MOSCOU : La Russie n'a "pour l'instant" pas l'intention de déployer des forces dans les territoires séparatistes dans l'Est de l'Ukraine, mais le fera en cas de "menace", a affirmé lundi son vice-ministre des Affaires étrangères Andreï Roudenko.
"L'aide militaire est prévue dans l'accord (avec les séparatistes), mais ne spéculons pas. Pour l'instant, on ne s'apprête à déployer personne nulle part", a dit, selon les agences russes, le responsable au sujet des territoires en Ukraine dont la Russie a reconnu l'indépendance.
"S'il y a une menace, alors bien sûr nous apporterons l'aide en conformité avec l'accord qui a été ratifié", a-t-il ajouté.
Deux décrets du président russe signés lundi demandent au ministère de la Défense que "les forces armées de la Russie (assument) les fonctions de maintien de la paix sur le territoire" des "républiques populaires" de Donetsk et Lougansk.
Le vice-ministre Roudenko a aussi présenté au Parlement deux accords d'entraide paraphés la veille par Vladimir Poutine. Les parlementaires les ont ratifiés mardi.
Ces textes créent "le fondement juridique pour la présence" dans ces territoires "des unités militaires russes nécessaires au maintien de la paix dans la région et pour assurer une sécurité durable des parties", selon une note explicative accompagnant ces accords.
Ces documents "fixent les obligations des parties pour assurer une assistance mutuelle si l'une des parties est la cible d'une attaque", et "prévoient la protection en commun" des frontières.
La Russie a déployé depuis des semaines quelque 150.000 hommes aux frontières ukrainiennes, laissant craindre une invasion d'ampleur de son voisin pro-occidental.
Dans une longue adresse télévisée, durant laquelle il a laissé apparaître des moments de colère, M. Poutine a intimé lundi à l'Ukraine de cesser immédiatement "ses opérations militaires" contre les séparatistes, au risque de devoir assumer "la responsabilité de la poursuite de l'effusion de sang".
Le conflit dans l'Est ukrainien a fait plus de 14.000 morts depuis son déclenchement en 2014, après l'annexion de la Crimée par Moscou.
Poutine assure ne pas vouloir «reconstituer un empire»
Le président russe Vladimir Poutine a affirmé mardi ne pas avoir l'intention de reconstituer un empire, au lendemain de la reconnaissance des séparatistes prorusses en Ukraine et d'un discours niant la légitimité de l'Etat ukrainien.
«Nous avions prévu qu'il y aurait des spéculations comme quoi la Russie s'apprête à reconstituer un empire», a-t-il dit lors d'une rencontre au Kremlin avec son homologue azerbaïdjanais Ilham Aliev, et «ce n'est absolument pas la réalité».
Le président russe a souligné qu'après la chute de l'URSS, la Russie avait «reconnu les nouvelles réalités et travaillait activement à renforcer» la coopération avec les autres pays ex-soviétiques, citant en exemple ses voisins, l'Azerbaïdjan et le Kazakhstan.
Selon lui, l'Ukraine est dans une «situation différente» car «le territoire de ce pays est utilisé par des pays tiers pour créer des menaces à l'égard de la Russie».
Outre la reconnaissance des séparatistes prorusses d'Ukraine lundi, la Russie a reconnu deux territoires sécessionnistes en Géorgie (2008), annexé la péninsule ukrainienne de Crimée (2014), et soutient depuis le début des années 1990 le séparatisme de la Transdniestrie en Moldavie.
Lundi soir, M. Poutine a, dans un discours long et menaçant, nié la légitimité de l'Etat ukrainien en général, et martelé sa thèse présentant l'Ukraine comme un pays artificiel et indissociable de la Russie.
Depuis la chute de l'URSS, 30 ans de guerres impliquant la Russie
PARIS : De la Tchétchénie à la Syrie en passant par l'Ukraine, la Russie de Vladimir Poutine a été impliquée dans plusieurs guerres depuis la chute de l'Union soviétique en 1991.
Après des mois de tensions, le président russe a donné l'ordre à son armée de se déployer dans les «républiques» séparatistes de Donetsk et Lougansk, dans l'est de l'Ukraine, quelques heures après avoir reconnu leur indépendance lundi.
L'ampleur et le calendrier de ce déploiement sont encore flous, mais cette annonce nourrit la crainte d'une escalade majeure en Ukraine, aux frontières de laquelle la Russie dispose de plus de 150.000 hommes selon Washington et Kiev (et jusqu'à 190.000 en comptant les séparatistes).
Deux guerres sanglantes en Tchétchénie
Fin 1994, après avoir toléré durant trois ans l'indépendance de facto de la Tchétchénie, Moscou fait intervenir son armée pour mettre au pas cette république du Caucase russe. Se heurtant à une résistance acharnée, les troupes fédérales se retirent en 1996.
Mais en octobre 1999, sous l'impulsion du Premier ministre Vladimir Poutine bientôt élu à la présidence, les forces russes entrent à nouveau en Tchétchénie pour une «opération antiterroriste», après une attaque des indépendantistes tchétchènes contre la république caucasienne russe du Daguestan et plusieurs attentats meurtriers en Russie, attribués aux Tchétchènes par Moscou.
En février 2000, la Russie reprend la capitale Grozny, rasée par l'artillerie et l'aviation russes. Mais la guérilla se poursuit. En 2009, le Kremlin décrète la fin de son opération, laissant après ces deux conflits des dizaines de milliers de morts de part et d'autre.
«Guerre éclair» russo-géorgienne
A l'été 2008, la Géorgie lance une opération militaire meurtrière contre l'Ossétie du Sud, territoire séparatiste prorusse qui échappe au contrôle de Tbilissi depuis la chute de l'URSS et une guerre au début des années 1990.
La Russie riposte massivement en envoyant ses troupes sur le territoire géorgien et inflige en l'espace de cinq jours une cinglante défaite à l'ex-république soviétique. Les combats font plusieurs centaines de morts.
Dans la foulée, le Kremlin reconnaît l'indépendance de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie, une autre province séparatiste, et y maintient depuis une forte présence militaire. Les Occidentaux dénoncent une occupation de fait.
Conflit en Ukraine
En 2014, après le mouvement pro-Union européenne du Maïdan et la fuite en Russie du président Viktor Ianoukovitch, Moscou annexe la péninsule ukrainienne de Crimée, une annexion non reconnue par la communauté internationale.
Dans la foulée, des mouvements séparatistes prorusses émergent dans l'est de l'Ukraine, à Donetsk et Lougansk, régions du Donbass frontalières de la Russie. Deux républiques sont autoproclamées, entraînant un intense conflit armé.
Kiev et les Occidentaux accusent la Russie de soutenir les rebelles en envoyant des hommes et du matériel. Moscou a toujours démenti, ne reconnaissant la présence en Ukraine que de «volontaires» russes.
Le conflit a diminué en intensité à partir de 2015 et la signature des accords de paix de Minsk.
Mais depuis fin 2021, Moscou mène de vastes manoeuvres militaires terrestres, aériennes et maritimes autour du territoire ukrainien, positionnant à ses frontières jusqu'à plus de 150.000 militaires.
Après plusieurs mois de tensions, Vladimir Poutine a reconnu lundi soir l'indépendance des deux républiques sécessionnistes et ordonné à ses troupes de s'y déployer.
Les affrontements en Ukraine ont fait plus de 14.000 morts depuis 2014.
Intervention en Syrie
Depuis 2015, la Russie est déployée militairement en Syrie en soutien aux forces du président Bachar al-Assad.
L'intervention, à grand renfort de bombardements meurtriers et de destructions massives, a changé le cours de la guerre et permis au régime de Damas de remporter des victoires décisives, regagnant le terrain qu'il avait perdu face aux rebelles et aux jihadistes.
Moscou dispose de deux bases militaires en Syrie: l'aérodrome de Hmeimim dans le nord-ouest du pays et le port de Tartous, plus au sud. Plus de 63.000 militaires russes ont servi dans la campagne syrienne.