'utiliser le système de messagerie SWIFT, un rouage essentiel de la finance mondiale.
Cela reviendrait à isoler la Russie sur le plan bancaire, non sans conséquences pour les établissements financiers d'autres pays.
Une telle décision - déjà mise en oeuvre à l'initiative des Etats-Unis contre l'Iran - ne peut toutefois être prise par les seuls Américains.
Au-delà des détails techniques des sanctions, ce discours sera aussi pour Joe Biden un moment crucial à la fois sur le plan national, et sur la scène internationale.
Loin de proclamer l'union sacrée face à l'offensive militaire russe, certains adversaires républicains ont choisi d'étriller la gestion de la crise autour de l'Ukraine par Joe Biden, l'accusant d'avoir été trop timoré face à Vladimir Poutine.
Les alliés des Etats-Unis jaugeront eux aussi la détermination d'un président américain qui, après le tumultueux mandat Trump, a promis que les Etats-Unis mèneraient le grand combat des démocraties contre les autocrates du monde entier.