PARIS : « Je ne me suis pas posé de question »: Christophe Raumel, le seul des accusés à comparaître libre au procès des attentats de janvier 2015, a « assumé » mardi sa participation à l'achat de matériel pour Amédy Coulibaly et dédouané son « pote » et coaccusé Willy Prevost.
« Je reconnais les faits qui me sont reprochés », déclare d'emblée Christophe Raumel, 30 ans, blouson beige et jean à la barre de la cour d'assises spéciale de Paris.
Des onze accusés présents - trois autres sont jugés par défaut - seul M. Raumel comparaît libre sous contrôle judiciaire. Les juges avaient abandonné la qualification terroriste à son encontre, estimant qu'il ne pouvait avoir connaissance des projets de Coulibaly.
Fin 2014, ce dernier avait « missionné » Willy Prevost pour acheter gilets tactiques, couteaux, taser et gazeuses lacrymogènes. Christophe Raumel, qui traînait « H24 avec Willy :, accepte de l'accompagner pour « sortir » de la routine du quartier, stocke même une partie du matériel à son domicile. « Jamais » il ne se posera la question de sa destination.
« Des couteaux, des gilets tactiques, ce n'était pas pour aller à la pêche », souligne un magistrat de la cour, s'étonnant qu' « aucune lumière rouge » ne se soit « installée » dans sa tête, vue a minima la réputation de braqueur « violent » d'Amédy Coulibaly.
« Si c'était rentré dans ma tête, croyez-moi je ne serais pas là », tente d'expliquer Christophe Raumel, peu disert face à la cour. Il avait passé « 39 mois » en détention provisoire et huit mois sous bracelet électronique, avant d'être libéré sous contrôle judiciaire.
« Je m'en veux grave »
« Pour moi, j'étais pas impliqué, de près ou de loin », ajoute-t-il. « Quand ils (les policiers) sont venus me chercher, je leur ai dit +mais terroriste de quoi? », relate Christophe Raumel, qui encourt dix ans de réclusion.
« Aujourd'hui, je m'en veux grave. J'ai honte et je regrette. Mais j'assume », lance-t-il.
La cour passe rapidement sur le reste des faits, sa participation à l'achat d'une voiture pour Amédy Coulibaly et à l'enlèvement du traqueur GPS de la moto utilisée à Montrouge.
Elle semble davantage s'intéresser aux relations entre le tueur de l'Hyper Cacher et Willy Prevost. Interrogé lundi, ce dernier a assuré qu'il était sous « l'emprise » du jihadiste dont il ignorait les projets d'attentats.
« Je ne peux pas vraiment vous dire », répond Christophe Raumel, qui affirme avoir vu « deux fois sûr » Coulibaly, toujours en compagnie de Willy Prevost, mais qu'il était toujours resté « à l'écart » de leurs conversations, ce qu'a également confirmé M. Prevost.
Devant la juge d'instruction pourtant, dans les premiers mois de l'enquête, Christophe Raumel s'était dit « certain » que Willy Prevost savait ce qu'Amédy Coulibaly « préparait » et que ce n'était pas « un braquage :, rappelle Me Laurence Cechman, une avocate de la partie civile.
« C'est ce que je me disais au début. Mais après, avec le recul, je ne pense pas qu'il savait, vraiment. Il est pas fou quand même », assure à la barre Christophe Raumel.
« On veut faire de vous un témoin à charge contre Willy Prevost », déplore l'avocat de ce dernier, Me Hugo Lévy. « M. Prevost savait ou ne savait pas ce que voulait faire Amédy Coulibaly? », insiste Me Lévy. « Non, il savait pas », certifie Christophe Raumel.
S'il a fait certaines déclarations, est-ce parce qu'il était en prison à cause de Willy Prevost et qu'il avait appris que ce dernier lui avait « piqué sa copine », veut savoir Me Lévy.
« Oui, oui », répond M. Raumel, en baissant la tête. « Quand j'ai appris, j'étais énervé, je lui en voulais. Mais c'est passé », soutient-il.
Lors d'une audition tendue dans l'après-midi, son ex-compagne a estimé qu'il n'avait « pas pardonné » à Willy Prevost, dépeignant Christophe Raumel comme un « manipulateur » qui « essaie de susciter la compassion ». Elle l'a également accusé de violences conjugales.
A la suite de ces accusations, le parquet d'Evry a reçu un signalement du parquet national antiterroriste (PNAT). « Une enquête sera diligentée à cet égard. (L'intéressée) va être convoquée en vue de l'ouverture d'une enquête », a indiqué le parquet d'Evry.
L'avocate de Christophe Raumel, Me Clémence Witt, a de son côté dénoncé des « allégations calomnieuses, infondées et contradictoires avec tout ce qui avait été dit en garde à vue ».