Le fait que le régime iranien continue de négocier avec les puissances mondiales du P5+1 (Royaume-Uni, Russie, Chine, France et États-Unis, plus l'Allemagne) concernant l'accord nucléaire du Plan d'action global commun (PAGC), est une preuve qu’il cherche à relancer ce dernier. Un nouvel accord nucléaire apporterait en effet plusieurs avantages cruciaux à l'Iran.
Tout d'abord, un accord sur le nucléaire stimulerait le programme de missiles balistiques du régime iranien. Afin de maintenir la République islamique dans l'accord nucléaire, les puissances mondiales seraient probablement peu disposées à demander des comptes à l'establishment théocratique au sujet de ses violations sur les missiles balistiques – il existe un précédent à une telle hypothèse.
Téhéran a accéléré ses activités et ses essais de missiles après la conclusion de l'accord nucléaire initial en 2015. S’appuyant sur des renseignements détaillés obtenus de sources internes auprès des responsables religieux en Iran – en particulier des rapports internes obtenus du ministère de la Défense et du Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) par le Conseil national de la résistance iranienne –, le Guide suprême Ali Khamenei a chargé la Force aérospatiale du CGRI d'exécuter cette mission. Le groupe d'opposition a vérifié les emplacements de 42 centres concernés par la production, les essais et le lancement de missiles par le CGRI. Quinze de ces sites faisaient partie du réseau de fabrication de missiles du régime, notamment plusieurs usines liées à un groupe du secteur des missiles. «La Force aérospatiale du CGRI est responsable du programme de missiles du régime, et l’envergure du programme est beaucoup plus étendue que l’on ne supposait auparavant», a affirmé Alireza Jafarzadeh, du Conseil national de la résistance iranienne (CNRI).
Cependant, à l’époque, le Conseil de sécurité de l'ONU n'avait pas tenu compte des avancées de l'Iran en matière de missiles balistiques, même si l'accord sur le nucléaire stipulait que l'Iran ne devrait pas entreprendre de telles activités «jusqu'à huit ans après la date de l'adoption du PAGC, ou jusqu'à la date de la soumission d’un rapport par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) confirmant la conclusion générale, dépendamment de ce qui se produit en premier».
Il convient de noter que la capacité de l’Iran en matière de missiles balistiques constitue l'un des piliers les plus fondamentaux de la politique de sécurité nationale de Téhéran. Outre la gestion du programme nucléaire du pays et le soutien de ses représentants, le troisième programme le plus important du CGRI est celui des missiles balistiques. En effet, Téhéran possède le plus vaste programme de missiles balistiques au Moyen-Orient, sachant qu’aucun pays autre que l'Iran n'a acquis de missiles balistiques à longue portée, avant de se doter de l'arme nucléaire.
Le deuxième avantage d'un nouvel accord sur le nucléaire est qu'il enlèverait la pression financière sur le régime iranien, car les sanctions sur les secteurs énergétique, financier et maritime de la République islamique seront levées. Les difficultés économiques de Téhéran ont commencé après l'échec de l'accord sur le nucléaire sous l'administration Trump. Le régime est actuellement confronté à l'un des pires déficits budgétaires de ses quatre décennies d'histoire. Ce déficit a accru l'inflation et dévalué davantage la monnaie iranienne.
Avec la renégociation d’un accord sur le nucléaire, Téhéran serait en mesure de tirer pleinement parti de ses abondantes ressources naturelles. L’Iran possède les deuxièmes plus grandes réserves de gaz naturel au monde et les quatrièmes plus grandes réserves prouvées de pétrole brut, la vente de ces ressources représentant plus de 80% de ses revenus à l’exportation.
Troisièmement, un accord sur le nucléaire serait également une victoire pour les milices et les groupes terroristes iraniens. L'accord de 2015 a permis l'afflux de milliards de dollars dans la trésorerie du régime iranien, fournissant ainsi le financement dont le CGRI avait besoin pour intensifier son aventurisme militaire dans la région. Cela comprenait le financement, l'armement et le soutien de ses groupes terroristes et milices par procuration, au Liban, en Irak, en Syrie et au Yémen. Dans le sillage de l'accord nucléaire, l'ingérence de l'Iran, ses interventions dans la région et le financement des milices se sont intensifiés. L'Iran a également augmenté ses livraisons d'armes aux milices, alors que le nombre de missiles balistiques déployés par ses représentants a atteint un niveau sans précédent.
«Le régime gagnerait en légitimité au niveau mondial, rendant encore plus difficile le fait de demander des comptes aux dirigeants de Téhéran sur leur comportement malveillant et leurs activités terroristes.»
Cependant, lorsque l'accord sur le nucléaire a échoué en 2018, certaines autorités iraniennes ont annoncé publiquement qu'elles n'avaient pas assez d'argent pour payer leurs mercenaires à l'étranger. À titre d’exemple, dans une interview accordée à la chaîne de télévision publique Ofogh, le directeur de la fondation Mostazafan, Parviz Fattah, a précisé: «J'étais à la Fondation coopérative du CGRI. Haj Qassem (Soleimani, commandant de la force Al-Qods, tué par une frappe de drone américain) est venu me dire qu'il n'avait pas d'argent pour payer les salaires des Fatemiyoun (mercenaires afghans). Il a affirmé qu’il s’agissait de nos frères afghans, et a demandé de l'aide à des gens comme nous.»
Enfin, avec un retour à l'accord sur le nucléaire, le régime gagnerait en légitimité au niveau mondial, rendant encore plus difficile le fait de demander des comptes aux dirigeants de Téhéran sur leur comportement malveillant et leurs activités terroristes.
En conclusion, un accord nucléaire renégocié apporterait plusieurs avantages importants au régime iranien, tout en déstabilisant et en menaçant la sécurité dans la région.
Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain diplômé de Harvard.
TWITTER: @Dr_Rafizadeh
NDLR: : Les opinions exprimées dans cette rubrique sont personnelles et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com