PARIS : La future loi « contre les séparatismes », qui vise principalement l'islamisme radical, pourrait être rebaptisée « loi renforçant la laïcité », une manière pour l'exécutif d'afficher sa neutralité politique et religieuse face aux critiques d'associations et des extrêmes de gauche et de droite.
Ce projet de loi, détaillé vendredi par Emmanuel Macron et qui doit être présenté en Conseil des ministres le 9 décembre, pourrait finalement s'appeler « projet de loi renforçant la laïcité et les principes républicains », a expliqué mardi Gérald Darmanin sur Radio Classique. Mais pour l'instant son titre « n'est pas acté », a précisé son entourage.
Ce nouvel intitulé marquerait un énième glissement sémantique, après l'utilisation successive par Emmanuel Macron et ses ministres depuis deux ans de termes comme « communautarisme », puis « séparatisme » au singulier, puis « séparatismes » au pluriel.
Autant d'hésitations qui ont permis à ses détracteurs à droite de l'accuser de louvoyer pour éviter de désigner publiquement comme adversaire l'islamisme radical.
Vendredi, en présentant ce projet de loi annoncé depuis des mois, le chef de l'Etat a finalement abordé le problème de front en lançant dès le début de son discours : « l'islamisme radical est le cœur du sujet: nommons-le ! ».
Il a insisté sur ce terme tout au long de sa présentation, citant l'exemple de mouvements comme les Frères Musulmans ou encore d'associations et d'écoles musulmanes intégristes contrevenant aux lois de la République.
Cette offensive a d'ailleurs provoqué une avalanche de réactions indignées d'associations qui ont dénoncé une « stigmatisation » des musulmans. La Ligue des droits de l'homme a estimé qu'Emmanuel Macron « avait jusque-là évité de diviser » mais il « reprend cette fois les discours de l'extrême droite et nomme le coupable, les +musulmans intégristes+ ».
A l'extrême gauche, le député Insoumis Alexis Corbière a aussi accusé mardi le gouvernement de « contourner les problèmes sociaux et sanitaires qui déchirent notre pays en saturant l'opinion d'une question obsessionnelle, l'islam, l'islam, l'islam » et demandé de plutôt s'attaquer au « séparatisme des riches ».
Ce à quoi Gérald Darmanin lui a reproché d'être « dans le déni » et accusé son parti, La France Insoumise, d'être lié à « un islamo-gauchisme qui détruit la République ».
Mardi, après une rencontre avec Gérald Darmanin qui consulte les chefs de partis sur la future loi, la présidente du Rassemblement national Marine Le Pen, tout en se félicitant d'un texte « important dans ses objectifs », a déploré qu'Emmanuel Macron n'ait rien dit sur l'immigration, selon elle « terreau du fondamentalisme islamiste ».
Laïcité
Reste le débat sur l'intitulé de la loi, qui doit naviguer entre ces écueils politiques mais aussi parer à tout procès en inconstitutionnalité pour non-respect de la liberté des cultes.
En remettant en avant le mot « laïcité », l'exécutif entend également répondre à ceux qui réclament depuis le début du quinquennat une loi sur ce principe, qui ne faisait pas partie des priorités du programme présidentiel.
Marine Le Pen a elle jugé impropre le terme de « séparatisme ». « La volonté des fondamentalistes islamistes, ça n'est pas le séparatisme (...) leur volonté c'est d'imposer leur règles religieuses à tous », a-t-elle dit.
« Moi, je suis ravie qu'on combatte pour la laïcité, mais il faut être capable de dire contre quoi nous luttons ». « Ce serait quand même dommage qu'au bout de quelques heures, il (Emmanuel Macron) commence déjà à reculer sur cette notion de charia, encore une fois », a critiqué la candidate à la présidentielle de 2022.
Le patron des députés LR Damien Abad a lui déploré « le premier renoncement », « en disant qu'on ne veut plus que ce soit le séparatisme mais la laïcité ».
Quel qu'il soit, l'intitulé de la future loi ne changera rien à son contenu, a promis Gérald Darmanin, répétant qu'elle viserait principalement l'islam radical, mais aussi les dérives séparatistes de « tous les cultes, tous les mouvements sectaires »