Réfugiés au Niger depuis dix ans, des Maliens veulent y faire leur vie

Une réfugiée malienne arrose son jardin de tomates le 2 février 2022 à Ouallam, sur un site de l'ONU où vivent des milliers de réfugiés maliens. BOUREIMA HAMA / AFP
Une réfugiée malienne arrose son jardin de tomates le 2 février 2022 à Ouallam, sur un site de l'ONU où vivent des milliers de réfugiés maliens. BOUREIMA HAMA / AFP
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Publié le Mardi 15 février 2022

Réfugiés au Niger depuis dix ans, des Maliens veulent y faire leur vie

  • Comme Hama Dawa, des milliers de réfugiés maliens au Niger tentent de s'intégrer aux communautés locales
  • Plus de 61.000 Maliens sont au Niger après avoir fui il y a dix ans le nord du Mali tombé sous la coupe de groupes djihadistes

OUALLAM, Niger: "Nous avons assez erré, assez souffert, nous allons enfin nous fixer ici et préparer l'avenir des enfants". Comme Hama Dawa, des milliers de réfugiés maliens au Niger tentent de s'intégrer aux communautés locales, faute de pouvoir retourner dans leur pays qui reste frappé par des attaques djihadistes.

"Rentrer au Mali n'est pas à l'agenda. Pour le moment nous construisons notre avenir ici: on est bien assistés et il y a la sécurité", affirme à l'AFP Mahamadou Seguid, un porte-parole de ces réfugiés maliens réinstallés sur un site à Ouallam, à une centaine de kilomètres au nord de Niamey.

Près de 6.000 y vivent: aux premières lueurs du jour, nombre d'entre eux sont déjà partis au marché pour vendre animaux et objets d'artisanat, d'autres sont ouvriers dans une briqueterie locale.

A l'entrée du site, des enfants pieds et torses nus font la queue devant une vendeuse de couscous, tandis que des écoliers, cartable sur le dos, se dirigent vers l'école.

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Une réfugiée malienne cuisine devant chez elle le 2 février 2022 à Ouallam, sur un site de l'ONU où vivent des milliers de réfugiés maliens. BOUREIMA HAMA / AFP

Plus de 61.000 Maliens sont au Niger après avoir fui il y a dix ans le nord du Mali tombé sous la coupe de groupes djihadistes.

Avec la persistance des attaques djihadistes, dont celles du groupe Etat islamique au grand Sahara (EIGS), impossible pour eux de rentrer.

"Nous suivons avec une certaine inquiétude les développements au Mali" et "nous espérons qu'ils vont devenir plus positifs, parce que sans la paix il n'y aura pas de retour de réfugiés", explique à l'AFP Filippo Grandi, Haut commissaire des Nations unies pour les réfugiés (HCR), qui s'est rendu récemment à Ouallam.

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Filippo Grandi, Haut Commissaire des Nations Unies pour les Réfugiés visite le 2 février 2022 un site onusien où vivent des milliers de réfugiés maliens à Ouallam. BOUREIMA HAMA / AFP

"Avec la dégradation de la sécurité dans la zone des trois frontières (Niger, Mali, Burkina), les conditions de leur retour au pays ne sont évidemment pas réunies", acquiesce Laouan Magagi, le ministre nigérien de l'Action humanitaire.

Résignés, les réfugiés tentent de s'intégrer à Ouallam, petite ville de 15.000 habitants, à travers des "espaces communs" mis en place par le HCR: magasins, centres de soins, écoles. 

"Retourner au Mali? Mais, je n'ai presque plus rien là-bas, mes enfants sont nés au Niger, l'un va à l'école, leur avenir est ici", affirme Agaïchatou, une jeune maman originaire de Ménaka (nord-est du Mali), en pilant du mil, son bébé sur le dos.

Coexistence positive

Certains réfugiés ont reçu des moutons et des chèvres pour "reconstituer un troupeau" et "se procurer du lait", témoigne Ousseïni Hassane, un autre réfugié.

Depuis trois ans, le site aux allures de bidonville s'est mué en un vrai quartier: des petites maisons en briques ocres prennent progressivement la place des abris et bâches de fortune régulièrement détruits par les tempêtes de sable et les inondations.

Il y a une école, une fontaine connectée au réseau d'eau potable de la ville, des lampadaires solaires, une aire de jeux pour enfant, un espace vert.

Plus de 400 familles ont déjà été relogées dans des maisons où elles cohabitent avec des populations locales. Quelque 600 autres maisons vont bientôt sortir de terre, promet le HCR.

Ce "projet extraordinaire vise à assurer la coexistence positive entre autochtones et réfugiés", espère Filippo Grandi.

Sur les 600 élèves de l'école récemment construite, "40%" sont des enfants réfugiés, se félicite-t-il. Récemment, un jardin a été crée où réfugiés et Nigériens font pousser conjointement fruits et légumes.

Avec 464 exploitants - dont 404 femmes - assistés par des agronomes, le potager de plus de cinq hectares est doté d'un système d'irrigation par goutte à goutte et équipé de capteurs d'humidité de sol.

"Je pourrais enfin gagner mon propre argent après avoir vendu une partie de ma production", sourit Madinat, une réfugiée, arrosoir à la main.

D'après l'ONU, le Niger - un des Etats les plus pauvres au monde - abrite plus de 266.400 réfugiés nigérians et maliens auxquels viennent de s'ajouter plus de 13.000 Burkinabè fuyant les atrocités des jihadistes.

Pourtant, le Niger est également victime des atrocités des groupes jihadistes: leurs incursions meurtrières dans l'ouest et dans le sud-est ont déplacé 264.257 personnes à l'intérieur du territoire depuis 2015.

Ce flux humain est un "fardeau pour les communautés locales", prévient Filippo Grandi qui plaide pour une plus grande "aide financière internationale au Niger".


Cyberattaques : Berlin a rappelé «pour consultations» son ambassadeur en Russie

L'ambassadeur allemand en Russie, Alexander Graf Lambsdorff  (Photo, AFP).
L'ambassadeur allemand en Russie, Alexander Graf Lambsdorff (Photo, AFP).
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  • Une cyberattaque a notamment ciblé des adresses email de responsables du SPD, le parti social-démocrate du chancelier Olaf Scholz
  • Les pays occidentaux sont depuis le début de l'invasion russe en Ukraine, en février 2022, en alerte maximum contre le risque d'attaques informatiques massives

BERLIN: Berlin a indiqué lundi avoir rappelé pour consultations son ambassadeur en Russie, Alexander Graf Lambsdorff, après avoir accusé vendredi un groupe de hackeurs russes contrôlé par Moscou d'une récente campagne de cyberattaques.

L'ambassadeur "restera une semaine à Berlin puis retournera à Moscou", a indiqué lors d'un point presse régulier la porte-parole du ministère allemand des Affaires étrangères, Kathrin Deschauer, ajoutant que le gouvernement prenait "très au sérieux" cet "acte contre (notre) démocratie".

Les gouvernements allemand et tchèque ont accusé vendredi le groupe APT28, dirigé par les services de renseignement de la Russie, d'une récente campagne de cyberattaques dans leur pays respectif. Des accusations jugées "infondées" par la Russie.

Attaques ciblées 

Une cyberattaque a notamment ciblé des adresses email de responsables du SPD, le parti social-démocrate du chancelier Olaf Scholz, selon le gouvernement.

Berlin a annoncé vendredi la convocation du chargé d'affaires de l'ambassade de Russie, "pour faire comprendre au gouvernement russe que nous n'acceptons pas ces actions".

Les pays occidentaux sont depuis le début de l'invasion russe en Ukraine, en février 2022, en alerte maximum contre le risque d'attaques informatiques massives et d'opérations de désinformation orchestrées par la Russie.


Exercice américano-philippin contre une «invasion» en mer de Chine

Le président philippin Ferdinand Marcos Jr. a quant à lui assuré lundi que son pays n'entendait pas "faire monter la tension" en mer de Chine méridionale (Photo, Fournie).
Le président philippin Ferdinand Marcos Jr. a quant à lui assuré lundi que son pays n'entendait pas "faire monter la tension" en mer de Chine méridionale (Photo, Fournie).
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  • Ces incidents font craindre un conflit plus large qui pourrait impliquer les Etats-Unis, allié des Philippines
  • La semaine dernière, les forces américaines participant à Balikatan avaient tiré des roquettes de précision Himars depuis l'île occidentale de Palawan

LAOAG: Les troupes américaines et philippines ont tiré lundi des obus et des missiles sur une force d'"invasion" imaginaire pendant des exercices en mer de Chine méridionale, dans le nord des Philippines où les deux pays ont récemment accusé la Chine de "conduite dangereuse et déstabilisante".

Plus de 16.700 soldats américains et philippins participent à ces manoeuvres annuelles navales, terrestres et aériennes organisées jusqu'au 10 mai dans une zone où les incidents à répétition entre embarcations chinoises et philippines font craindre un conflit plus large.

Les soldats américains massés sur les dunes de la côte nord-ouest des Philippines, près de la ville de Laoag, à 400 kilomètres au sud de Taïwan, ont tiré plus de 50 obus de 155 millimètres sur des cibles flottantes à environ cinq kilomètres de la côte, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Les troupes philippines ont enchaîné avec des tirs de roquettes vers les attaquants factices, avant que les deux forces ne finissent l'exercice avec des mitrailleuses, des missiles Javelin et d'autres salves d'artillerie.

Cet exercice à munitions réelles, baptisé "Balikatan" ("Epaule contre épaule" en tagalog, la langue philippine), vise à "se préparer au pire", a déclaré aux journalistes le commandant de la Première force expéditionnaire des Marines des Etats-Unis, Michael Cederholm.

"Il est conçu pour repousser une invasion", a-t-il ajouté sur le site de l'exercice, débuté le 22 avril dans plusieurs endroits des Philippines. "Notre flan nord-ouest est plus exposé", a détaillé à l'AFP le général philippin Marvin Licudine, dirigeant l'exercice pour la partie philippine. "A cause des problèmes régionaux, nous devons dès maintenant nous entraîner sur notre propre sol".

Pékin revendique la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale, une importante route commerciale. Elle ignore un arbitrage international qui lui a donné tort en 2016, et y fait patrouiller des centaines de navires des garde-côtes et de la marine.

La semaine dernière, Manille a accusé les garde-côtes chinois d'avoir endommagé un bateau des garde-côtes philippins et un autre du bureau des pêches en tirant dessus au canon à eau près du récif de Scarborough, contrôlé par la Chine mais revendiqué par les Philippines.

Des exercices en forme de dissuasion 

Ces incidents font craindre un conflit plus large qui pourrait impliquer les Etats-Unis, allié des Philippines, et d'autres pays de la région, dans une période où la Chine renforce sa pression diplomatique et militaire autour de Taïwan.

La semaine dernière, les ministres de la Défense des Philippines, des Etats-Unis, du Japon et de l'Australie ont, à l'issue d'une réunion dans l'archipel américain d'Hawaï, publié un communiqué conjoint dénonçant la "conduite dangereuse et déstabilisante" de Pékin en mer de Chine méridionale.

"Les actions de la Chine dans les mers de Chine orientale et méridionale sont légitimes, légales et irréprochables", avait auparavant affirmé le 12 avril le ministère chinois des Affaires étrangères.

La semaine dernière, les forces américaines participant à Balikatan avaient tiré des roquettes de précision Himars depuis l'île occidentale de Palawan, face aux îles Spratleys également disputées.

Selon l'armée américaine, il s'agissait d'une répétition du déploiement rapide du système Himars sur les côtes philippines bordées par la mer de Chine méridionale afin de "sécuriser et de protéger le territoire, les eaux territoriales et les intérêts de la zone économique exclusive des Philippines".

"Les exercices militaires sont une forme de dissuasion", a déclaré le ministre philippin des Affaires étrangères, Enrique Manalo, dans un discours prononcé en son nom par un assistant lors d'un atelier public vendredi. "Plus nous simulons, moins nous agissons."

Le président philippin Ferdinand Marcos Jr. a quant à lui assuré lundi que son pays n'entendait pas "faire monter la tension" en mer de Chine méridionale.

"Nous ne suivrons pas les garde-côtes chinois et les navires chinois dans cette voie", a-t-il dit. "Nous n'avons pas l'intention d'attaquer qui que ce soit avec des canons à eau ou tout autre équipement offensif", a-t-il poursuivi, ajoutant que Manille continuera à utiliser exclusivement la voie diplomatique pour régler les différends avec Pékin.


La mésaventure d'un proviseur américain, cas d'école des dangers de l'IA

Les mots « Intelligence artificielle IA », miniature d’un robot et d’une main jouet sont représentés sur cette illustration prise le 14 décembre 2023 (Photo, Reuters).
Les mots « Intelligence artificielle IA », miniature d’un robot et d’une main jouet sont représentés sur cette illustration prise le 14 décembre 2023 (Photo, Reuters).
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  • Eric Eiswert, proviseur à Pikesville dans le Maryland, près de Washington, s'est retrouvé au coeur d'une violente polémique avec un enregistrement vocal
  • L'affaire, qui survient en pleine année électorale aux Etats-Unis, met en lumière la facilité avec laquelle les outils d'IA générative peuvent être employés pour nuire à tout un chacun

WASHINGTON: Après l'indignation provoquée dans un lycée américain par la diffusion de propos racistes attribués au proviseur, le vertige de découvrir que la bande sonore a été montée de toutes pièces. Cet épisode illustre les dangers d'une intelligence artificielle devenue accessible à tous.

Eric Eiswert, proviseur à Pikesville dans le Maryland, près de Washington, s'est retrouvé au coeur d'une violente polémique avec un enregistrement vocal -- qui se révélera un faux -- lui faisant prononcer des commentaires choquants contre des élèves juifs et des "enfants noirs ingrats".

L'affaire, qui survient en pleine année électorale aux Etats-Unis, met en lumière la facilité avec laquelle les outils d'IA générative peuvent être employés pour nuire à tout un chacun, et les difficultés auxquelles font face les autorités pour lutter contre de telles pratiques.

"Désormais, tout le monde est vulnérable", et non plus seulement les célébrités, alerte Hany Farid, professeur à l'Université de Californie à Berkeley (ouest).

"Il suffit d'une image pour ajouter une personne dans une vidéo, et 30 secondes d'audio pour cloner la voix de quelqu'un", poursuit le spécialiste en détection d'images et d'enregistrements manipulés numériquement, consulté par la police dans cette affaire.

Quand l'enregistrement fuite sur les réseaux sociaux en janvier, il devient rapidement viral. Une publication recueille des milliers de commentaires sur Instagram, et propulse l'école au coeur d'une polémique nationale.

Le militant des droits civiques DeRay McKesson réclame la démission du proviseur sur son compte X, suivi par près d'un million d'internautes. Il admettra s'être fait abuser.

Les messages haineux pleuvent sur les réseaux sociaux et les coups de fil menaçants se multiplient dans l'établissement. Le "monde serait meilleur si vous étiez sous terre", écrit ainsi un internaute au proviseur.

Ce dernier est placé en congés, son domicile mis sous protection. Contacté par l'AFP, il n'a pas répondu.

Vengeance 

"Je continue de m'inquiéter des dégâts provoqués par cette affaire", confie Billy Burke, directeur du syndicat représentant le proviseur.

Fin avril, Dazhon Darien, 31 ans, responsable sportif du lycée, a été arrêté par les autorités, accusé d'être à l'origine du faux. Les enquêteurs sont remontés jusqu'à lui grâce à l'adresse électronique qui a initialement partagé le fichier.

Il aurait agi pour se venger d'une enquête ouverte à son encontre par le proviseur sur des paiements suspects.

Le prévenu a mené des recherches sur des outils d'IA depuis le réseau informatique du lycée, selon l'acte d'accusation.

La bande sonore, selon l'analyse d'un expert consulté par la police, "contient des traces de contenu généré par l'IA, avec un montage humain a posteriori".

Cette affaire démontre la nécessité "d'adapter la loi aux avancées technologiques", a estimé le procureur local, Scott Shellenberger.

Les montages audio sont particulièrement difficiles à déceler. En janvier, un message diffusé par appels téléphoniques automatisés usurpant la voix du président Joe Biden incitait les électeurs démocrates de l'Etat du New Hampshire (nord-est) à s'abstenir lors des primaires pour du parti.

A Pikeville, l'affaire a secoué les habitants, "très proches les uns des autres", raconte Parker Bratton, l'entraîneur de golf du lycée.

"Il y a un seul président, mais il y a un million de proviseurs!", s'inquiète-t-il, "les gens se demandent +Que va-t-il m'arriver si quelqu'un décide tout simplement de détruire ma carrière?+".